Pendant des siècles, les chantres du progrès par la technique et la science appliquée ont promis à l'humanité le bonheur pour demain, ou au plus tard après-demain. L'emballement numérique, la perspective de technologies "révolutionnaires" ou "disruptives", les limites sans cesse repoussées, les annonces tonitruantes de milliardaires high-tech ont redonné un nouveau souffle aux promesses d'un monde technologique meilleur, d'abondance et de bonheur pour tous, de l'immortalité à la conquête spatiale, en passant par les énergies "propres" et la capacité à "réparer" une planète bien fatiguée.
Non content de tailler en pièces ce "technosolutionnisme" béat, du passé comme du présent, ignorant les contraintes du monde physique et de ses ressources limitées, Philippe Bihouix questionne aussi les espoirs de changement par de nouveaux modèles économiques plus "circulaires" ou le pouvoir des petits gestes et des "consomm'acteurs", face aux forces en présence et à l'inertie du système.
Une fois balayées les promesses mystificatrices ou simplement naïves, rien n'empêche de rêver, mais les pieds sur terre : nous pouvons mettre en œuvre, dès maintenant et à toutes les échelles, une foule de mesures salutaires. Et si, finalement, le bonheur était bien pour demain ?
Le transhumanisme est un projet de prise en main de l'Evolution par les ingénieurs. Son objectif : substituer aux humains une espèce "augmentée", fruit du progrès technologique et d'une volonté de maîtrise totale.
Quels sont les ressorts et les moyens de cette idéologie ? S'agit-il d'un délire scientiste ou d'une menace réelle ? Et nous, voulons-nous devenir des hommes-machines ?
Les droits de l'homme ? Après la Seconde Guerre mondiale, ils apparaissaient comme une promesse universelle de paix et de justice. Aujourd'hui, ils sont devenus un champ de bataille idéologique, le terrain sur lequel se confrontent les civilisations en lutte.
Car les droits de l'homme sont d'abord le reflet de notre conception de l'homme. Or, celle-ci a beaucoup changé depuis la rédaction de la Déclaration universelle, en 1948.
Alors que cette déclaration d'après-guerre s'inspirait encore des droits naturels, l'affirmation de l'individualisme a généré de nouveaux droits antinaturels, conduisant aujourd'hui à l'émergence de droits transnaturels qui promettent le pouvoir de transformer la nature.
À l'oeuvre au coeur de cette transformation : la réduction de la dignité humaine à la seule volonté individuelle, au mépris du corps. Au-delà, les droits de l'homme accompagnent discrètement le transhumanisme, oeuvrant au dépassement de la démocratie représentative.
Si c'est au nom d'un futur toujours meilleur que le monde a été transformé en un chantier permanent, nous sommes arrivés à un stade où le rapport entre les bénéfices du "développement" et ses nuisances s'avère de plus en plus défavorable. La perte de confiance dans le progrès doit alors être compensée par une inflation de ce qu'il est censé apporter : plus le monde va mal et menace de s'écrouler, plus il faut abreuver les populations de promesses exorbitantes.
Tel est le rôle du transhumanisme - et peu importe que ce qu'il annonce ne soit pas destiné à se réaliser. Lui accorder trop d'importance, c'est donc se laisser captiver par un leurre.
Faudrait-il refuser d'y prêter attention ? Cela n'est pas si simple. Le transhumanisme nous trompe parce qu'il joue en nous sur des ressorts puissants. Se donner une chance de désamorcer la fascination qu'il exerce et le malheur qu'il propage, réclame de mettre au jour ce qui nous rend si vulnérables à ses illusions.
Est-ce que l’homme du futur sera un homme augmenté, capable de voir la nuit, de transférer son cerveau dans une machine ? Est-ce que les progrès de la technologie parviendront à la suppression des maladies, des handicapes, du vieillissement ou de la mort ?
Pour répondre à ces questions posées par les récentes évolutions techniques et par l'idéologie transhumaniste, Alain de Benoist, dans ce nouveau numéro des "Idées à l’endroit", reçoit Olivier Rey, Olivier Dard et Marie David.
Nous avons perdu les deux repères qui permettaient autrefois de nous définir entre les dieux et les bêtes. Nous ne savons plus qui nous sommes, nous autres humains. De nouvelles utopies en naissent. D'un côté, le post-humanisme prétend nier notre animalité et faire de nous des dieux promis à l'immortalité par les vertus de la technique. D'un autre côté, l'animalisme veut faire de nous des animaux comme les autres et inviter les autres animaux à faire partie de notre communauté morale.
Le philosophe Francis Wolff se penche plus particulièrement sur la première de ces utopies contemporaines, le post-humanisme, qui nous fait la promesse d'un dépassement de la condition humaine par le recours à la technique.
C'est en compagnie de Bertrand Louart, menuisier-ébeniste anti-industriel, qu'on procède ici à une critique raisonnable du scientisme et de ses contre-vérités, des prétentions réalistes, totalitaires et hégémoniques du mode de connaissance scientifique et de l'idéologie d'une "science pure" déconnectée de ses applications technologiques et du capitalisme, à l'occasion des 30 ans de l'explosion de Tchernobyl et des 5 ans de Fukushima.
Émission "Sortir du capitalisme".
Les individus doivent mourir pour que l'espèce vive. Cette simple équation a toujours beaucoup contrarié le genre humain. C'est pourquoi toutes les civilisations se sont appliquées à la résoudre. Dans la nôtre, il en est sorti un traitement narratif et symbolique. Sa forme générale est celle du déni : "Je meurs, mais quand même, je vais revivre autrement". Les Grecs ont proposé à cet endroit la théorie de la métempsychose : après la mort, les âmes migrent vers un nouveau corps.
Quant au grand récit monothéiste, s'il a provoqué tant d'adhésions béates depuis deux millénaires, c'est parce qu'il disait aux êtres humains, mortels, ce qu'ils voulaient entendre : "Certes, vous allez mourir, mais… Mais, si vous vous conduisez dans votre vie en suivant quelques préceptes, vous gagnerez la vie éternelle". Tout le monde ou presque y a cru d'autant que, personne, à notre connaissance, n'est revenu après sa mort pour dire aux encore vivants : "Ce sont des balivernes. Y'a rien". C'est seulement au commencement de la fin de la modernité que quelqu'un a écrit une pièce de théâtre, intitulée En attendant Godot, pour dire : "Il ne viendra pas vous sauver". Ça a fait date. Beckett en fut gratifié du prix Nobel.
Aujourd'hui, d'aucuns se mettent à penser que ce problème ne peut pas être résolu par un traitement symbolique, mais par un traitement réel. Le transhumanisme propose de traiter la mort comme une maladie que l'on doit guérir. Il ne peut s'ensuivre que des bouleversements considérables dans toutes les formes de pensée et d'être au monde.
C'est de cette mutation dont nous parle le philosophe Dany-Robert Dufour.