Présenté naguère comme un dévot de la social-démocratie, aujourd'hui comme un croisé du libéralisme, demain peut-être comme un précurseur de la soft idéologie, Karl Popper (1902-1994) est avant tout un épistémologue et un philosophe dont la réflexion proprement politique ne saurait certainement pas être corsetée.
En effet, l'auteur de Conjectures et réfutations s'adresse d'abord à des problèmes philosophiques "classiques", que nulle théorie de la connaissance ne saurait ignorer : le statut de la métaphysique, l'induction, la rationalité, le déterminisme.
Émission "Des nuages et des horloges", animée par Mira Barthelemy et Stanko Cerovic.
Pour Ibn Khaldûn, immense historien arabe du XIVe siècle, l'État "civilise" au plein sens du terme, il crée une société civile, pacifique et désarmée. L'État trace une limite claire entre la société sédentaire, qui vit sous sa protection, et la société bédouine, tribale, qu'il ne contrôle pas. Mais il a besoin des deux mondes, puisqu'il tire du monde tribal la violence nécessaire pour imposer sa paix dans le monde sédentaire, où il puise ses richesses à travers l'impôt. Si on donne à ces termes, "sédentaire" et "bédouin", leur véritable sens, c'est-à-dire "sous le contrôle d'un État" et "hors du contrôle d'un État", la pertinence de la théorie peut être étendue très au-delà de l'Islam et du Moyen Âge.
Pour comprendre cette fascinante théorie utile à notre temps, Gabriel Martinez-Gros, avec toute la finesse et l'érudition qui lui sont coutumières, nous présente les lignes de force de l'œuvre d'Ibn Khaldûn pour nous permettre d'en cerner la richesse et la portée.
L'islam suscite des controverses sans fin et prête à bien des confusions. Mais qu'est-ce que l'islam, particulièrement dans le domaine philosophique ? Une manière d'être face à Dieu ? Une religion parmi d'autres avec ses dogmes et ses normes ?
Rémi Brague se confronte à ces questions fondamentales pour explorer la vision philosophique islamique de Dieu et du monde. Car l'islam, dit-il, n'est pas une religion au sens où nous l'entendons : c'est avant tout une loi qui conçoit la croyance comme une évidence innée qu'on ne saurait refuser sans mauvaise foi. Il est dès lors primordial de délaisser nos catégories chrétiennes de pensée pour tenter d'en comprendre la logique.
Émission "Le monde de la philosophie", animée par Rémi Soulié.
Essayiste, journaliste et traducteur, principal introducteur de la pensée de Julius Evola dans l'aire francophone, Philippe Baillet s'autorise enfin, après une vie dédiée au militantisme et à la pensée, à faire le bilan.
Ces entretiens permettent de revenir sur des thèmes qui lui sont chers et qu'il a traités dans plusieurs essais : la question du rapport à l'Autre à l'extrême-droite avec L'autre tiers-mondisme, des origines à l'islamisme radical, l'écologie dans Piété pour le Cosmos et les milieux militants avec De la Confrérie des Bons Aryens à la Nef des fous.
Des constats sans concessions qui ne laisseront personne indifférent.
Des feux ravageant des milliers d'espèces animales et végétales aux pandémies, en passant par le dérèglement climatique, tout conspire à signer la faillite du projet moderne de contrôle intégral de la nature par l'ingénierie humaine. L'effondrement des sociétés industrielles deviendrait sinon certain, du moins probable. À l'ombre de ce curieux futur sans avenir, les nouvelles consciences politiques sont façonnées par un discours écologiste effondriste, qui ne cesse de s'étendre.
Voilà qui paraît encourageant. À ceci près que cette collapsologie, autrement dit l'étude des effondrements passés, présents et à venir, et des moyens de s'y préparer, pourrait bien n'être qu'une énième recomposition du Spectacle. Cet ensemble de constats scientifiques, de grandes orientations éthiques et de conseils pratiques de survie participe de l'occultation d'une part de l'écologie politique. Celle qui a pourtant mené la critique la plus pertinente du capitalisme industriel, et a proposé les voies les plus sûres pour en sortir. En ce sens, la collapsologie est l'écologie mutilée.
Trentenaire, jolie, bourgeoise, macroniste jusqu’au bout des ongles, Marie-Chantal incarne à merveille l’élite actuelle, à la fois obsédée et effrayée par l'extrême droite.
Frédéric Saint Clair l'interroge : c'est quoi, l'extrême droite ? Elle peine à répondre. Un dialogue s’engage, au fil des rencontres : discrimination, grand remplacement, dictature, remigration, coup d'État… ou comment repenser la notion d'ennemi à l'heure du choc des civilisations ?
