Le terme d' "humanisme" est aujourd'hui un mot dont on aurait du mal à préciser le sens. La main sur le cœur, bien des apôtres du système humanitaire aiment par exemple se faire acclamer comme humanistes par l'opinion médiatique.
En revenant sur l'oeuvre de Cicéron en son contexte romain, le philosophe Philippe Forget nous révèle un tout autre humanisme qui propose un progrès indéfini vers l'homme total par l'exercice harmonieux de la puissance technique, de l'intelligence politique et des vertus civiques.
C'est à partir du problème que l'existence même de la bombe atomique pose à la pensée que Félix St-German nous introduit à la pensée de Günther Anders, saisie depuis son ouvrage majeur L'Obsolescence de l'homme dans lequel l'auteur une implacable "critique de l'ère de la technique".
L'occasion de comprendre sa méthode "occasionnaliste" ses concepts de décalage prométhéen et de honte prométhéenne, soit un monde non seulement configuré par ses objets techniques, mais où ceux-ci déterminent également les critères de valeurs pour s'ériger en idéal.
La science possède son histoire et les enjeux auxquels elle a dû faire face n'ont pas toujours été les mêmes. Depuis plus de 150 ans, la science a un impact déterminant sur nos sociétés. Au fil des décennies, de nombreux débats ont émergé autour du rôle de la science. Certains ont envisagé un avenir de progrès et d'innovation sans limites, où les découvertes scientifiques révolutionneraient notre existence de manière positive. D'autres, cependant, ont exprimé des préoccupations quant aux implications éthiques et aux conséquences indésirables qui pourraient découler du développement scientifique.
L'historien François Jarrige revisite ces débats en réexaminant les arguments qui ont été présentés de part et d'autre afin d'explorer les concepts clés qui ont émergé autour du progrès technologique et d'ouvrir une vision prospective sur l'avenir de la science.
Le livre de Raphaël Enthoven L'Esprit artificiel a été sévèrement critiqué par le vidéaste Thibaut Giraud (Monsieur Phi sur YouTube). Le différend a abouti un débat où il est question de la pensée et des limites des intelligences artificielles.
La machine sera-t-elle capable de penser, de philosopher ? Les philosophes, toujours au rendez-vous pour stimuler notre questionnement, sont-ils les mieux placés pour y répondre ?
Pour Julien Mattern, maître de conférence en sociologie, l'idée que la société occidentale était dans une forme d'extase progressiste jusque dans les années 1980 est une idée reconstruite. En effet, dès le XIXe siècle, les sociologues classiques constatent les effets néfastes du progrès tout en se résignant à l'embrasser.
Il illustre ce rapport paradoxal de la sociologie au progrès en revenant d'abord à la pensée d'Émile Durkheim : alors que ce sociologue français observe l'explosion du taux de suicides à son époque, il établit que le progrès est une loi de la nature qui s'impose aux hommes. Et si le présent semble si chaotique, c'est parce que le monde est en transition. C'est ensuite dans l'oeuvre de Georges Friedmann que l'on déplore la perte de contact avec la Nature, même s'il juge lui aussi qu'elle est inéducable.
Pour Julien Mattern, l'adhésion des classiques au mythe du progrès relève plutôt d'un pari : celui d'une transition la plus harmonieuse possible humanisant le progrès.
Le penseur inclassable qu'est Jacques Ellul nous laisse des réflexions qui éclairent la condition de l'homme moderne. Soumission à la technique, illusion politique, idéologie du progrès et du développement, subversion du christianisme : autant de thèmes qu'il aborde ici et qui laissent deviner la figure d'un Homme divisé à laquelle il oppose la figure de l'Homme entier.
Une parole forte qui résonne encore aujourd'hui.
Titulaire de la chaire "Histoire contemporaine du monde arabe", Henry Laurens nous propose de nous arrêter dans l'atelier de l'historien afin de comprendre ses enjeux et ses concepts. En 2013 déjà, dans la revue Débat, il rappelait l'opposition entre le rôle des historiens et la société, "le besoin de savoir ne doit pas se transformer en posture d'accusateur, voire en juge et en jury. Si, à la rigueur, on peut assimiler l'historien à un juge d'instruction qui instruit à charge et à décharge, il n'est pas là pour effectuer le reste de la procédure judiciaire". Il souligne également ici que "les historiens doivent reconnaître qu'ils ne sont pas les maîtres de la représentation du passé. Ils ne sont que les artisans du segment scientifique de la mémoire".
Après avoir rappelé les bases de la connaissance historique, Henry Laurens pose la question des comparatismes et revient sur le développement de l'orientalisme et l'occidentalisme de l'époque moderne à la décolonisation. Avant d'ouvrir l'enquête sur ce qu'il appelle le "passé imposé", il revient sur les différentes formes de violences au XXe et au XXIe siècles et fait état d'un passage de la figure du combattant à celle de la victime, d'une culture de la guerre à une culture de la paix, tandis qu'il note que le djihadisme au XXIe siècle relève des deux cultures.
Alors que la demande sociale de "thérapies mémorielles" va croissant, il est salutaire que l'historien prenne du recul face à sa pratique pour comprendre les spécificités de sa mission, de ses productions et de ses outils de travail.
On connait l'adage "On n'arrête pas le progrès" ? Et si justement, on l'arrêtait, le progrès ? Le progrès, cette flèche du temps qui va vers l'avant, vers le mieux. Une notion qui accompagne l'histoire des 150 dernières années. L'innovation ce mot totem de notre époque, un "buzzworld" omniprésent. Mais "maintenant, c'est plus pareil, ça change, ça change…".
Face aux défis sans précèdent de la crise climatique. Est-ce que notre manière de penser le développement des techniques est à la hauteur de ce qu'il faut affronter ?
Émission "La Science, CQFD", animée par Natacha Triou.