C'est en 509 avant notre ère que les historiens romains situent la fin de la période monarchique et l'établissement d'un régime républicain libre (libera res publica), garant des libertés publiques et du respect des droits de tous ses citoyens. Mises en place dans un contexte de fortes tensions internes et externes, les institutions républicaines ne se stabilisèrent que vers le milieu du IVe siècle et ne subirent aucune modification avant la crise finale du Ier siècle avant notre ère et l'avènement d'Octave Auguste.
Impossible ici de retracer l'intégralité de cette histoire longue et complexe. Aussi est évoqué dans un premier temps, en compagnie de la spécialiste de l'Histoire sociale et économique romaine Catherine Virlouvet, le duel de près d'un siècle entre Rome et Carthage, lequel marque les débuts de l'impérialisme romain ; est retracé ensuite l'épisode crucial des frères Gracques, prémices d'un long temps de crise pour la République qui atteindra son apogée avec la première guerre civile et la confrontation entre Marius et Sylla.
Les Romains de la République ne savaient pas qu'ils vivaient en République. Mais ils savaient que la Res publica est "incertaine et imprécise, fluctuante et ouverte, en tant qu'elle est du ressort des citoyens" et que cette indétermination même est la "seule condition de la politique comme monde commun".
C'est en tout cas la thèse que défend Claudia Moatti, historienne en études romaines anciennes, complétée par une discussion plus générale sur les usages de l'histoire, l'art de comparer et la puissance de l'imagination politique.
Émission "Matières à penser", animée par Patrick Boucheron.
Jésus n'a laissé aucun écrit, il se référait aux Ecritures juives. Il n'a institué ni religion, ni credo, ni clergé, ni rite, hormis un repas "en mémoire de lui", et une prière, le "notre Père". Comment ses disciples ont-ils donc fait pour exprimer et mettre en pratique leur foi en lui ? Comment ont-ils prié, communiqué entre eux, interagi avec les peuples qu'ils côtoyaient ? Tout cela restait à inventer...
Le tout premier christianisme était sans image, sans "Nouveau Testament", sans prêtres, sans pape... et pendant plus de deux siècles il y eut des communautés chrétiennes très diverses, voire divergentes, certaines proches du judaïsme, d'autres le rejetant absolument. Il faudra beaucoup de temps pour qu'émerge une Eglise unifiée autour d'un début d'orthodoxie. C'est alors, en 250, que les chrétiens subiront la première persécution générale dans un Empire en pleine crise.
Ce temps des commencements encore trop peu connu, ce temps tumultueux de tous les possibles est ici présenté par Marcel Gauchet de façon accessible et vivante.
Helléniste franco-italien reconnu, Luigi-Alberto Sanchi s'échappe quelque peut de son domaine d'études pour nous présenter l'histoire romaine d'un point de vue marxiste en trois temps :
- Origines et développement de l'antagonisme patriciens-plébéiens (v. 550-350 av. JC). Les dernier rois étrusques philo-plébéiens. La réaction oligarchique républicaine (509), hostile à la plèbe. Les luttes pour les droits et pour l’égalité.
- Au tournant du millénaire : la crise de la République romaine et la fondation du "principat" (que nous appelons "Empire"). Les transformations sociales : ruine des citoyens-soldats agriculteurs et développement de l'économie d'esclaves. Toute-puissance du Sénat après la Seconde Guerre punique (204). L'échec des Gracques (122), Livius Drusus. La réforme de l'armée par C. Marius (107) : des généraux ambitieux entraînent des masses prolétarisées et déterminent la politique de Rome. Jules César réussit à vaincre la réaction sénatoriale et, après son assassinat, "l'Empire" inaugure un système d'exploitation du travail plus "moderne".
- Le mode de production esclavagiste. Types d'esclaves. Les révoltes d'esclaves aux IIe et Ier siècles (en Sicile, puis Spartacus). Répressions et affranchissements d'esclaves. L'influence du christianisme. La politique monétaire et les classes moyennes avant et après Constantin. Comment dater la fin de l’Antiquité ?
Cette approche porte ses fruit et nous illustre la fécondité de l'étude de Rome du point de vue socio-économique.
Selon le document appelé Donation de Constantin, l'Empereur Constantin aurait fait don, au IVe siècle, de l'Empire à la Papauté, établissant ainsi pour des siècles le pouvoir temporel du Pape. Pourtant, cette Donation est un faux !
Cette supercherie, révélée en son temps par le grand humaniste Lorenzo Valla (1407-1457), nous est ici contée en détails par l'historien Baudouin Decharneux.
Écrivain et physicien lyonnais installé à Marseille depuis 2000, Laurent James a fondé le Comité Jean Parvulesco en 2016 à Bucarest, comité dont le projet est l'union des peuples de l'Eurasie dans la reviviscence de la foi chrétienne civilisatrice de Lisbonne à Vladivostok.
Partant du principe que l'Église est l'unique héritière de l'Empire de Rome, Laurent James s'attache à préciser l'articulation entre la légende des saints de Provence, Constantinople vécue comme deuxième capitale d'un Empire universel et les noces d'Ivan III sous l'égide de l'Aigle à deux têtes, afin de mettre en lumière les liens métaphysiques entre les peuples du continent eurasiatique.
Depuis les années 1970, l'œuvre de Cornélius Castoriadis apparaît de plus en plus comme une référence majeure pour tous ceux qui s'efforcent d'analyser la dynamique des sociétés contemporaines, d'élucider le sens du projet démocratique, ou de mettre en lumière les conditions auxquelles on peut penser l'histoire et la liberté.
Ce colloque a pour but de montrer et de discuter les principaux apports de cette pensée exigeante à la philosophie et à la théorie politique, mais aussi à la compréhension du présent et à l'épistémologie du savoir contemporain.
Cinq thèmes ont été retenus qui donnent lieu à des exposés et à des débats entre Cornélius Castoriadis et des intellectuels de divers pays :
- ontologie et épistémologie
- la théorie de la démocratie et l'expérience grecque
- le social-historique et l'imaginaire social des sociétés modernes
- les conflits politiques et les perspectives contemporaines
- l'inconscient et la psychanalyse
Rome a commencé son histoire comme les États-Unis d'Amérique, devenus l'hyperpuissance hégémonique mondiale en moins d'un siècle, et s'est effondrée de la même façon que l'URSS.
Philippe Fabry retrace sur plusieurs siècles l'évolution des mentalités romaines. Il montre que le passage d'une pratique libérale aux origines de la République à un socialisme totalitaire sous l'Empire est la clef permettant de résoudre une des grandes énigmes de l'Histoire : la chute de Rome. Son travail travail unifie toutes les explications proposées à cette catastrophe géopolitique. Elle souligne la "cause des causes" que suggéra Montesquieu : la liberté perdue.
Au-delà de son intérêt pour qui aime comprendre le pourquoi de l'Histoire, cette thèse originale est l'occasion d'entamer une réflexion sur le monde contemporain et sur l'évolution politique, économique et sociale des États-Unis, qui semblent suivre la voie de la Rome antique. Ces derniers sortiront-ils vainqueurs du grand bouleversement du monde contemporain, ou connaîtront-ils la décadence et la destruction ?
Émission du "Rendez-vous des idées politiques", animée par Jean Laporte.