Ce soir, nous nous poserons une question : la rhétorique est-elle son propre maître, ou bien se doit-elle d'obéir à une loi supérieure ? Est-elle tenue d'obéir à une certaine morale, ou bien peut-elle convaincre du mal ?
À travers cette conférence, nous voulons scruter les secrets de l'art oratoire et chercher à savoir dans quelle mesure il peut être un outil utile aujourd'hui.
Dans le cadre de son exposition sur le Divin marquis, la Fondation Martin Bodmer a demandé aux avocats Marc Bonnant et Marcela Iacub de s’interroger sur la portée de la liberté d’expression. Condamné pour sodomie, Sade serait-il brûlé aujourd’hui pour ses excès de parole ?
Les deux intervenants aborderont d’un angle historique la question de la censure, tout comme celle des limites de la liberté d’expression fondée sur les tabous, la culture ou la morale. Ils débattront, en particulier, de l’affirmation de Mme Iacub pour qui "la pornographie, cette grande exclue de la liberté d’expression, doit être considérée aussi digne de protection que les discours politiques, les livres de physique ou la musique baroque."
Ils rappelleront, à l’aune de leur expertise juridique, et à un moment où les résonances avec l’actualité sont particulièrement vives, les sources et les références de la liberté d’expression en tant que droit fondamental. La question sera aussi posée de savoir si l’artiste bénéficie d’un droit d’exception. Si, comme le dit Baudelaire, "il y a plusieurs sortes de liberté, il y a la liberté pour le génie et il y a une liberté très restreinte pour les polissons".
Le verbe leste, l'argumentaire infaillible, les deux orateurs d'exception que sont Jacques Vergès et Marc Bonnant jouent de l'émotion et de la voix comme le ferait un musicien virtuose.
Leurs démonstrations ont valeur de plaidoiries touchant aux fondements mêmes de la défense : l'humanité de l'accusé pour Jacques Vergès, la rhétorique et l'amour de la langue pour Marc Bonnant.
Citant l'Antigone de Sophocle ou prenant les Dieux de la Grèce Antique à témoin, les deux géants du barreau partagent avec l'auditoire une majestueuse leçon de mémoire et d'histoire.
C'est au travers d'une allocution délicieuse que Maître Bonnant se livre à la défense du doute, vertu cardinale au fondement de sa vision du monde.
Cette philosophie puise ses origines dans la grande tradition sceptique, qui préfère la suspension du jugement aux certitudes universelles, la reconnaissance des opinions singulières face à la Vérité Une et flamboyante.
Plus qu'un discours, une leçon de vie.