Figure singulière, unique de la biologie du XXe siècle, directeur de l'Institut de Zoologie de Bâle, Adolf Portmann (1897-1982) se penche sur le déploiement des formes animales. Taches, marbrures, zébrures du pelage des mammifères, variété des plumages, ocelles des papillons, détail d'un duvet qui forme dessin quand l'oiseau prend son vol, port de tête, partout beauté, minutie... Ce qui est écarté comme secondaire, décoratif par le discours dominant de la science est au contraire riche de sens !
Les animaux n'existent pas seulement objectivement, ils se montrent les uns aux autres, ils apparaissent et c'est une fonction fondamentale du vivant.
Merleau-Ponty saluant La Forme animale, ce grand livre, écrit : "La vie, ce n'est pas suivant la définition de Bichat, l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort, mais c'est une puissance d'inventer du visible."
Un entretien mené par Fabrice Hadjadj.
Søren Kierkegaard (1813-1855) occupe une place particulière dans l'histoire de la philosophie. Il est l'auteur d'une œuvre hybride, mêlant théologie chrétienne, philosophie, psychologie et autres textes plus ou moins autobiographiques. Et si son nom est familier aux oreilles de tous, ce que l'on connaît de lui se résume souvent à une image floue, qui ne laisse apparaître que de vagues contours : ceux d'un théoricien de l'angoisse, un existentialiste avant l'heure, l'auteur de l'œuvre qu'on appelle en France et à tort Le Traité du Désespoir dont le vrai titre, plus énigmatique, est La Maladie à la Mort.
Peu de personnes sauraient détailler le contenu véritable de cette pensée protéiforme, dont l'influence sur des penseurs et écrivains aussi différents que Sartre, Heidegger, Borges, Ibsen ou encore Bataille laisse deviner la richesse et la profondeur.
C'est aussi un penseur qui se place en opposition fondamentale à une certaine façon de penser : celle de Hegel, emprunte d'une rigueur systémique à toute épreuve, obsédé par la dialectique. Kierkegaard rejette cette rigidité de la philosophie, ancrée dans une rationalité qui déracine l'humain d'un grand nombre de ses possibles. C'est en s'insurgeant contre le Système hegelien que Kierkegaard plus que jamais marque de son sceau l'histoire de la philosophie, presque malgré lui.
Une série d'émission menée par Jérôme Peignot.
Philosophe spécialiste de politique et d'esthétique, Jacques Rancière nous évoque son parcours, depuis sa rencontre avec Louis Althusser jusqu'à sa passion pour le cinéma.
Dans un second temps, il analyse l'actualité depuis la montée du Front National jusqu'à la crise de confiance que traversent les institutions politiques.
Une émission animée par Laure Adler.
L'Esthétique de Lukács, dernière œuvre achevée du philosophe hongrois, prend la suite de réflexions entamées dès les années 1910 et principalement consacrées à contester le monopole du discours scientifique sur la vie historique et sociale.
Guillaume Fondu nous restitue la manière dont Lukács cherche à ménager, avec l'art, une approche de la réalité humaine objectivante mais non déshumanisante, susceptible de fournir à l'humanité la conscience de soi, de son potentiel et de son histoire.
En ce sens, L'Esthétique constitue en réalité une théorie non pas de la seule sphère esthétique mais d'une modalité de la conscience irréductible à la seule connaissance scientifique, la narration.
Une intervention qui se fait dans le cadre du séminaire "Lectures de Marx".
Le kitsch n'est plus ce qu'il était. De style décrié, dévolu à un univers décoratif marqué par le manque de goût, il s'est métamorphosé en néokitsch "branché", systémique et planétaire. Il était associé à la décoration intérieure bourgeoise, aux bimbeloteries, aux images sulpiciennes : le voici qui s'infiltre dans les urbanismes pastiches gigantesques, les mégacentres commerciaux, les parcs de loisirs, les défilés de mode, le showbiz, les soaps télévisés, le design, la communication virtuelle sur les réseaux.
Désormais proliférant, démesuré, envahissant de plus en plus de secteurs, un nouveau cosmos kitsch s'affirme, qui dépasse de beaucoup la sphère des propriétés formelles des choses et des images tant il contribue à dessiner une forme de civilisation : la civilisation du "trop".
Émission "Idées", animée par Pierre-Edouard Deldique.
On a parfois reproché au philosophe sa méconnaissance de l'art et de son histoire. On peut également reprocher à l'histoire de l'art de ne pas avoir mesuré que l'art n'est pas seulement constitué d'oeuvres mais aussi de mots pour les dire, de concepts pour les catégoriser, de théories pour les penser. Car si la philosophie de l'art sans histoire de l'art est vide, l'histoire de l'art sans philosophie de l'art est aveugle.
C'est à partir de ce double constat que Carole Talon-Hugon a entrepris d'élaborer une histoire philosophique de l'art occidental, depuis l'Antiquité grecque jusqu'à nos jours : autrement dit d'étudier le développement des arts et la succession des styles en relation avec l'atmosphère théorique où ils se sont produits, et de dessiner les contours des grands paradigmes artistiques qui se sont succédé.
Nombre de sociologues et d'historiens de l'art ont constaté que notre époque se caractérise par une esthétisation généralisée des modes de vie. Ce n'est plus seulement le domaine de l'art qui est concerné, mais celui de la vie tout entière, même en ses aspects les plus ordinaires et marchands.
Cette esthétisation des existences prend souvent l'aspect non de la production d'objets, mais de celle d'expériences, et en particulier d'expériences atmosphériques. Les ambiances jouent ainsi un grand rôle non seulement dans les dispositifs esthétiques, mais dans toutes les formes urbaines, sociales, politiques, économiques.
L'écrivain et philosophe Bruce Bégout interroge cette notion d'ambiance dans cette perspective d'esthétique généralisée et prend pour point d'appui l'oeuvre singulière d'Yves Klein qui, au milieu des années cinquante, anticipe cette atmosphérisation de l'expérience et des situations.
Après deux ans de questions-réponses en vidéo sur ERTV, l'émission Soral répond revient sous un nouveau format sur ERFM, la radio en ligne et en continu d'Égalité & Réconciliation.
Le principe : les auditeurs qui le souhaitent posent leurs questions sur le répondeur du polémiste qui choisit ensuite les meilleures et y répond.