Barthes est-il antimoderne ? Non pas les conservateurs, les académiques, les frileux, les pompiers, les réactionnaires, mais au sens qu'Antoine Compagnon a donné à ce terme : être moderne à contre-cœur, malgré soi, à son corps défendant.
Barthes a-t-il avancé en regardant dans le rétroviseur, comme Sartre disait de Baudelaire ?
Émission "Les Chemins de la philosophie", animée par Raphaël Enthoven.
Auprès de la question théorique ou historique traditionnelle : "Qu'est-ce que la littérature ?", se pose avec plus d'urgence aujourd'hui une question critique et politique : "Que peut la littérature ?". Quelle valeur la société et la culture contemporaines attribuent-elles à la littérature ? Quelle utilité ? Quel rôle ?
"Ma confiance en l'avenir de la littérature, déclarait Italo Calvino, repose sur la certitude qu'il y a des choses que seule la littérature peut nous donner." Ce credo sera-t-il encore le nôtre ?
Dans une lettre à Louis d'Albufera, en mai 1908, bien avant de se mettre à la rédaction de son oeuvre somptueuse et unique dans la littérature française, A la recherche du temps perdu, une oeuvre, inachevée et posthume, de trois mille pages, Marcel Proust écrit : "J'ai en train : une étude sur la noblesse, un roman parisien, un essai sur Sainte-Beuve et Flaubert, un essai sur les femmes, un essai sur la Pédérastie (pas facile à publier) ; une étude sur les vitraux, une étude sur les pierres tombales, une étude sur le roman."
Lire Proust, c'est en effet lire une oeuvre totale, un roman qui en contient mille, c'est entrer dans une sensibilité qui éclaire la vôtre, c'est apprendre à mieux regarder, sentir, écouter, aimer, se souvenir, c'est accepter de se plonger dans un univers infini, miroir de notre société, miroir de l'Histoire.
Lire et relire Marcel Proust, tel est donc le thème de cette émission qui nous fait entrer dans l'oeuvre de Proust à travers deux lectures : celle de Jean-Yves Tadié et celle d'Antoine Compagnon. Lire Proust, c'est faire une expérience existentielle.
Proust fit la connaissance des Daudet en 1894 : Alphonse et ses fils, Léon et Lucien. Ce dernier, mondain, cultivé, snob, et fils à maman, deviendra vite un ami, puis une passion de Marcel, auprès de qui il succèdera à Reynaldo Hahn, avant d’être remplacé par Douglas Ainslie. Le duel de Proust avec Jean Lorrain, en 1897, sera provoqué par une insinuation sur leurs relations.
Une longue amitié prendra le relais, faite de services mutuels, et Lucien Daudet fut l'un des premiers lecteurs des épreuves de Du côté de chez Swann dans l'été de 1913. À partir de 1916, ses visites boulevard Huassman devinrent de plus en plus régulières.
Une conférence prononcée dans le cadre du colloque "Proust et ses amis".
Retour sur une époque tragique à travers le troublant portrait de Bernard Faÿ, administrateur de la Bibliothèque nationale sous l'Occupation, avec deux spécialistes : Martine Poulain, conservatrice des bibliothèques, auteur des Livres pillés, lectures surveillées : les bibliothèques françaises sous l'Occupation paru en 2008, et Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, auteur du Cas Bernard Faÿ, du Collège de France à l’indignité nationale (2009).
Universitaire et écrivain français, Bernard Faÿ fut condamné à l'emprisonnement à perpétuité en 1945 pour collaboration avec la police et la SS ainsi que pour son rôle dans la répression et la délation de la franc-maçonnerie.
Quels démons ont pu pousser cet américaniste éclairé, ouvert au monde moderne, familier de Gide, Cocteau, Crevel et Picasso, intime de Gertrude Stein, aux engagements les plus funestes auprès des autorités d'occupation et de leurs complices français ?
