C'est à l'occasion de la sortie de La défaite de l'Occident (Gallimard, 2024) qu'Emmanuel Todd, anthropologue, démographe et historien, nous alèrte sur le nouveau stade critique que nous avons atteint : après la religion zombie, la religion zéro règne partout, et plonge l'Occident devenu consommateur et parasitaire dans un nihilisme total, qui le pousse à poursuivre des actions absurdes et autodestructrices.
Dans quelle dynamique sommes-nous embarqués et pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Comment doit-on comprendre les agissements des autres pôles de puissance sur la planète ?
Sinologue, professeur à l'Institut catholique de Paris et chercheur-associé à l'IRIS, Emmanuel Lincot donne une conférence traitant de l'histoire de Taïwan qui permet de saisir les enjeux autour de cette île peuplée de 23 millions d'habitants, très compétitive dans certains domaines industriels stratégiques, et dont l'avenir est étroitement associé à la Chine, son géant de voisin.
Entre recherches de soutiens diplomatiques, menaces d'asphyxie économique et rumeurs d'invasion militaire, le destin de Taïwan, pour être compris, doit être replacé au sein de la galaxie des intérêts stratégiques des grandes puissances de la région.
La République est devenue un mantra du discours politique en France. Réduite à un universalisme de façade et à une laïcité entièrement falsifiée, elle n'est plus utilisée que pour dissimuler la réalité des fractures et pour tenter de combler le déficit croissant de légitimité auquel se heurte une régulation sociale qui laisse proliférer l'inégalité et précarise les existences.
On oublie ainsi le sens premier du projet républicain : créer une société qui soit la chose de tous, une société dont la légitimité tient à sa capacité à instituer et à entretenir entre les citoyens des rapports d'indépendance mutuelle et de non-domination. Mais à l'âge du capitalisme avancé cette égalité ne peut plus reposer seulement sur celle des droits personnels ; elle exige des droits sociaux solides et efficaces qui garantissent à chacun les bases d'une existence autonome : droit à la santé, à l'éducation, au logement, à un emploi et à un revenu décents.
À l'égalité des indépendances qui suppose la maîtrise des intérêts particuliers, les nouveaux intégristes substituent une forme imaginaire de subordination du privé au public : l'égalité abstraite devant la loi, l'aveuglement aux différences et aux formes de domination qui les accompagnent. Désormais, la définition culturelle de la République par l'effacement des différences identitaires remplace la définition sociale de la République. Cela revient à nier que, dans une société complexe, une telle égalité ne peut être atteinte que par la reconnaissance des obstacles spécifiques auxquels les individus sont confrontés.
Deux représentations géopolitiques du destin de l'Arménie imprègnent et façonnent de manière implicite la plupart des discours et des analyses, tant en Arménie qu'à l’extérieur : l'image de la citadelle et l'image du carrefour.
Ces représentations sont replacer dans l'évolution récente des rapports de force régionaux, entre un destin partagé avec l'Occident et des contentieux historiques et géopolitiques avec ses voisins.
Émission "Cartes sur Table", animée par Harout Mardiroussian.
On connait l'adage "On n'arrête pas le progrès" ? Et si justement, on l'arrêtait, le progrès ? Le progrès, cette flèche du temps qui va vers l'avant, vers le mieux. Une notion qui accompagne l'histoire des 150 dernières années. L'innovation ce mot totem de notre époque, un "buzzworld" omniprésent. Mais "maintenant, c'est plus pareil, ça change, ça change…".
Face aux défis sans précèdent de la crise climatique. Est-ce que notre manière de penser le développement des techniques est à la hauteur de ce qu'il faut affronter ?
Émission "La Science, CQFD", animée par Natacha Triou.
Fque nous lui avons demandé d’évoquer la politique du gouvernement Meloni vis-à-vis de l’Union européenne.
A ses débuts, Giorgia Meloni a promis d'engager une épreuve de force avec Bruxelles et surtout avec la Banque centrale européenne. La dirigeante d'extrême droite s'est opposée à la révision du Mécanisme européen de stabilité, en espérant contraindre ses partenaires à adoucir le Pacte de stabilité qui est en préparation.
Frédéric Farah, fin connaisseur de l'Italie, explique pourquoi et comment le gouvernement Meloni a perdu son pari, révélant sa véritable nature : sa soumission à l'orthodoxie néolibérale et sa politique anti-sociale qui font de Giorgia Meloni une thatchérienne d'extrême droite.
Questions:
- 0'53'27 : Pari perdu sur l'immigration
- 1'03'29 : Un "thatcherisme de gauche" ?
- 1'06'53 : Quid des mouvements comme le M5S ou le PRC ?
- 1'11'01 : Mémoire italienne des memorandums en Grèce
- 1'16'40 : Acronymes obscurs et cas concret des politiques de l'UE.
- 1'20'36 : Rôle de S. Mattarella
- 1'27'20 : Possibilité en Italie d'une crise à la "Gilets Jaunes" ?
- 1'29'47 : Séparation de l'Italie entre Nord et Sud
Foucault, Deleuze, Derrida, et compagnie : comment les États-Unis ont-ils lu ces auteurs français ? Et comment expliquer leur succès si différent outre-Atlantique ?
