Ni lavage de cerveau ni contrainte par la force, pas même culture ou simple organisation économique, le capitalisme est tout cela à la fois. Il s'immisce dans nos vies à travers une série de mécanismes par lesquels l'activité économique est apprise, légitimée et finalement (re)produite.
Tous ces petits attachements, ces petits enrôlements, forment un maillage si serré qu'il est difficile de s’en extraire. Ainsi chaque jour nous agissons en accord avec ses principes. Bien souvent, nous y adhérons pleinement, même lorsque cela va à l'encontre de nos convictions. Nous n'y participons pas parce que nous sommes ainsi faits, nous sommes ainsi faits parce que nous y participons.
On ne naît donc pas capitaliste, on le devient – qu’on le veuille ou non.
Émission "Les Oreilles loin du Front".
Proudhon, les socialistes utopiques, les insurgés de la Commune, les syndicalistes révolutionnaires, Georges Sorel, Édouard Berth, Georges Valois et bien d’autres ont constitué les jalons d’un socialisme français, un socialisme enraciné en lutte contre la transformation du monde opérée par la bourgeoisie.
Une histoire riche qu'exhume avec bonheur l'intellectuel indépendant David L'Épée, collaborateur régulier des revues Éléments et Rébellion et rédacteur en chef de la revue Krisis.
Qu'ont en commun une chaudière, une voiture, un panneau de signalétique, un smartphone, une cathédrale, une œuvre d'art, un satellite, un lave-linge, un pont, une horloge, un serveur informatique, le corps d'un illustre homme d'État, un tracteur ? Presque rien, si ce n'est qu'aucune de ces choses, petite ou grande, précieuse ou banale, ne perdure sans une forme d'entretien. Tout objet s'use, se dégrade, finit par se casser, voire par disparaître.
Pour autant, mesure-t-on bien l'importance de la maintenance ? Contrepoint de l'obsession contemporaine pour l'innovation, moins spectaculaire que l'acte singulier de la réparation, cet art délicat de faire durer les choses n'est que très rarement porté à notre attention.
Le travail de David Pontille et Jérôme Denis est une invitation à décentrer le regard en mettant au premier plan la maintenance et celles et ceux qui l'accomplissent. Ils décrivent les subtilités du "soin des choses" pour en souligner les enjeux éthiques et la portée politique. Parce que s'y cultive une attention sensible à la fragilité et que s'y invente au jour le jour une diplomatie matérielle qui résiste au rythme effréné de l'obsolescence programmée et de la surconsommation, la maintenance dessine les contours d'un monde à l'écart des prétentions de la toute-puissance des humains et de l'autonomie technologique. Un monde où se déploient des formes d'attachement aux choses bien moins triviales que l'on pourrait l'imaginer.
C'est à l'occasion de la nouvelle édition de son livre Misère du nietzschéisme de gauche, de Georges Bataille à Michel Onfray que l'essayiste et fondateur des éditions Delga Aymeric Monville vient nous parler de l'étonnant Nietzsche !
Andler, Palante, Blanchot, Camus Bataille, Deleuze, Foucault, Derrida, furent autant de grands prêtres d'un culte devenu religion officielle : le "nietzschéisme de gauche". Passé dans les mœurs modernes, ânonné par les managers, les magazines télévisés, les hommes politiques autant que par Michel Onfray, ce retour de Nietzsche par la gauche autorise le consensus irrationaliste, individualiste et anticommuniste, de la "gauche morale" à la réaction. Ce recyclage philosophique a un but : détruire au sein de la gauche le matérialisme des Lumières et in fine l'ensemble de la philosophie issue du marxisme et du mouvement ouvrier.
Comment comprendre cette postérité extravagante du solitaire de Sils-Maria ? Aymeric Monville revisite avec acuité cette réception si particulière de Nietzsche en France.
Lorsque Michel Foucault décède en 1984, c'est également le monde de l'après-guerre, ses institutions et ses espoirs de transformation sociale, qui s'éteint avec lui. Les décennies qui suivront seront indéniablement celles du triomphe du néolibéralisme et des attaques contre les droits sociaux. Si Michel Foucault n'en a pas été le témoin direct, son oeuvre dans ce domaine apparaît néanmoins visionnaire. La question du libéralisme occupe en effet une place importante dans ses derniers écrits.
Depuis sa disparition, l'appareil de pensée foucaldien a, en outre, acquis une place centrale, pour ne pas dire dominante, au sein d'un large pan du monde intellectuel de gauche.
