On ne manque jamais de rendre hommage aux ouvrages de Paul Bénichou quand on s'aventure sur son terrain, celui de la religiosité romantique et de la sacralisation de l'écrivain. Cependant, cet intérêt semble plus thématique que scientifique. On mentionne Bénichou comme par réflexe, car il constitue la référence incontournable sur ce type de sujets, mais on commente rarement la teneur exacte de ses livres, ses prises de position, comme si quelque chose dans la manière de procéder du célèbre critique embarrassait la recherche actuelle.
Il n'est pas si aisé de formuler les raisons de cette réticence, la méthode de Bénichou pouvant elle-même difficilement se définir de manière univoque. Alexandre de Vitry part donc de ce flou de départ, inhérent au travail de Bénichou, pour mieux comprendre ce qui a pu faire la spécificité de sa critique-fleuve, tant dans sa méthode que dans ses implications idéologiques.
De l'empire Ottoman à partir du XVIe siècle jusqu'à l'hégémonie américaine contemporaine en passant par les colonialismes britanniques et français, le monde arabe n'arrive toujours pas à retrouver son autonomie stratégique en s'érigeant en pôle géopolitique majeure. Et ce, malgré des richesses autant naturelles qu'humaines incommensurables.
Les facteurs de blocage sont-ils d'ordre historiques ? culturels ? religieux ? idéologiques ?
Premier sur la liste des "principaux révolutionnaires de Paris" dressée en 1911 par les services de la Sûreté, Miguel Almereyda, né Eugène Bonaventure Vigo, a connu la prison dès ses 16 ans. Anarchiste puis blanquiste, on le retrouve au cœur de toutes les mobilisations politiques de la "Belle Époque". Maniant la titraille comme de la dynamite, il fait de La Guerre sociale le journal subversif le plus lu de son temps. À la tête de la Jeune Garde, il boute les Camelots du roi, milice de l'Action française, hors du Quartier latin où ils semaient la terreur. Puis, après bien des désillusions, il se convertit au réformisme et crée en 1913 Le Bonnet rouge, favorable au rapprochement entre socialistes et radicaux. Abandonné par ses anciens amis qui ne lui pardonnent ni son évolution politique, ni son élégance flamboyante, il n'échappe pas à la haine de ses vieux ennemis, les nationalistes antisémites de l'Action française. Arrêté le 6 août 1917, il meurt huit jours après à la prison de Fresnes dans des conditions mystérieuses. Il a 34 ans et laisse orphelin un fils de 12 ans, le futur cinéaste Jean Vigo.
Anne Steiner nous fait le récit, vivant et enlevé, de cette extraordinaire trajectoire. Un récit qui nous fait pénétrer dans des univers aussi infâmes que les prisons pour enfants ou aussi exaltants que ceux de la presse militante alors vigoureusement réprimée, et nous plonge dans les affrontements entre anarchistes, socialistes et syndicalistes révolutionnaires dont la Grande guerre sera le chant du cygne.
Par la lecture conjointe de Marx et de Spinoza, Franck fischbach se propose d'explorer les ressources offertes par la thèse, partagée par les deux philosophes, selon laquelle les hommes doivent être compris comme des "parties de la nature" (partes naturae, Teile der Natur) : peut alors être considéré comme ressort fondamental de l'aliénation tout procédé théorique et tout dispositif pratique aboutissant à la séparation des hommes et de la nature, à l'abstraction du sujet hors du monde objectif, à la formalisation de la raison indépendamment de ses contenus.
Marx et Spinoza ont en commun d'avoir vu, en amont de toute Dialectique de la raison (et en ouvrant la voie qui y menait), que ces procédés et ces dispositifs d'abstraction du sujet et de subjectivation de la raison, instaurés initialement en vue d'assurer la maîtrise des hommes sur la nature et du sujet sur l'objectivité, devaient se renverser en leur contraire et engendrer un sujet impuissant parce que dominé par ce dont il s'est lui-même séparé.
Au fil des siècles, de nombreux courants de pensée ont façonné notre conception du monde et notre manière d'appréhender l'existence : Qu'est-ce que la vérité ? Comment peut-on vivre heureux ? Dieu existe-t-il ? Quel est le sens de notre vie ?
Bien loin du jargon des spécialistes, le professeur de philosophie Charles Robin nous rend accessible les œuvres des plus grands philosophes afin d'en faciliter la compréhension et, pourquoi pas, de nous faire changer le regard que nous portons sur nous-mêmes et sur le monde.
Une initiation sérieuse à une discipline souvent difficile d'accès, dans un langage clair et une atmosphère détendue.
Que se cache-t-il derrière "les Outre-mer" ? De quels territoires s'agit-il ? Quels sont les réalités géographiques, démographiques, juridiques et socio-économiques qui se trouvent derrière les photos de carte postale ?
Docteur en sciences économiques, maître de conférences des universités en poste en Martinique, Jean-Michel Salmon est spécialiste des questions économiques internationales, des politiques européennes et des Outre-mer, sujets sur lesquels il a rédigé de nombreux rapports en tant que consultant indépendant.
Il nous propose un gros plan pour mieux comprendre les forces et faiblesses de ces territoires français au statut juridique et à l'histoire si particuliers.
Depuis plus de quinze ans, l'identité a fait une entrée en force dans le discours politique. L'omniprésence de cette thématique identitaire s'explique avant tout par la perte des repères dans un monde où les grands récits collectifs ont disparu, où les frontières et les limites s'effacent, où les liens sociaux se sont distendus. De telle sorte que, faute de boussole, on ne sait plus qui l'on est.
