Au début des années 1990, en marge de ses propres recherches, Patrick Tort découvre que les États-Unis, par le truchement de leurs fondations philanthropiques, ont financé le nazisme avant de le combattre. Il explique ici comment leur puissance s'est construite sur l'intégration des productions de l'Angleterre victorienne (le "darwinisme social", l'individualisme libéral, l'impérialisme et ses justifications raciales, l'eugénisme auto-protecteur des dominants) au sein desquelles Hitler, dès la rédaction de Mein Kampf, put largement effectuer ses choix.
S'appuyant sur les ressources de l'histoire politique, de l'analyse textuelle, de la psychologie sociale et de la psychanalyse, Patrick Tort conduit une réévaluation critique rigoureuse des usages contemporains de la notion de totalitarisme. Il met en évidence la manière dont les États-Unis ont fabriqué, grâce à la propagande politique, la publicité commerciale, la psychologie des foules et les technologies de l'influence, un nouveau totalitarisme euphorisant et consensuel dont l'effort permanent consiste à occulter sa propre violence sous le vêtement de la "liberté".
D'où vient ce sentiment diffus, de plus en plus oppressant et de mieux en mieux partagé, d'un retard généralisé, lui-même renforcé par l'injonction permanente à s'adapter ? Comment expliquer cette colonisation progressive du champ économique, social et politique par le lexique biologique de l'évolution ?
La généalogie de cet impératif nous conduit dans les années 1930 aux sources d'une pensée politique, puissante et structurée, qui propose un récit très articulé sur le retard de l'espèce humaine par rapport à son environnement et sur son avenir. Elle a reçu le nom de "néolibéralisme" : néo car, contrairement à l'ancien qui comptait sur la libre régulation du marché pour stabiliser l'ordre des choses, le nouveau en appelle aux artifices de l'État (droit, éducation, protection sociale) afin de transformer l'espèce humaine et construire ainsi artificiellement le marché : une biopolitique en quelque sorte.
Une conférence modérée par Karine Bocquet.
La philosophe Barbara Stiegler travaille depuis une dizaine d'années en étroite relation avec le monde hospitalier. Elle vient de publier "Il faut s'adapter" : Sur un nouvel impératif politique (Gallimard, 2019), dans lequel elle se penche sur les sources biologiques du néolibéralisme.
Car cette idéologie est beaucoup plus structurée, politique et hégémonique que l'affiliation à une simple théorie économique pourrait le laisser penser. C'est avec elle que les catégories empruntées à la biologie que sont l' "évolution", la "sélection", l' "adaptation" et la "compétition" se sont mises à dominer l'ensemble du champ politique contemporain, particulièrement dans les domaines du droit, de l'éducation et de la santé.
Barbara Stiegler, dont les travaux sont à situer dans la lignée de ceux entamés par Michel Foucault, réinstruit le procès du néolibéralisme.
On connaît mal encore les théories et les textes de Darwin sur l'évolution biologique et humaine. Trop souvent, on accuse le savant britannique d'être responsable des dérives inégalitaires -eugénistes, racistes ou néo-malthusiennes- du principe de sélection naturelle.
Patrick Tort, en s'appuyant sur le texte essentiel et trop peu lu qu'est La Filiation de l'homme, nous montre comment la majorité des idées de Charles Darwin ont été déformées et récupérées dans une optique politique.
Revenant au texte, il explique les conséquences scientifiques et idéologiques de la théorie sélective et propose un résumé de l'état présent de la recherche sur l'évolution.
Qui est Charles Darwin (1809-1882) ? Retracer le parcours du naturaliste anglais le plus célèbre, tel est le fil conducteur de cette conférence que revient sur le personnage, ses origines sociales, sa famille et les expériences qui ont déterminé l'orientation de ses recherches.
Ainsi, de 22 à 27 ans, Charles Darwin a entrepris un tour du monde en 1741 jours (de décembre 1831 à octobre 1836) à bord du HMS Beagle, et étudié la faune et la flore de l'hémisphère Sud.
De ses recherches naîtra la "théorie de l'évolution" selon laquelle les espères vivantes ont évolué à partir d'un ou de plusieurs ancêtres communs, par la "sélection naturelle", à savoir que seules les espèces qui se sont adaptées à leur environnement se sont assurées une descendance importante.
En 1859, Charles Darwin résume ces travaux en publiant De l'origine des espèces, ouvrage fondateur de la biologie moderne.
Patrick Tort, en plus de battre en brèche les clichés et idées fausses véhiculés autour de la théorie de Charles Darwin, replace ce dernier en son temps, présente l'homme et le père dans son intimité, évoque la réception de ses idées par la communauté scientifique et le grand public, mais aussi les influences que ses travaux ont laissé dans la littérature, les arts plastiques, l'architecture qui attestent l'importance sociale d'une pensée et sa puissance révolutionnaire.
Noam Chomsky, dans son livre d'entretiens accordés à Jean Bricmont Raison contre pouvoir : le pari de Pascal, fait de Kropotkine (1842-1921) le précurseur de la sociobiologie. Cette affirmation est-elle justifiée ?
Partant d'une lecture précise et renouvelée du théoricien du communisme libertaire, Renaud Garcia nous montre que la notion de "nature humaine" en direction de la nature globale, et plus précisément du legs coopératif de l'évolution des espèces, est à l'inverse de toute crispation essentialiste et des réductionnisme ruineux comme le darwinisme social ou la sociobiologie.
Le matérialisme que Patrick Tort interroge et construit n’est pas une "philosophie", mais la condition de possibilité et l’outil de la connaissance objective. Historiquement, il se confond avec l’élaboration de la science moderne s’affranchissant graduellement des contrats de parole qui l’asservissaient à la métaphysique et à la théologie.
Comment, d’une part, cette émancipation s’est-elle effectuée en des temps où une croyance instituée imposait a priori la limite de l’Inconnaissable ? Comment, d’autre part, une métaphysique résiduelle impose-t-elle toujours aux artisans de la connaissance objective, sans qu’ils s’en doutent, des cadres, des frontières, des démarches et des représentations ?
Revenant sur une part essentielle de son œuvre, Patrick Tort invite ici à une véritable réforme logique de l’initiative de connaissance, et, simultanément, à instruire la méthode capable d’éclairer les mécanismes qui la favorisent ou qui la combattent dans l’univers infini des discours.