Pourtant, l'attitude du philosophe face au néolibéralisme fut pour le moins équivoque. Loin de mener une lutte intellectuelle résolue contre la doxa du libre marché, Michel Foucault semble, sur bien des points, y adhérer. Comment en effet interpréter sa critique radicale de la sécurité sociale, qualifiée d'instrument d'accomplissement du "biopouvoir" ? Foucault aurait-il été séduit par le néolibéralisme ?
Cette question, loin d'incarner simplement les évolutions d'un intellectuel, interroge plus généralement les mutations d'une certaine gauche de l'après-mai 68, les désillusions à venir et les transformations profondes du champ intellectuel français au cours des trente dernières années.
Pour le sens commun, le progrès technique est indiscutable : ses bienfaits s'étendent à tous les domaines et ne font pas question. Pourtant, depuis au moins deux siècles, l'accélération, la sophistication et la généralisation des techniques se sont accompagnées de fortes critiques décrivant une dépossession croissante de l'existence par une innovation technologique que plus personne ne contrôle. Elle prétend régler les problèmes qu'elle a elle-même provoqués, nous entraînant dans un emballement qui semble sans limite et dont la face obscure et grandissante est déniée, accusant toute interrogation d'arriération et d'obscurantisme.
C'est en philosophe de la technique que Daniel Cérézuelle, dans la lignée des penseurs technocritiques comme Jaques Ellul ou Bernard Charbonneau, produit des travaux cherchant à cerner cette idéologie omniprésente qui voudrait faire croire que l'histoire des sociétés obéit à un "développement" sur lequel les humains n'auraient aucune prise.
Plus de deux siècles après les événements, la Révolution, de la prise de la Bastille jusqu'au coup d'État de Bonaparte, apparaît toujours dans la mémoire collective comme un moment fondateur. Mais aussi comme le plus sujet aux fantasmes et à l'idéologie. D'où la nécessité de faire le point, loin des certitudes acquises dans les manuels scolaires et des partis pris qui déchaînent encore les passions.
L'historien Antoine Boulant nous propose une nouvelle lecture de cette période majeure de l'histoire de France, à la fois modernisatrice et traumatique, à travers les grandes questions qu'elle pose à notre imaginaire.
Émission du "Libre journal des débats", animée par Charles de Meyer.
Partons à la découverte de G.K. Chesterton. Personnage colossal, auteur d'essais, de romans, de pièces de théâtre, de biographies et d'ouvrages théologique très complexes comme de romans policiers, il se convertit au catholicisme en 1922.
Son parcours et son oeuvre sont détaillés par Régis Burnet, traducteur de Chesterton, et Philippe Maxence, auteur d'une biographie à son sujet.
Émission "La Foi prise au Mot", animée par Régis Burnet.
Il y a un peu moins de deux cents ans, Victor Hugo déclarait "la guerre aux démolisseurs". Aujourd’hui ils s'appellent "déconstructeurs".
La revue Krisis vient de leur consacrer un numéro et David L'Épée, son rédacteur en chef, nous introduit aux enjeux qui dépassent de loin le territoire intellectuel en s'attaquant directement à la santé mentale et psychique de nos enfants.
Émission du "Libre journal de la nouvelle droite", animée par Thomas Hennetier et Rodolphe Cart.
Avec la guerre en Ukraine aux portes de l'Europe et la montée des affrontements - aujourd'hui verbaux et "à distance"- entre la Russie et les puissances de l'OTAN, le professeur de sciences politiques et membre de l'Académie des Technologies Jean-Pierre Dupuy estime que "nous sommes plus près d'une guerre nucléaire que nous ne l'avons jamais été pendant la guerre froide".
Dans son livre de 2019 La guerre qui ne peut avoir lieu. Essai de métaphysique nucléaire, réédité en 2022, il "démonte" notamment la fameuse théorie de la dissuasion avec laquelle nous, Français, avons tous été élevés.
La montée de l'insignifiance, c'est l'entrée dans une société qui n'a plus d'image d'elle-même, à laquelle les individus ne peuvent plus s'identifier, où les mécanismes de direction se décomposent. Mais une société qui refuse l'autolimitation et la mortalité est vouée à l’échec.
Des deux grandes significations constitutives du monde moderne, celle qui avait fini par s'imposer sans partage – l'expansion illimitée – est aujourd'hui en crise. L'éclipse de l'autre – l'autonomie individuelle et collective – sera-t-elle durable ? Saurons-nous créer de nouvelles façons d'être ensemble ?
Les questions soulevées par Cornelius Castoriadis se posent à nous de façon toujours plus pressante.
Un entretien mené par Olivier Morel.