L'intime est souvent distingué du privé, au bénéfice du premier : tandis que le privé fait signe vers la propriété, donc vers l'objet, l'intime renverrait au vif du sujet. Claude Habib cherche à ouvrir une perspective dégrisée en soulignant les liens de l'un à l'autre.
L'intime est apparu historiquement. Il suppose la possibilité de l'existence privée, il dépend de la paix et de la sécurité – la fraternité des tranchées n'est pas l'intimité. Il doit aussi beaucoup aux femmes qui le cultivent, en introduisant dans leurs relations, amicale ou amoureuse, quelque chose du duo de la mère et de l'enfant. Les femmes n'ont pas inventé le for intérieur ; en revanche elles ont développé l'intimité en lui conférant du prix, sans pouvoir en finir avec sa vulnérabilité. Car l'intime est sans défense.
Paul Yonnet est de ceux qui ont vu leur vie éclairée par la lumière noire du Voyage au bout de la nuit. Il prétend d'ailleurs que ce livre, qui exprime au plus haut point le douloureux vertige de vivre, loin de conduire au désespoir, arme secrètement les âmes bien faites.
Claude Habib, qui a un avis tout à fait différent sur l'oeuvre de Céline, lui porte la contradiction.
Dans cet entretien, Claude Lefort est interpellé par des amis - Claude Habib, Pierre Manent, Claude Mouchard et Pierre Pachet - dont l'enseignement et les travaux se situent dans le champs de la philosophie et de la pensée politique.
Il revient d'abord sur son parcours, parcours qui éclaire ensuite bon nombre de réflexions -sur le totalitarisme notamment- qu'il developpera ensuite et qui feront son originalité et sa renommée dans le champ des sciences politiques.