À l'heure de la crise écologique, le dogme révolutionnaire de la "réappropriation des moyens de production" ne peut plus être affirmé innocemment. Moteur humain, moteur mécanique : ce sont là les bases de l'invention capitaliste du "travail". La croyance en la substituabilité indéfinie d'une dépense d'énergie abstraite nourrit le développement technologique et entretient une relation ambivalente avec la thermodynamique.
Une conception substantialiste de la valeur, telle que développée par Karl Marx et relue par Robert Kurz, permet de réinscrire le paradigme énergétique à l'intérieur de la forme sociale capitaliste et d'en expliciter la dynamique propre. Le rapport de composition organique du capital articule en effet étroitement le "travail mort" des machines et le "travail vivant" des
humains. La crise énergétique et ses retombées écologiques constituent en ce sens le mur externe du métabolisme capitaliste, l'autre mur étant la création d'une humanité superflue.
L'abolition du travail abstrait ne pourrait donc que signifier la fin des technologies qui sont la "matérialisation adéquate" du capitalisme. Seule une exigence d'émancipaton portée jusqu'à cette pointe pourrait à la fois cesser de consumer sans limites le monde matériel et offrir les bases sociales d'une réinvention des techniques et des activités libérées de la compulsion de valorisation.
La technique semble désormais empiéter sur tous les domaines de l'activité humaine. La science se transforme en technoscience. La morale se fait gestion des ressources et management. La parole est livrée aux techniques de communication ; l'amour, au Kâma-Sûtra. Il n’est pas même jusqu'à l'évangélisation qui ne soit atteinte : on la conçoit aisément comme la nécessité d'allier Facebook à la Sainte Face, et Twitter à l'Esprit Saint. Il ne s'agit plus d'être, mais de faire (l'amour ou un beau discours). Mais un faire qui ne se fonde plus sur l'être ne peut en vérité que défaire, et sa volonté de puissance cache une impuissance radicale, qui asservit au lieu d'élever, qui manipule au lieu d'engendrer.
L'enjeu du cours de Fabrice Hadjadj est donc, avec Aristote et saint Thomas, de distinguer la technè (faire), de la praxis (agir) et de l'epistèmè (savoir), pour montrer en quoi le savoir-faire n'est pas d'abord un savoir, et en quoi la perfection de l'art ne se situe pas sur la même ligne que la perfection morale : la confusion, aussi bien que la séparation de ces trois espèces de vertu, est désastreuse.
Il montre également comment s'est opéré le passage de la technè des Anciens à la technique des Modernes, pour essayer de penser l'empire technocratique de notre époque (qui ne semble d'ailleurs plus une époque, mais un délai).
Ce sont bien les écrans qui font écran, en dépit de leurs nombreuses "fenêtres" et "icônes", et nos GPS qui nous égarent systématiquement, quand il s'agit d'être simplement ici...
La science possède son histoire et les enjeux auxquels elle a dû faire face n'ont pas toujours été les mêmes. Depuis plus de 150 ans, la science a un impact déterminant sur nos sociétés. Au fil des décennies, de nombreux débats ont émergé autour du rôle de la science. Certains ont envisagé un avenir de progrès et d'innovation sans limites, où les découvertes scientifiques révolutionneraient notre existence de manière positive. D'autres, cependant, ont exprimé des préoccupations quant aux implications éthiques et aux conséquences indésirables qui pourraient découler du développement scientifique.
L'historien François Jarrige revisite ces débats en réexaminant les arguments qui ont été présentés de part et d'autre afin d'explorer les concepts clés qui ont émergé autour du progrès technologique et d'ouvrir une vision prospective sur l'avenir de la science.
À partir de la théorie critique développée initialement par l'École de Francfort, Maxime Ouellet a comme ambition de saisir les fondements sociohistoriques des catégories centrales qui sont au fondement de l'intelligence artificielle : la communication, la commande, le contrôle et l'information.
Après avoir d'abord situé les développements de l'intelligence artificielle dans le sillage des premiers travaux issus de la cybernétique, dans le cadre de ce qui était qualifié à l'époque de capitalisme monopoliste d'État, il pose ensuite la question visant à savoir si les mutations contemporaines du capitalisme rendues possibles grâce aux avancées dans le domaine de l'IA tel que le machines learnig et le deap learning remettent en question la possibilité de développer une théorie critique de la société.
Historien et auteur de Comprendre la guerre, Laurent Henninger évoque les grandes révolutions qui ont bouleversé l'art de la guerre. Il revient également sur la question de l'art opératif et les nouvelles dimensions de la guerre.
