Dans un entretien en deux temps, la philosophe Stéphanie Roza revient sur ses deux ouvrages La Gauche contre les Lumières ? et Le marxisme est un humanisme.
1. Depuis plusieurs années déjà s'élèvent des critiques d'une radicalité inouïe contre le coeur même de l'héritage des Lumières : le rationalisme, le progressisme, l'universalisme. Ces critiques se revendiquent de l'émancipation des dominés, marqueur traditionnel des différents courants de gauche. Mais s'inscrivent-elles dans le prolongement de celles qui, depuis l'émergence des mouvements socialiste, communiste ou anarchiste, avaient pour horizon un prolongement et un élargissement des combats des Lumières "bourgeoises" ?
2. À partir des années 1930, la découverte des textes de jeunesse de Marx (les Manuscrits de 1844 et L'Idéologie allemande) amorce une réflexion sur la place de l'humanisme dans le marxisme, qui culmine vingt ans plus tard avec Jean-Paul Sartre et Georg Lukács qui, chacun à sa manière, tentent alors de réintroduire la subjectivité individuelle et son irréductible liberté dans une conception matérialiste et révolutionnaire de l'histoire. Il s'agit de régénérer un projet d'émancipation individuelle et collective après la terrible période de glaciation stalinienne.
Que faire face aux défis qui pèsent sur notre civilisation ? Que faire face aux nouvelles formes de barbarie ? Il est urgent de remettre l'humain au centre du monde.
Intelligence artificielle et transhumanisme, cancel culture et fake news, dictature du numérique ou dérèglement climatique, matérialisme exacerbé et déclin de la rationalité, appauvrissement du savoir et de la langue, mais aussi remise en cause de la laïcité, communautarisme, montée des extrémismes, omniprésence du terrorisme et du racisme : dans un monde qui vit au rythme des crises et des guerres, il est nécessaire - vital même ! -, de convoquer l'héritage de l'humanisme pour faire face aux enjeux de notre temps.
À partir des années 1930, la découverte des textes de jeunesse de Marx (les Manuscrits de 1844 et L'Idéologie allemande) amorce une réflexion sur la place de l'humanisme dans le marxisme, qui culmine vingt ans plus tard avec Jean-Paul Sartre et Georg Lukács qui, chacun à sa manière, tentent alors de réintroduire la subjectivité individuelle et son irréductible liberté dans une conception matérialiste et révolutionnaire de l'histoire. Il s'agit de régénérer un projet d'émancipation individuelle et collective après la terrible période de glaciation stalinienne.
Mais quelle est la marge de manoeuvre des humains face aux forces sociales qu'ils engendrent par leur activité ? Comment concilier révolution et démocratie ?
Pour l'humanisme, l'humanité a une valeur intrinsèque et tous les êtres humains ont une valeur égale. Mais sur quoi peuvent se fonder ces deux étranges idées ? Non pas sur une idée théiste. Si Dieu existe, c'est lui qui est la source de toute valeur. Et il a peut-être "fait tous les hommes égaux" mais peut-être non : ils ne valent que s'ils le reconnaissent ou s'ils respectent ses commandements.
Non pas sur une idée naturaliste. A l'échelle de la nature, l'espèce humaine n'a pas plus de valeur que toute autre espèce de mammifères ou de moucherons ; ou peut-être même en a-t-elle moins, si l'espèce humaine est la prédatrice suprême. Et il serait contre-intuitif de soutenir que la "Nature a fait tous les hommes égaux".
Francis Wolff s'efforce de montrer que les deux thèses humanistes se fondent sur la définition même de l'être humain comme "animal rationnel", à condition d'entendre "rationnel" non pas au sens d'une quelconque aptitude intellectuelle mais au sens de "logos", faculté de dialoguer.
Plus ambitieusement, Francis Wolff propose une déduction rationnelle de l'altruisme et s'efforce de réconcilier les deux sens opposés du "bien" : "être bien" et "faire du bien" ("bonheur" aristotélicien et "moralité" kantienne).