Dans la situation de crise actuelle, les uns s'affirment bruyamment "identitaires", tandis que d'autres alertent sur les dangers d'un tel "repli". Les premiers pensent que leur culture est menacée, les autres qu'il faut en revenir aux principes de l' "universalisme républicain" qui tient pour négligeables les différences entre les cultures. Pour tout compliquer, on assiste aujourd'hui, dans la mouvance des théories "indigénistes " et "décoloniales", au surgissement d'un identitarisme d'un type nouveau.
Comment en est-on arrivés là ? Et de quoi parle-t-on au juste ? Peut-on avoir une identité si l'on est tout seul ? Qu'est-ce qu'une identité dialogique ? L'identité définit-elle ce qui ne change jamais ? ou ce qui nous permet de changer tout en restant nous-mêmes ?
À ces questions, comme à bien d'autres, Alain de Benoist cherche à donner une réponse sans tomber dans d'inutiles polémiques. L'identité est une affaire trop importante pour être abandonnée aux fantasmes.
Émission du "Libre Journal du soir", animée par Arnaud Guyot-Jeannin.
L'alternative, en cette vie, n'est pas entre le confort et le combat, car, comme le dit le livre des Proverbes (18,9), celui qui est lâche dans son travail est le frère du destructeur. Et puisque le combat est inévitable, la question est principalement de savoir comment s'y engager et quel est le bon.
Olivier Rey, ici, nous dresse un panorama magistral, à la fois historique et philosophique, sur la réalité changeante que le vocable de "guerre" a pu désigner depuis qu'il a été utilisé.
Oui : la guerre, réalité omniprésente à l'humanité, a subit des bouleversements très importants, en particulier à partir de l'époque moderne. De l'Iliade aux conflits contemporains, parle-t-on vraiment de la même chose ?
Dans la plupart des civilisations ou des milieux sociaux, l'idée de la liberté qui prévaut est de pouvoir se décharger de la vie matérielle et des tâches de subsistance : sur les esclaves, sur les travailleurs manuels et les femmes, sur les machines...
Aurélien Berlan, de son côté, ravive une conception opposée, subalterne, de la liberté portée par des mouvements paysans d'hier et aujourd'hui : la prise en charge collective et égalitaire des besoins de base, des besognes nécessaires à la vie sur terre.
Contre le rêve de délivrance, le projet d'autonomie ; contre le libéralisme, le marxisme et notre société de services néo-domestique, la réappropriation de la part matérielle de nos vies.
La PMA pour les femmes célibataires et les couples de femmes est un sujet aujourd'hui largement discuté. Mais, au moment d'envisager cette PMA non thérapeutique, la société doit choisir : jusqu'où voulons-nous aller avec ces techniques de procréation artificielle ? La PMA doit-elle demeurer une mesure d'exception, destinée à compenser un problème médical, ou devenir un mode habituel de procréation entraînant la société vers une nouveauté anthropologique, selon les termes du Comité consultatif national d'éthique ?
Les Français qui se disent favorables à la PMA pour les couples de femmes et pour les femmes célibataires seraient-ils du même avis si la question leur était posée du point de vue de l'enfant : "pensez-vous que la loi doive organiser la conception d'enfants privés, délibérément et légalement, de père ?"
Ce qui se joue désormais n'est pas seulement la PMA pour les femmes, mais un bouleversement majeur de la société qui ne saurait en rester aux cas individuels et à l'émotion qui s'en dégage. Il est urgent de mesurer ce que signifie exactement la PMA pour toutes, pour en saisir les enjeux et prendre nos décisions en connaissance de cause.
C'est en compagnie du géopolitologue Pierre Hillard qu'est exposée l'histoire de la Russie dans la gouvernance mondiale. L'objectif de son travail est de présenter les caractéristiques propres à la Russie ainsi que les lignes de fractures au sein de son élite dirigeante.
Franc-maçonnerie, mystique tibétaine ou encore théosophie d'Helena Blavatsky, eurasisme d'Alexandre Dougine : autant de courants de pensée qui influencent la géopolitique russe et qu'il est important de connaître.
On connaît le célèbre titre d'Henry de Montherlant, Barrès s'éloigne publié chez Grasset en 1927 quatre ans après le décès du célèbre écrivain. Pourtant, un siècle après sa mort, l'auteur du Culte du moi et des Déracinés n'est pourtant pas oublié ayant vu certaines de ses œuvres rééditées et différents travaux universitaires lui être consacrés. L'ambition d'Olivier Dard est ici, en s'appuyant sur les écrits de Barrès (1862-1923) comme sur les études publiées récemment à son sujet, de dresser un portait de ce dernier qui met l'accent sur trois de ses principales facettes.
Il s'agirt d'abord d'évoquer l'écrivain lorrain et l'acteur politique que fut Barrès en soulignant notamment la précocité de son succès littéraire, son implication dans les crises nationalistes de la IIIe République (boulangisme, affaire Dreyfus) ou encore son engagement en faveur de la Revanche marqué par son cycle romanesque des Bastions de l'Est et son rôle au cœur du premier conflit mondial où il publie Les diverses familles spirituelles de la France. Un deuxième volet vise à montrer à quel point Barrès, loin d'être un auteur limité à la France, connut de son vivant un fort rayonnement à l'étranger, et d'abord en Europe.
Dans ce tour du continent qui nous conduit de la péninsule ibérique à l'Europe centrale mais aussi, au-delà des mers à ce qu'on appelait alors le Canada français, une place particulière est faite à la Belgique tant Barrès a pu y influencer des écrivains et des nationalistes francophones, à commencer par Pierre Nothomb.
En troisième lieu, il s'agit de s'attacher à la postérité de Barrès sur un siècle pour brosser un rapide panorama de l'influence qu'il a pu laisser après sa mort, en France bien sûr, mais aussi à l'étranger. Ou pour le dire autrement se demander que signifient la personne et l'œuvre de Barrès en 2023.