L'indifférenciation est la grande tentation contemporaine, qui puise ses racines dans la philosophie antique. Jacques Dewitte met à jour l'enjeu majeur de notre temps et propose, comme remède, l'accueil de l'unicité enclose dans la diversité.
Tout au long de cet entretien, il s'interroge aussi sur la méthode propice à l'exercice de la pensée (la différenciation de l'être exigeant une différenciation de méthode) et plaide pour la distinction à même d'éviter tant la confusion que le réductionnisme mono-méthodologique.
Enfin, il aborde la difficile question de la contingence, cette caractéristique de ce qui pourrait ne pas être. Réfutée par les déterministes, pourtant constatée par les anthropologues (Marcel Mauss en tête), la contingence résiste résolument à une conception utilitaire et fonctionnelle de la création.
A rebours de la pente contemporaine vers l'utilitarisme et l'uniformisation, cette discussion remet à jour cette question fondamentale : comment se fait-il que ceci ou cela soit, alors que cela aurait pu ne pas être ?
Un entretien mené par Fabrice Hadjadj.
Du village d'Épenoy dans le Doubs jusqu'au Collège de France, en passant par la khâgne du lycée Lakanal à Sceaux, l'ENS, l'université Paris-I Sorbonne ou l'université de Genève, le parcours de Jacques Bouveresse est à la fois très classique et marginal. S'inspirant de la tradition issue de la philosophie analytique et de la littérature autrichienne (Kraus, Musil), Bouveresse a traversé les modes intellectuelles des années 1960, 70 et 80 sans jamais se compromettre avec elles.
L'occasion de revenir sur un parcours singulier et une oeuvre orignal qui n'a jamais cédée aux sirènes de la déconstruction, du postmodernisme et des nouveaux philosophes, et qui a constamment tenté de défendre un rationalisme lucide sur les pouvoirs de la philosophie mais aussi, et peut-être d'abord surtout, sur les illusions qu'elle ne cesse d'entretenir sur elle-même.
Spécialiste de la Rome antique, longtemps professeur au Collège de France, auteur d'ouvrages majeurs, Paul Veyne est considéré comme l'un des historiens les plus érudits, les plus indépendants et les plus importants du XXe siècle.
En 1985, c'était à Bédoin, dans le Vaucluse, là où il vivait alors, que Paul Veyne et ses invités revenait sur son parcours et ses objets d'études, en évoquant ses enthousiasmes intellectuels et artistiques, ses amitiés, en particulier celle qu'il avait entretenue avec Michel Foucault, "l'une des deux ou trois personnes que j'aurais le plus aimé en ce monde".
L'occasion de revenir sur quelques éléments biographiques de cet immense historien de l'Antiquité qui, pourtant, minimise l'importance des idées en Histoire !
Comme toute science, les sciences cognitives soulèvent des problèmes éthiques, notamment à cause de leurs applications potentielles dans une variété considérable de domaines. L'éthique des sciences cognitives a-t-elle pour autant quelque chose de particulier ?
Daniel Andler nous montre qu'elle se distingue sur trois points. En premier lieu, les problèmes sont nombreux et difficiles, en raison du triple caractère de l'interdisciplinarité du domaine, de sa jeunesse et de sa teneur humaine. En deuxième lieu, les sciences cognitives examinent sous l'angle des sciences de la nature certains aspects centraux de la condition humaine, et créent de ce fait un conflit potentiel avec des conceptions traditionnelles. Enfin, parce que parmi ces aspects figurent l'éthique et ses principaux corrélats, tels que le libre arbitre, la responsabilité, le mérite..., une question sans équivalent dans d’autres domaines est posée : celle de savoir si les recherches sur ces questions doivent, sur le plan éthique, être poursuivies, et si c'est le cas, comment parer aux éventuelles conséquences qu'elles auraient dans la société.
Au nom de la lutte contre les discriminations, une vague d'intolérance submerge le monde occidental. Venue des universités américaines, la religion woke, la religion des "éveillés", emporte tout sur son passage : médias et culture, entreprises, écoles, universités.
De la théorie du genre à la théorie critique de la race, le but des wokes est de "déconstruire" tout l'héritage culturel d'un Occident accusé d'être "systémiquement" sexiste, raciste et colonialiste. Leur enthousiasme évoque bien plus les "réveils" religieux protestants américains que la philosophie française des années 1970. C'est la première fois dans l'histoire moderne qu'un culte prend naissance dans les universités. Tout est réuni pour que se mette en place une dictature au nom du "bien" et de la "justice sociale" et que naisse une religion nouvelle et destructrice pour la liberté.
Émission "Idées", animée par Pierre-Edouard Deldique.
C'est d'arbod des points de vue épistémoloique et méthodologique que Loïc Chaigneau se consacre à l'examen des reproches formulés par Michel Clouscard à l'encontre des sociologues Pierre Bourdieu (et Jean Baudrillard). Clouscard critique Bourdieu en raison du sociologisme de ce dernier, c'est-à-dire de l'importation d'une forme de néo-positivisme dans la compréhension du monde social.
L'approche de Bourdieu, quoique intéressante sur le plan relationnel, c'est-à-dire de la mise en relation d'éléments propres au monde social, pèche par son absence de fonctionnalité pratique et réelle. C'est l'approche anhistorique de la sociologie de Bourdieu qui lui fait en réalité très mal connaître la bourgeoisie qu'il prétend expliquer et critiquer.
Les philosophes modernes prétendent qu'il existe une rupture radicale entre la réalité et la pensée, entre les choses et les concepts, entre ce qui existe et le modèle de ce qui existe. Leur anti-réalisme est secondé par leur anti-réceptivisme : la thèse que le réalité n'est jamais, à proprement parler, le contenu de nos concepts ni la signification de ce que nous disons.
Le rejet de tels présupposés (ou préjugés) de la philosophie moderne (et post-moderne) caractérise la tradition aristotélico-thomiste, telle qu'elle se développe aujourd'hui dans le thomisme analytique. Question : "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?" Réponse : parce que Dieu existe.
La métaphysique ainsi comprise est aussi une théologie rationnelle. D'une apologie de la métaphysique, on en vient à une apologétique.
Philosophe dont l'esprit s'est construit en dehors du parcours académique entre le PCF, le jazz, la littérature et la prison, Bernard Stiegler a produit une pensée qui nous éclaire et nous alerte.
Ses expériences de vie, ses épreuves et ses études lui font approcher la philosophie de façon tout à fait originale. S'inspirant de Joseph Schumpeter et Marx, ou encore Alfred Lotka et Rudolf Clausius, il analyse les mécanismes de ce qu'il nomme le pharmakon : la technique comme remède et comme poison, l'entropie et la destruction créatrice.
C'est dans le cadre d'expérimentations conrètes avec plusieurs institutions que Bernard Stiegler tente de restaurer la société de manière locale et collaborative. Plus que jamais, son désir est de prendre soin, de panser la société, notre environnement.
Une série d'émission conduite par Céline Loozen.