François Cusset, auteur de French Theory, éclaire aujourd'hui ces déplacements inattendus de la pensée française en terre américaine.
Émission "Les Chemins de la philosophie", animée par Adèle Van Reeth.
Les énergies fossiles ont façonné notre civilisation. Leur déclin, inéluctable, pose la question du monde d'après. Devons-nous nous attendre à des crises démographiques, sanitaires, et économiques, climatiques ? Comment limiter les conséquences de cette pénurie ?
Pour répondre à ces questions, Jean-Marc Jancovici, président du Shift Project, échange avec Véra Nikolski, docteur en science politique et auteur du récent Féminicène (Fayard).
Une fréquentation même sommaire et partielle de l'immense littérature qui a été consacrée à Michel Foucault révèle qu'elle repose en grande partie sur une décontextualisation de l'oeuvre. Dans un souci de contextualiser celle-ci, Gille Labelle défend trois arguments :
1) le rejet de la "pensée dialectique", dont la phénoménologie est le cas le plus récent suivant Foucault, doit être considéré comme structurant tout son travail, de l'Histoire de la folie à l'âge classique à l'Histoire de la sexualité et au cours de 1979 consacré au libéralisme et au néolibéralisme.
2) Cette posture constitue une prise de position à l'égard des principes qui structurent ce qu'on peut désigner comme le monde moderne ou la modernité. À la pensée dialectique, Foucault oppose d'abord ce qu'il désigne comme "pensée du dehors", qui correspond à ce que Hegel désignait comme "pensée de l'entendement" en ce qu'elle pose l'existence d'oppositions irréductibles et indépassables. L'exemple paradigmatique de cette pensée désignée par Hegel comme pensée du "ou bien… ou bien…" est donné dès le départ de l'oeuvre de Foucault : ou bien la déraison (dont la folie est un cas), ou bien la raison. Ce qui est dès lors rejeté est l'idée de synthèse ou de réconciliation entre les éléments contradictoires dont hérite la modernité (par exemple entre l’idée de totalité et celle de liberté), qui caractérise selon Foucault la pensée dialectique dans ses diverses déclinaisons, hégélienne, marxienne et phénoménologique.
3) Cette prise de position à propos de la pensée dialectique et de la modernité permet de situer Foucault dans l'actualité immédiate où s'est déployée son oeuvre – la critique de la colonisation d'abord, le gauchisme post-soixante-huitard ensuite, ce qu'on peut désigner comme le "post-gauchisme" enfin – et éclaire en partie au moins la réception dont elle a fait l’objet.
Peut-on lire Heidegger en dissociant l'homme de la pensée, l'engagement national-socialiste de ses concepts d'être, d'enracinement et de peuple ? Et comment lire Arendt qui a tout autant critiqué la dimension déshumanisante d'Etre et Temps que fait l'éloge de celui qui lui a appris à penser ?
Henri de Monvallier donne la parole au philosophe Emmanuel Faye et à ses recherches fouillée sur l'introduction du nazisme dans la philosophie.
Le langage n'est pas la langue, la langue n'est pas le discours, le discours est autre que la parole, la parole ne se réduit pas aux mots, les mots sont plus que des lettres, les lettres qui existent sans les sons, les sons qui ne forment pas toujours des phrases, les phrases qui ne constituent pas à elles-seules un langage.
Dans le langage, on tourne facilement en rond. Puisqu'en parler c'est déjà le solliciter. Comment alors lui tendre un miroir sans le déformer par notre subjectivité ?
Le langage est un pays dans lequel nous pouvons voyager, comme on arpente un terrain familier dont chaque recoin nous paraît, de plus près, étranger. Le langage, par définition, on n'y pense pas puisque c'est lui qui nous fait penser. Mais à le tenir pour acquis, hors de soi, immobile, il s'assèche, et fige la pensée dans des postures incapables de dire ce que nous voulons dire. C'est que le langage n'est pas à notre service. Il est un pouvoir, une tyrannie qui, même lorsqu'on en fait un jeu, s'impose à nous avec insolence, et parfois, humiliation. Essayez de le dompter, il montrera les crocs. Mieux vaut renoncer à toute domestication.
Comment alors se faire entendre dans ces mots qui ne sont pas les miens ? Et pourquoi Roland Barthes vit-il le langage comme une maladie ? Pourquoi la langue est-elle "fasciste", selon le mot du sémiologue ? En quoi consiste son pouvoir ?
Émission "Les Chemins de la philosophie", animée par Adèle Van Reeth.
Motown, l'un des labels les plus importants de l'histoire de la musique populaire, fondé à Détroit, a lancé les plus grands artistes de la musique noire américaine et mené la musique soul à son apogée dans les années 1960-1970.
Sous l'impulsion de Berry Gordy dont la seule devise était de "créer, fabriquer, vendre", la Motown appliqua le fordisme à la création musicale pour en tirer le symbole de la pop musique, au croisement entre la culture noire et la culture blanche.
Comment Berry Gordy est-il devenu le premier afro-américain à la tête d'un label indépendant ? En quoi témoigne-t-il d'une conscience de développer une musique en rapport avec les aspirations de la classe laborieuse ? Comment étaient recrutés les talents de la maison de disques ?
Émission "Sans oser le demander", animée par Matthieu Garrigou-Lagrange.