Quelle est la véritable origine de la pensée politique moderne ? Où sont ses sources authentiques ? Comment est advenue et s'est bâtie cette révolution fondatrice ? Rénovant de fond en comble l'histoire de la pensée, Blandine Kriegel nous livre ici ses réflexions quant à la Florence du Quattrocento. Pourquoi a-t-elle inauguré le retour à l'Antiquité, défini la Renaissance, constitué un modèle en Europe et a-t-elle si précocement disparu ?
Personne n'ignore l'éclat de ses artistes, Brunelleschi, Botticelli, Vinci, Michel-Ange, mais qui mesure l'importance de ses penseurs, Salutati, Bruni, Alberti, Cues, Valla, Politien ? Qui sait l'influence de l'humanisme civique, le rôle des sciences physiques et historiques, la hiérarchisation intellectuelle de la rhétorique, de la logique et de la philologie qui a conduit leur démarche ? Et comment analyser leur double mouvement : l'échappée vers l'ésotérisme qui déporte la cité vers l'utopie à la manière du Songe de Poliphile et l'attachement au réel du Prince amer, abrupt et armé de Machiavel ?
La République imaginaire montre comment Florence, avec ses papes, ses potentats, ses peintres et ses philosophes, demeure au coeur de notre rêve politique.
Pour l'humanisme, l'humanité n'est pas seulement une espèce d'êtres vivants, homo sapiens, mais elle est une communauté morale et une valeur. Plus précisément, l'humanisme, au sens où l'entend Francis Wolff, implique trois thèses : l'humanité a une valeur intrinsèque ; l'existence des êtres humains a une valeur absolue ; l'humanité est source unique de valeurs. Ces idées ne vont pas de soi. "Avant l’homme" il y eut (et il y a encore, d'une certaine manière), le Dieu de la révélation ; et "après l'homme", pointe aujourd'hui la Nature. Selon ses deux rivales, l'humanité a certes une valeur, mais extrinsèque et relative, parce qu'il y a une source de valeurs supérieure dont dépend celle de l’humanité.
Concernant la première rivalité, Francis Wolff évoque ce qu'on a appelé la "sécularisation des Temps modernes", c'est-à-dire le processus par lequel la religion cesse, en Occident, d'être le repère central de la vie sociale (théocentrisme) pour gagner progressivement la sphère privée. Concernant la seconde rivalité, il s'agit de revenir sur les débats actuels autour de la valeur intrinsèque de "la nature" sous ses différentes formes (biocentrisme, écocentrisme, zoocentrisme) et l'actuelle position médiane du christianisme ("la vie humaine").
L'humanisme n'en reste alors pas moins le pire système... à l'exclusion de tous les autres !
Entre le XIIIe et le XVe siècle, la péninsule italienne est l'un des principaux foyers intellectuel et économique européens. Organisée tout d'abord autour des communes, la vie politique suscite la naissance d'États régionaux. Les deux forces antagonistes, Empire germanique et papauté, qui avaient jusque-là dominé, renoncent à assurer leur prépondérance.
De 1454 à 1494, une "politique d'équilibre" groupe les souverains dans une Ligue italienne qui, dans le climat culturel et artistique prestigieux du Quattrocento, semble préfigurer la formation d'un État national, sur le modèle espagnol ou français. Mais une série d'interventions étrangères vont bloquer cette évolution.
C'est dans ce contexte que certains esprits vont alorsa produire des oeuvres qui joueront un rôle décisif pour l'avenir du continent : Machiavel, Giordano Bruno ou encore Galilée.
Accompagnée de divers spécialistes reconnus, la philosophe Blandine Kriegel nous propose de parcourir les grands auteurs de la philosophie qui ont fait l'histoire de cette discipline et continuent à être d'actualité, de l'Antiquité à nos jours.
L'occasion pour un large public d'être informé de l'évolution de la philosophie et de participer de plein droit à sa réflexion à partir de la lecture préalable d'un texte philosophique.