L'universalisme est aujourd'hui l'aspect le plus contesté de l'héritage des Lumières. Pour les uns, il désigne un idéal d'émancipation par la raison, d'égalité entre tous les êtres humains. Pour les autres, à l'inverse, il incarne une forme d'impérialisme culturel et de refus des différences.
Pour sortir des caricatures, il faut revenir au XVIIIe siècle. On voit que les Lumières n'ont pas développé un universalisme univoque. Elles ont plutôt développé trois langages concurrents de l'universel. Le premier est juridique et cosmopolite, il pose l'égalité abstraite des individus. Le second est historique : il réfléchit aux conditions de développement de la "civilisation". Le troisième, enfin, est critique. Il s'enracine dans des situations de domination et prône l'affranchissement. Ses trois langages ne cessent de dialoguer et d'interférer, jusqu'à ce que la Révolution française les redéploye sur un plan plus ouvertement politique : celui de la citoyenneté.
L'héritage des Lumières, bien compris, se situe là : dans la possibilité d'effectuer un retour réflexif sur les origines conflictuelles de l'universalisme moderne.
Dans un entretien en deux temps, la philosophe Stéphanie Roza revient sur ses deux ouvrages La Gauche contre les Lumières ? et Le marxisme est un humanisme.
1. Depuis plusieurs années déjà s'élèvent des critiques d'une radicalité inouïe contre le coeur même de l'héritage des Lumières : le rationalisme, le progressisme, l'universalisme. Ces critiques se revendiquent de l'émancipation des dominés, marqueur traditionnel des différents courants de gauche. Mais s'inscrivent-elles dans le prolongement de celles qui, depuis l'émergence des mouvements socialiste, communiste ou anarchiste, avaient pour horizon un prolongement et un élargissement des combats des Lumières "bourgeoises" ?
2. À partir des années 1930, la découverte des textes de jeunesse de Marx (les Manuscrits de 1844 et L'Idéologie allemande) amorce une réflexion sur la place de l'humanisme dans le marxisme, qui culmine vingt ans plus tard avec Jean-Paul Sartre et Georg Lukács qui, chacun à sa manière, tentent alors de réintroduire la subjectivité individuelle et son irréductible liberté dans une conception matérialiste et révolutionnaire de l'histoire. Il s'agit de régénérer un projet d'émancipation individuelle et collective après la terrible période de glaciation stalinienne.
Un monde dans lequel des innocents souffrent peut-il avoir un sens ? Si la question du mal est éminemment philosophique, c'est qu'elle n'est pas seulement morale : elle interroge l'intelligibilité du monde. S'intéresser aux réponses qui y ont été apportées par les philosophes, c'est comprendre intimement leur manière de voir le monde, en écho à celle de leur époque. C'est aussi saisir que nous sommes toujours pris dans des carrefours de postulats qui nous dépassent.
Lorsqu'en 1755 Lisbonne est détruite par un tremblement de terre, l'événement provoque une onde de choc parmi les philosophes européens. Ce que l'on qualifierait aujourd'hui de catastrophe naturelle est considéré comme l'incarnation du mal. Deux siècles plus tard, la découverte des camps de la mort nazis agit comme une dévastation conceptuelle : la plupart des philosophes s'accordent à dire que nous manquons de ressources pour aller au-delà du témoignage. De "mal naturel", le mal est devenu "mal moral" ; une bascule a eu lieu.
Susan Neiman, en philosophe, fait le récit de cette bascule.
Émission "Signes des temps", animée par Marc Weitzmann.
Bien avant le cinéma, la presse à scandale et la télévision, les mécanismes de la célébrité se sont développés dans l'Europe des Lumières, puis épanouis à l'époque romantique. Voltaire ou Liszt furent de véritables stars, suscitant la curiosité et l'attachement passionné de leurs "fans". La politique n'échappa pas à ce bouleversement culturel : Marie-Antoinette ou Napoléon en furent les témoins. Lorsque le peuple surgit sur la scène révolutionnaire, il ne suffit plus d'être légitime, il importe désormais d'être populaire.
À travers une histoire de la célébrité, Antoine Lilti retrace les profondes mutations de la société des Lumières et révèle les ambivalences de l'espace public. À la fois désirée et dénoncée, la célébrité apparaît comme la forme moderne du prestige personnel, adaptée aux sociétés démocratiques et médiatiques, comme la gloire était celle des sociétés aristocratiques. L'histoire de cette notion éclaire les fascinantes contradictions de notre modernité.
Fragilisée par les guerres civiles, la société paysanne d'Ancien Régime a subi les attaques d'une bourgeoisie qui lorgne sur ses communaux et rêve de s'enrichir encore.
Ou comment la paysannerie, et plus particulièrement la paysannerie bourguignonne à la lumière des travaux de PIerre de Saint-Jacob, sous les coups de boutoir des "philosophes des Lumières", a perdu 80% de son pouvoir d'achat en un demi-siècle !
Après avoir présenté les principaux penseurs de la péninsule italienne entre le XIIIe et le XVe siècle, Denis Collin revient dans cette deuxième saison consacrée aux Lumières d'Italie sur les intellectuels et mouvements d'idées de l'époque moderne et contemporaine.
L'occasion de revenir sur la trajectoire et l'oeuvre de Giambattista Vico, Cesare Beccaria, Vilfredo Pareto, Gaetano Mosca et Benedetto Croce, on encore sur la réception si particulière du marxisme en Italie.
L'actualité des Lumières ne se dément pas. Elles sont prônées comme la source vive des valeurs modernes de liberté, de tolérance et d'égalité, ou, à l'inverse, dénoncées comme l'idéologie de l'impérialisme occidental et l'origine d'un culte irréfléchi du progrès technologique. Comment comprendre qu'un mouvement intellectuel, si profondément inscrit dans les transformations sociales, culturelles et politiques du XVIIIe siècle, puisse susciter aujourd'hui encore tant de débats ? Comment échapper aux caricatures pour penser, sans fétichisme ni anachronisme, l'actualité des Lumières ?
Les études historiques ont profondément renouvelé notre compréhension de ce que nous appelons les Lumières. Celles-ci ne sont plus perçues comme une doctrine homogène ou comme le programme théorique d'une modernité triomphante, mais comme un ensemble de débats, comme une réflexion polyphonique et critique portant sur les ambivalences des sociétés modernes.
Penser historiquement les Lumières implique de restituer leur pluralité. Leur héritage n'est pas un trésor européen, encore moins national. Les Lumières, dont les sources mêmes sont multiples, ont été appropriées et réinterprétées dans différents espaces culturels. Une histoire comparée des Lumières doit permettre de repenser la question de leur universalité.
Au fil des siècles, de nombreux courants de pensée ont façonné notre conception du monde et notre manière d'appréhender l'existence : Qu'est-ce que la vérité ? Comment peut-on vivre heureux ? Dieu existe-t-il ? Quel est le sens de notre vie ?
Bien loin du jargon des spécialistes, le professeur de philosophie Charles Robin nous rend accessible les œuvres des plus grands philosophes afin d'en faciliter la compréhension et, pourquoi pas, de nous faire changer le regard que nous portons sur nous-mêmes et sur le monde.
Une initiation sérieuse à une discipline souvent difficile d'accès, dans un langage clair et une atmosphère détendue.