La technique semble désormais empiéter sur tous les domaines de l'activité humaine. La science se transforme en technoscience. La morale se fait gestion des ressources et management. La parole est livrée aux techniques de communication ; l'amour, au Kâma-Sûtra. Il n’est pas même jusqu'à l'évangélisation qui ne soit atteinte : on la conçoit aisément comme la nécessité d'allier Facebook à la Sainte Face, et Twitter à l'Esprit Saint. Il ne s'agit plus d'être, mais de faire (l'amour ou un beau discours). Mais un faire qui ne se fonde plus sur l'être ne peut en vérité que défaire, et sa volonté de puissance cache une impuissance radicale, qui asservit au lieu d'élever, qui manipule au lieu d'engendrer.
L'enjeu du cours de Fabrice Hadjadj est donc, avec Aristote et saint Thomas, de distinguer la technè (faire), de la praxis (agir) et de l'epistèmè (savoir), pour montrer en quoi le savoir-faire n'est pas d'abord un savoir, et en quoi la perfection de l'art ne se situe pas sur la même ligne que la perfection morale : la confusion, aussi bien que la séparation de ces trois espèces de vertu, est désastreuse.
Il montre également comment s'est opéré le passage de la technè des Anciens à la technique des Modernes, pour essayer de penser l'empire technocratique de notre époque (qui ne semble d'ailleurs plus une époque, mais un délai).
Ce sont bien les écrans qui font écran, en dépit de leurs nombreuses "fenêtres" et "icônes", et nos GPS qui nous égarent systématiquement, quand il s'agit d'être simplement ici...
En interprète matérialiste de l'histoire qui tient les phénomènes religieux pour irréductibles, Leszek Kolakowski - révoqué de sa chaire de philosophie à Varsovie en 1968 - évoque dans son livre Chrétiens sans église le conflit de la conscience et du rite, du sentiment et de l'institution à travers l'histoire religieuse du XVIIe siècle.
Une étude qui éclaire d'un jour nouveau les conflits actuels entre la conscience et l'organisation qui, de Luther à Jaspers, n'ont pas cessé d'habiter nos sociétés politiques.
Le roman national ment. L'identité française ne résulte pas de l'alliance de la bravoure gauloise et de l'administration romaine, le tout couronné par la bonté chrétienne. Pas seulement. Non seulement la France n'a pas seulement été gauloise et romaine, mais la France n'a pas seulement été chrétienne. Le roman national ment. Par omission. Par oubli.
Pacôme Thiellement fais l'exégèse de notre histoire sur ce territoire que nous nous sommes habitués à appeler la France. Celle-ci est subjective, et même très subjective, même l'exposé est aussi rigoureux que possible possible. Alors, comme dirait l'autre, si vous n'aimez pas cette Histoire de France, écrivez la vôtre.
Docteur en histoire des religions, en théologie et en philosophie, prêtre catholique, Bernard Bourdin est l'interlocuteur idéal pour aborder la dimension théologico-politique au sein du catholicisme.
En effet, celle-ci nous permet de mieux comprendre le rôle structurant du catholicisme dans l'émergence des grandes institutions et concepts politiques au sein de l'Europe occidentale (souveraineté, laïcité, démocratie, ...).
De même, les relativement récentes évolutions de l'Eglise et l'abandon graduel du champs politique ont ouvert la voie à l'idéologie libérale qui, désormais, joue sans le dire le rôle de l'église en décrétant le Bien et le Mal, la guerre juste et injuste, la vérité et le faux.
Est-il alors temps pour l'Eglise catholique de redevenir ce qu'elle était ? Et surtout, en a-t-elle encore les moyens, les ressources et surtout la volonté ?
Un entretien mené par Rachid Achachi.
Progressivement, après le Concile Vatican II, un certain nombre de défenseurs de la messe traditionnelle ne vont plus reconnaître le Pape comme légitime. Bien qu'ils ne représentent actuellement pas un tout unifié, les sédévacantistes, puisque c'est ainsi qu'on les désigne, arrivent tous à la même conclusion, à savoir que l'occupant actuel du siège de Rome est un usurpateur et que L'Église catholique n'est plus la véritable Église du Christ.
Cette controverse trouve son origine dans la compréhension de l'infailibilité du magistère de l'Eglise et mérite donc un débat en bonne et due forme : c'est ce que nous proposent Adrient Abauzit et Matthieu Lavagna en exposant chacun les arguments qui sont les leurs.
- 0'00'00 : Introduction
- 0'04'30 : Thèse de Matthieu Lavagna
- 0'05'12 : I argument sur les pouvoirs de magistère et de juridiction
- 0'08'49 : II argument sur la nécessité de se soumettre au corps épiscopal
- 0'12'18 : III argument sur l'impossibilité pour l'ensemble du corps épiscopal d'enseigner simultanément l'hérésie
- 0'14'08 : IV argument sur l'acceptation pacifique universelle
- 0'18'44 : V argument sur l'impossibilité d'élire un pape à l'avenir
- 0'21'19 : VI argument sur l'indéfectibilité et la visibilité de l'Eglise
- 0'25'04 : Conclusion
- 0'26'00 : Thèse d'Adrien Abauzit
- 0'44'23 : Discussion libre
- 0'44'59 : Hors de l'Eglise point de salut
- 0'45'50 : Mgr. Lefebvre a signé les textes du concile
- 0'48'02 : Les communautés schismatiques sont-elles un moyens de salut ?
- 1'00'42 : Fidducia Supplicans et la bénédiction homosexuelle
- 1'04'50 : Infaillibilité de la discipline de l'Eglise ?