Une rencontre animée par Pascal Ory.
Qui sont les antimodernes ? Non pas les conservateurs, les académiques, les frileux, les pompiers, les réactionnaires, mais les modernes à contre-cœur, malgré eux, à leur corps défendant, ceux qui avancent en regardant dans le rétroviseur, comme Sartre disait de Baudelaire.
Antoine Compagnon poursuit le filon de la résistance à la modernité qui traverse toute la modernité et qui en quelque manière la définit, en la distinguant d'un modernisme naïf, zélateur du progrès.
Après avoir exposé les grands thèmes caractéristiques du courant antimoderne aux XIXe et XXe siècles (la contre-révolution, les anti-Lumières, le pessimisme, le péché originel, le sublime et la vitupération), Antoine Compagnon revient sur le parcours de certains écrivains emblématiques pour montrer, justement, ces traits idéaux.
Entre les thèmes et les figures, des variations apparaissent, mais les antimodernes ont été le sel de la modernité, son revers ou son repli, sa réserve et sa ressource. Sans l'antimoderne, le moderne courait à sa perte, car les antimodernes ont donné la liberté aux modernes, ils ont été les modernes plus la liberté.
"Elle ne s’est jamais aussi bien portée", a déclaré Pierre Jourde, auteur de La littérature sans estomac.
Le thème de la soirée était inspiré d’une conférence donnée par Julien Gracq à l’Ecole normale supérieure en 1960, intitulée : "Pourquoi la littérature respire mal". L’écrivain y dénonçait l’usage de "signaux qui font littérature" et se déclarait contre l’introduction du théorique dans le littéraire. Invité, le professeur de littérature Antoine Compagnon a rappelé qu’ "à toute époque, il existe un topos qui veut que la littérature se porte mal, ce que Raymond Aron appelait "l’illusion rétrospective de nécessité". Certes il y a eu de grands moments, comme l’année 1913 où sont publiés Du Côté de chez Swan de Marcel Proust, Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier et La Colline inspirée de Maurice Barrès. La littérature ne se porte pas plus mal aujourd’hui qu’à d’autres époques."
Le champ littéraire français dénombre quelques absences, peut-être passagères : l’exercice du pastiche, autrefois indispensable dans la formation d’un écrivain, a aujourd’hui disparu. Les deux enseignants soulignent que les écrivains français ne se lisent plus les uns les autres, et regrettent l’absence de ce "commerce mutuel". Dans le passé, les maisons d’édition demandaient aux romanciers de rédiger des préfaces des œuvres classiques. On s’adresse aujourd’hui aux universitaires, ce qu’Antoine Compagnon qualifie avec humour de "gangrène".
Dans ce panorama de la création littéraire contemporaine, Pierre Jourde et Antoine Compagnon ont pointé "l’envahissement de l’autofiction" et souligné des éléments de renouveau littéraire : d’abord le retour du passé et des thèmes tabous comme la guerre et la période coloniale. Les auteurs parlent à nouveau de la France, de la Nation, de l’identité et de la guerre.
Une réflexion qui ne recule pas devant la critique, mais qui dépeint une situation plutôt encourageante.
Historien de la littérature française et critique littéraire reconnu, Antoine Compagnon interroge l'une des questions les plus controversées des études littéraires : la place de l'auteur.
Son projet est double : d'une part reconstruire l'histoire d'une notion littéraire et d'autre part confronter cette notion avec la littérature et les études littéraires d'aujourd'hui.
Le XXe siècle a commencé par les transgressions de la littérature (donc de la notion d'auteur) par les avant-gardes, et il s'est terminé sur la dissolution des limites de la littérature (donc de la notion d'auteur) par la postmodernité.
Aujourd'hui, les nouveaux médias électroniques rendent urgente cette question : quelle acception peut-on encore donner à une notion critique comme celle d'auteur quand elle est confrontée à la variété et à la diversité des expériences et pratiques culturelles ?