À la fin de l’histoire : elle sait ce que ça coûte politiquement d'être cosmopolite à la manière de Kant et de n'avoir pas lu Carl Schmitt. Et qu’est-ce que ça change ? Absolument tout !
On crédite les nazis d'avoir su légiférer pour protéger la nature : le lien qu'ils établissaient entre le sang et le sol, le culte romantique de la nature et l'hygiénisme raciste qu'ils défendaient les auraient prédisposé à mettre en pratique une sensibilité écologiste précoce parmi les États contemporains. Un examen de la législation écologique nazie montre que les projets de loi dataient de la république de Weimar, et qu'ils ne furent guère appliqués : marais, forêts et montagnes furent soumis aux impératifs de la politique de production et de défense nazie. Un examen plus attentif du sort dévolu à ces zones protégées fait apparaître qu'elles furent, à l'instar des autres territoires et des hommes qui l'occupaient, totalement réifiées, et considérées comme des fonds d'énergie et de matière mobilisables pour l'effort de guerre du Troisième Reich.
La nature prisée par les nazis n’est pas celle des naturalistes et autres écologistes, mais une nature sommairement darwinienne, plus germanisée qu'anthropisée. Elle n'a rien à voir avec l'amour et le respect de la biodiversité. Et de façon concrète, tant sur un plan civil que militaire, les nazis se sont montrés de redoutables destructeurs de la nature, tant sur le plan de l'agriculture que sur celui de l'aménagement du territoire.
Il est temps d'en finir avec une approximation inepte.
- 1_2 : les illusions du souverainisme
Peut-on surmonter l'objection selon laquelle la démocratie trouve à s'exprimer de manière privilégiée – voire unique – au sein des États-nations ? Peut-on répondre aux philosophes et aux politistes qui soutiennent que la nation est la condition sine qua non de la démocratie, le seul lieu d'exercice possible des droits politiques, le terreau de la liberté, de l'égalité et de la fraternité ? Céline Spector se propose de réfuter les illusions du souverainisme, en défendant la possibilité d’une démocratie post-nationale.
- 2_2 : une république fédérative pour l'Europe
Dans un second temps, Céline Spector entend montrer que les théories de la République fédérative élaborées dans L'Esprit des lois et transformées par Madison et Hamilton éclairent l'avenir politique de l'Union. Envisager une théorie des institutions libres et justes sans céder au tropisme kantien invite à déceler, dans la philosophie des Lumières, des théories de l'association libre des républiques qui n'optent pas pour le cosmopolitisme. L'enquête contribue ainsi à justifier, de manière non dogmatique, une République fédérative en Europe.
La technique semble désormais empiéter sur tous les domaines de l'activité humaine. La science se transforme en technoscience. La morale se fait gestion des ressources et management. La parole est livrée aux techniques de communication ; l'amour, au Kâma-Sûtra. Il n’est pas même jusqu'à l'évangélisation qui ne soit atteinte : on la conçoit aisément comme la nécessité d'allier Facebook à la Sainte Face, et Twitter à l'Esprit Saint. Il ne s'agit plus d'être, mais de faire (l'amour ou un beau discours). Mais un faire qui ne se fonde plus sur l'être ne peut en vérité que défaire, et sa volonté de puissance cache une impuissance radicale, qui asservit au lieu d'élever, qui manipule au lieu d'engendrer.
L'enjeu du cours de Fabrice Hadjadj est donc, avec Aristote et saint Thomas, de distinguer la technè (faire), de la praxis (agir) et de l'epistèmè (savoir), pour montrer en quoi le savoir-faire n'est pas d'abord un savoir, et en quoi la perfection de l'art ne se situe pas sur la même ligne que la perfection morale : la confusion, aussi bien que la séparation de ces trois espèces de vertu, est désastreuse.
Il montre également comment s'est opéré le passage de la technè des Anciens à la technique des Modernes, pour essayer de penser l'empire technocratique de notre époque (qui ne semble d'ailleurs plus une époque, mais un délai).
Ce sont bien les écrans qui font écran, en dépit de leurs nombreuses "fenêtres" et "icônes", et nos GPS qui nous égarent systématiquement, quand il s'agit d'être simplement ici...
L'origine du désir ne se situe pas dans le sujet ni dans l'objet désiré, mais avant tout dans le désir d'un second sujet perçu comme modèle.
C'est la thèse du grand penseur des rapports entre violence et sacré, l'anthropologue René Girard, qui nous expose ici la logique du désir mimétique telle qu'elle se révèle dans les grands textes littéraires et religieux.
Une théorie aux conséquences importantes, puisqu'elle se trouve au fondement de toutes les sociétés humaines. Pour le meilleur et pour le pire…
Un entretien mené par Patrick Perquy.