- 1'14'18 : Le magistère pontifical est-il infaillible en toutes circonstances ?
- 1'33'00 : La visibilité et l'indéfectibilité de l'Eglise
- 1'37'38 : Comment savoir où est la vraie Eglise ?
- 1'42'10 : A quels évêques Abauzit aurait-il été soumis dans les années 60 ?
- 1'48'52 : Adrien Abauzit admet que toutes les messes célébrées à la fin des années 60 étaient sacrilèges (car una cum avec des antipapes).
- 1'50'00 : Comment élire un nouveau pape à l'avenir ?
- 1'53'58 : Où est l'Eglise catholique aujourd'hui ?
- 1'57'22 : Le Pari de Pascal contre le sédévacantisme
Pourquoi les Églises et les chrétiens ont-ils tant tardé à se mobiliser en faveur de l'abolition de l’esclavage ? Et comment a-t-on pu si longtemps s'accommoder de cette insoutenable contradiction associant une religion prônant l'amour de son prochain avec la réalité de pratiques esclavagistes attentatoires à la dignité humaine, parfois justifiées par des alibis religieux, voire génératrices de profits pour l'institution ecclésiastique ? À ce premier discours très critique en répond un second présentant l'histoire du christianisme comme celle d'une lente, nécessaire et logique maturation de l'idée abolitionniste, en quelque sorte contenue en germe dans son esprit.
Aucune de ces explications univoques ne peut rendre compte d'une relation aussi complexe. Antique, médiéval, moderne ou contemporain, l'esclavage se recompose en effet en permanence, jouant un rôle plus ou moins important selon les époques, et touchant des populations différentes. Le christianisme, aussi, se recompose sans cesse. Et les débats se multiplient, s'enchevêtrent, se recombinent. Paul pense que le chrétien doit se faire esclave de Dieu pour se libérer du péché. Pendant des siècles on s'évertue à protéger de l'abjuration les chrétiens esclaves de non-coreligionnaires, tout en admettant qu'un chrétien puisse être esclave d'un frère en foi. La question concerne également l'Autre, musulman, Indien d'Amérique, Africain. Théologiens, institutions, simples chrétiens se questionnent, s'affrontent parfois. Aux fausses certitudes de certains répondent les doutes et l'engagement d'autres. Au XVe siècle, cela en est fini de l'esclavage des chrétiens par des chrétiens. Au siècle suivant, l'esclavage des Indiens est officiellement aboli dans l'Amérique espagnole, avant que ne se pose la question de celui des Africains.
Émission "Les Racines du présent", animée par Frédéric Mounier.
Paul de Tarse est une énigme qui a fasciné de nombreux penseurs (Augustin, Luther, Nietzsche, Freud, Heidegger, Ricœur). Pour l'atteindre au plus près, Olivier Boulnois se propose ici de remonter, en-deçà de toutes les interprétations qui l'adaptent en prétendant le respecter, jusqu'à ses Épîtres elles-mêmes. Il discute ainsi ses principaux interprètes du XXe siècle, en s'appuyant sur des recherches historiographiques récentes.
En Paul se joue un nouveau rapport entre le judaïsme et le logos grec qui donnera naissance au christianisme. Mais, au lieu d'apparaître comme celui qui dépasse le judaïsme ou rejette la philosophie, Paul se présente ici comme de part en part juif (par la religion) et grec (par la culture). C'est seulement sur ce fond que peut surgir l'originalité de l'adhésion au Messie Jésus. En effet, Paul exprime et guide l'expérience religieuse des nouvelles communautés messianiques : la théorie est pour lui inséparable de la pratique. Il décrit un nouveau rapport au monde, à autrui et à soi-même, renouvelant ainsi les concepts fondamentaux de l’existence (parole, monde, temps, mal, etc.).
Mieux comprendre Paul, c'est donc être introduit philosophiquement à l'essence du christianisme.
Dès la première année de son pontificat, le pape François initiait un dialogue inédit, très peu connu en France, dit DIALOP entre des catholiques – notamment issus du Mouvement des Focolari – et des militants politiques de différents pays européens qui ancrent leur engagement dans la pensée marxiste. Ce processus, qui fête aujourd'hui ses dix ans d'existence, a mené à des prises de position communes, chose inenvisageable il y en a encore quelques décennies.
Tout au long du XXe siècle, en effet, chrétiens – catholiques en particulier – et marxistes se sont affrontés, les premiers réduisant le marxisme à sa dimension matérialiste et athée, les seconds réduisant la pensée de Marx et Engels sur la religion à la formule souvent mal comprise d' "opium du peuple".
Aujourd'hui, le contexte a changé. Voilà par exemple ce qu'a déclaré l'Autrichien Walter Baier, le président du Parti de la gauche européenne et l'un des acteurs les plus impliqués dans DIALOP : "Je pense qu'avec l'élection du Pape François, la situation a complètement changé, de manière substantielle. Non seulement pour l'Église catholique, mais aussi pour toutes les forces philosophiques et culturelles qui s'opposent au néolibéralisme. Car ce que le pape enseigne est – je dirais – une manière de s'unir, qui s'oppose au consumérisme individuel. Cela place le pape et les milieux de l'Église qui le suivent dans une position proche de celle de la gauche, qui cherche à mettre l'accent sur des valeurs collectives communes."
Sans être marxiste lui-même, le pape argentin, formé dans la théologie du peuple, a vu les fruits que pouvait porter ce type ce dialogue. Quels sont-ils ? Pourquoi christianisme et marxisme se sont-ils opposés historiquement ? Comment peuvent-ils aujourd'hui contribuer à bâtir ensemble un ordre social moins injuste ?