Spécialiste de la Rome antique, longtemps professeur au Collège de France, auteur d'ouvrages majeurs, Paul Veyne est considéré comme l'un des historiens les plus érudits, les plus indépendants et les plus importants du XXe siècle.
En 1985, c'était à Bédoin, dans le Vaucluse, là où il vivait alors, que Paul Veyne et ses invités revenait sur son parcours et ses objets d'études, en évoquant ses enthousiasmes intellectuels et artistiques, ses amitiés, en particulier celle qu'il avait entretenue avec Michel Foucault, "l'une des deux ou trois personnes que j'aurais le plus aimé en ce monde".
L'occasion de revenir sur quelques éléments biographiques de cet immense historien de l'Antiquité qui, pourtant, minimise l'importance des idées en Histoire !
Dans leur livre L'illusion du bloc bourgeois, Stefano Palombarini et Bruno Amable citent L'Art de la guerre de Machiavel : "Celui-là est rarement vaincu, qui sait mesurer ses forces et celles de l'ennemi." À partir de cette prise de position "néoréaliste", essayons de mesurer la dynamique et l'histoire des forces de l'ennemi en dissipant les nuages du chaos apparent.
La crise que nous traversons semble, désormais, se réduire et se résumer dans la "décision" devenue presque arbitraire du président Macron. Elle semble atteindre une forme paroxystique. Voire extatique. Les stratagèmes électoraux du macronisme, devenus inopérants, font place à ce qu'il reste lorsque la stratégie semble morte : le pur pari – l'action votive – le coup de poker.
Ce qui est en jeu dans cette dissolution, c'est bien tout le paradoxe d'une victoire par deux fois d'un président dont le soutien est une base sociale minuscule, obligé d'essayer de se rallier non seulement le "bloc bourgeois", ni de droite ni de gauche, mais, à terme, le "bloc identitaire" - seul bloc "populaire" encore compatible avec le libéralisme autoritaire.
En bref : il y a, depuis 40 ans, une vaste crise d'hégémonie et de dominance sociale.
Le nom de Michel Freitag, en dehors de quelques cercles restreints, n'est guère connu. Pourtant, son œuvre, toujours en cours d'édition près de quinze ans après sa disparition (2009), est monumentale, tant par le volume physique des ouvrages que par l'envergure théorique qui s'y déploie.
Le philosophe Baptiste Rappin nous propose ici de découvrir un sociologue discret et marginal, pour ne pas dire méconnu ou ignoré : il est l'un des rares intellectuels francophones à n'avoir pas succombé à la pulvérisation méthodologique des savoirs et, par conséquent, à n'avoir pas renoncé à l'entreprise d'une théorisation générale de la société.
Pour Julien Mattern, maître de conférence en sociologie, l'idée que la société occidentale était dans une forme d'extase progressiste jusque dans les années 1980 est une idée reconstruite. En effet, dès le XIXe siècle, les sociologues classiques constatent les effets néfastes du progrès tout en se résignant à l'embrasser.
Il illustre ce rapport paradoxal de la sociologie au progrès en revenant d'abord à la pensée d'Émile Durkheim : alors que ce sociologue français observe l'explosion du taux de suicides à son époque, il établit que le progrès est une loi de la nature qui s'impose aux hommes. Et si le présent semble si chaotique, c'est parce que le monde est en transition. C'est ensuite dans l'oeuvre de Georges Friedmann que l'on déplore la perte de contact avec la Nature, même s'il juge lui aussi qu'elle est inéducable.
Pour Julien Mattern, l'adhésion des classiques au mythe du progrès relève plutôt d'un pari : celui d'une transition la plus harmonieuse possible humanisant le progrès.
La démocratie est un régime politique qui ne paraît plus contestable en Occident. Cependant, le système représentatif démocratique apparaît aujourd'hui en crise dans nos sociétés et notamment en France et dans le contexte de l'Europe.
Trois intervenant nous proposent leurs réflexions sur l'évolution de la démocratie telle qu'elle s'exerce aujourd'hui, entre société civile et institutions politiques :
1. L'effacement du politique : pouvoir informe et société victimaire, par Jean-Pierre Le Goff
2. La réinvention démocratique, par Patrick Savidan
3. Le multiculturalisme contre la diversité, par Alain-Gérard Slama
Un échange modéré par Jean-Michel Helvig.
La petite bourgeoisie culturelle s'est fabriqué un destin collectif partagé entre des membres des classes populaires en ascension, grâce à l'école, et une fraction de la bourgeoisie en rupture avec le capital économique.
Le socialisme municipal des années 1970-1980 a libéré les initiatives locales, la vie associative, les pratiques artistiques ou sportives.
Elie Gueraut, sociologue, nous présente l'enquête qu'il a menée et qui montre comment cette effervescence collective retombe aujourd'hui faute de moyens et de soutiens politiques, participant au déclin des petites villes françaises.
La théorie critique de la société fait-elle face à la crise écologique comme à un défi qui l'oblige à se renouveler et à se transformer ? Poser la question en ces termes, c'est présumer que la théorie critique ne serait en réalité pas véritablement armée pour faire face au défi de la crise climatique et écologique, que son histoire et l'héritage qu'elle porte ne lui permettraient pas de l'affronter sans devoir subir un sévère aggiornamento. Ce jugement est aujourd'hui largement répandu, notamment au sein de l'éco-marxisme nord-américain.
Tout en reconnaissant que "l'une des contributions durables des théoriciens sociaux de l'École de Francfort, représentée en particulier par la Dialectique de la raison publiée en 1944 par Max Horkheimer et Theodor Adorno, a été le développement d'une critique philosophique de la domination de la nature", John Bellamy Foster et Brett Clark n'en estiment pas moins que, "lorsque le mouvement écologique a émergé dans les années 1960 et 1970, le marxisme occidental était, avec sa notion abstraite, philosophique de domination de la nature, mal équipé pour analyser les formes changeantes et de plus en plus périlleuses de l'interaction matérielle entre l'humanité et la nature".
Franck Fischbach se demande dans quelle mesure une telle critique de la catégorie de domination est fondée et dans quelle mesure aussi cela peut justifier de lui substituer la catégorie de "rupture métabolique". Est également posée la question de savoir si la liquidation de la catégorie de domination n'aurait pas le tort de s'accompagner de l'occultation d'un double lien auquel les théoriciens de Francfort accordaient à juste titre une importance considérable, à savoir d'une part le lien entre la domination de la nature et la domination sociale, et d'autre part (mais les deux sont inséparables) le lien entre raison et domination.
Une conférence organisée par le Centre d'études sur les médias, les technologies et l'internationalisation, dans le cadre du séminaire "Capitalisme Cognitif : communs, plateformes et crise écologique".
Spécialiste de l'opinion et directeur au sein de l'Institut IFOP, Jérôme Fourquet est l'un des plus fins politologues français. Connu du grand public pour son ouvrage à succès L'Archipel français, il revient avec un livre tout aussi important La France d'après aux éditions du seuil.
Dans cet échange, il revient en profondeur sur l'état des statistiques indiquant les bouleversements politique en France : l'impact du vote musulman, le recul du catholicisme, les ressorts du vote pour Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, mais également la résurgence des thématiques sécuritaires et migratoires dans l'opinion.
Un entretien dense et profond.