1_3 : Les grandes révolution de la guerre
- 0'00'00 : Générique et introduction
- 0'02'18 : Les origines de la guerre
- 0'06'45 : Première révolution guerrière : le combat à distance
- 0'12'12 : Apparition des premières formations compactes
- 0'13'55 : Les guerres aristocratiques et la révolution des peuples de la mer
- 0'20'32 : L'historien comme enquêteur de police
- 0'21'35 : L'infanterie comme arme majeure et populaire
- 0'24'15 : Les révolutions de la cavalerie
- 0'28'26 : Réflexion sur l'étude des phénomènes militaires
- 0'30'26 : Évolution, apogée et déclin de la révolution de l'infanterie
- 0'32'50 : Déclin de l'empire Romain et esprit de l'existence de la France jusqu'à l'UE
- 0'39'41 : Chaos postérieur à l'effondrement de l'Empire romain d'occident
- 0'42'00 : La féodalité et la chevalerie occidentale
- 0'46'45 : La renaissance
- 0'49'18 : L'augmentation de la taille et des équipements des armées
- 0'51'25 : Arme à feu collective et individuelle
- 0'55'05 : L'apparition des armées de masse
- 0'58'15 : Précaution géographique, civilisationnelle et épistémologique
- 1'02'15 : Aparté Amérindienne
- 1'05'55 : La nécessaire multidisciplinarité
- 1'08'40 : Arme automatique et conquête définitive
- 1'09'15 : Effondrement de la prédominance des peuples steppiques
- 1'12'40 : L'industrialisation de la guerre
- 1'16'13 : Conclusion
2_3 : L'art opératif
- 00'00 : Générique et introduction
- 01'23 : La genèse de l'art opératif
- 05'02 : L'art opératif en URSS
- 08'06 : L'art opératif comme discipline
- 15'08 : Métaphore du cavalier
- 18'50 : Débat théorique sur l'art opératif
- 19'46 : De la réalité militaire
- 23'55 : Une révolution en cours
- 28'07 : Conseil et méthode de lecture
- 30'26 : Conclusion
3_3 : Les nouvelles dimensions de la guerre
- 0'00'00 : Générique et introduction
- 0'01'11 : Les espaces fluides
- 0'07'46 : Les réseaux
- 0'11'11 : L'empire Britannique
- 0'14'10 : La puissance
- 0'16'13 : Le spectacle
- 0'19'46 : Les Anglo-Saxons
- 0'22'38 : La dette comme outil impérial
- 0'24'15 : Perspectives sur les espaces fluides et les réseaux
- 0'31'20 : Les début de la conquête de l'air
- 0'33'47 : Aparté sur Vauban, la révolution et Louis XVI
- 0'38'04 : Aviation comme continuité de la croyance en un objet magique
- 0'42'10 : Bombardements stratégiques et arme atomique
- 0'55'40 : La dispositif planétaire de la puissance américaine
- 0'56'57 : L'invasion Russe en Ukraine
- 1'01'37 : Petit tour d'alignement géopolitique et regard sur l'oligarchie française
- 1'04'27 : Remerciement et conclusion
Un entretien mené par Justin Curieux.
Nous vivons dans un monde en pleine mutation. Depuis les années 90, de nombreuses innovations technologiques ont ébranlé les fondements de notre société : téléphones portables, Internet, smartphones… Aujourd'hui, c'est l'essor de l'intelligence artificielle qui fait irruption dans nos vies.
A l'image des grandes avancées qui se sont déjà imposées à nous, l'intelligence artificielle est érigée en progrès à même de simplifier notre quotidien. Mais qu'en est il vraiment ?
- 0'00'00 : L'injonction à la puissance
- 0'07'52 : Qu'est-ce-que l'IA ?
- 0'10'24 : Perspectives économico-sociales de l'IA
- 0'25'39 : L'I.A, aboutissement de l'idéologie des lumières
- 0'50'37 : La Technique, outil de contrôle social
- 1'00'18 : IA, productivité et puissance
- 1'11'26 : L'IA est elle une forme de vie ?
- 1'25'39 : Que faire pour répondre à l'enjeu de l'IA ?
Philosophe spécialiste de la théorie architecturale à l'âge humaniste et classique, Pierre Caye nous permet de mesurer l'importance de la discipline architecturale non seulement dans la constitution de la théorie de l'art, mais, plus généralement encore, dans l'élaboration d'un paradigme inédit de la technique, distant à la fois du monde des artisans et de celui des ingénieurs, paradigme qui certes annonce par maints traits la technique des Modernes mais en entretenant avec la nature un rapport radicalement distinct de l'approche démiurgique que propose cette dernière.
Présentation d'un recherche qui, à travers la perspective technique ainsi revisitée, permet de questionner différemment les rapports de l'homme au pouvoir et à son horizon métaphysique.
Qu'ont en commun une chaudière, une voiture, un panneau de signalétique, un smartphone, une cathédrale, une œuvre d'art, un satellite, un lave-linge, un pont, une horloge, un serveur informatique, le corps d'un illustre homme d'État, un tracteur ? Presque rien, si ce n'est qu'aucune de ces choses, petite ou grande, précieuse ou banale, ne perdure sans une forme d'entretien. Tout objet s'use, se dégrade, finit par se casser, voire par disparaître. Pour autant, mesure-t-on bien l'importance de la maintenance ? Contrepoint de l'obsession contemporaine pour l'innovation, moins spectaculaire que l'acte singulier de la réparation, cet art délicat de faire durer les choses n'est que très rarement porté à notre attention.
David Pontille et Jérôme Denis nous invitent à décentrer le regard en mettant au premier plan la maintenance et celles et ceux qui l'accomplissent. En suivant le fil de différentes histoires, ils décrivent les subtilités du "soin des choses" pour en souligner les enjeux éthiques et la portée politique. Parce que s'y cultive une attention sensible à la fragilité et que s'y invente au jour le jour une diplomatie matérielle qui résiste au rythme effréné de l'obsolescence programmée et de la surconsommation, la maintenance dessine les contours d'un monde à l'écart des prétentions de la toute-puissance des humains et de l'autonomie technologique. Un monde où se déploient des formes d'attachement aux choses bien moins triviales que l'on pourrait l'imaginer.