Auteur de plus d'une trentaine d'ouvrages portant principalement sur le statut d'artiste et la notion d'auteur, l'art contemporain et le rapport aux valeurs, la sociologue Nathalie Heinich revient sur la problématique des valeurs engagées dans la réception des œuvres d'art, réception généralement conditionnée par le travail des critiques.
Quelles sont les valeurs engagées dans ce processus ? Existe-t-il une tension entre la question du prix et celle de la valeur, dans le domaine de l'art (contemporain) ? La valeur esthétique est-t-elle prédominente dans le jugement rendu par les critiques ? Finalement : l'admiration ou le rejet des oeuvres d'art peuvent-ils s'expliquer ?
Selon Nathalie Heinich, les réponses sont à chercher dans l'activité artistique elle-même, de la création à la réception, en passant par la circulation, des œuvres d'art.
Nombre de sociologues et d'historiens de l'art ont constaté que notre époque se caractérise par une esthétisation généralisée des modes de vie. Ce n'est plus seulement le domaine de l'art qui est concerné, mais celui de la vie tout entière, même en ses aspects les plus ordinaires et marchands.
Cette esthétisation des existences prend souvent l'aspect non de la production d'objets, mais de celle d'expériences, et en particulier d'expériences atmosphériques. Les ambiances jouent ainsi un grand rôle non seulement dans les dispositifs esthétiques, mais dans toutes les formes urbaines, sociales, politiques, économiques.
L'écrivain et philosophe Bruce Bégout interroge cette notion d'ambiance dans cette perspective d'esthétique généralisée et prend pour point d'appui l'oeuvre singulière d'Yves Klein qui, au milieu des années cinquante, anticipe cette atmosphérisation de l'expérience et des situations.
Née à Marseille en 1955, Nathalie Heinich est sociologue et directeur de recherche au CNRS. Titulaire d'un doctorat de l'EHESS consacré à l'histoire sociale de la notion d'artiste (1981), elle s'est spécialisée dans la sociologie des professions artistiques et des pratiques culturelles tout en développant une réflexion sur les crises d'identité, l'épistémologie des sciences sociales et la sociologie des valeurs qu'elle a fait connâitre au travers de la publication d'une trentaine d'ouvrages et de nombreux articles dans des revues scientifiques ou culturelles.
Cette vie de recherche se trouve résumée dans son récent ouvrage Des valeurs. Aux fondements de nos jugements et de nos opinions dont elle nous entretient ici.
Une conférence animée par Sylviane Dupuis.
Professeur émérite, Gérard Conio est spécialiste de littérature russe. Ses inlassables efforts de traduction, d'édition et son implication dans l'organisation de nombreuses expositions ont permit au public francophone de mieux comprendre la production artistique et littéraire en Russie et sous le régime soviétique, notamment le mouvement nihiliste qui joua un grand rôle dans l'évolution intellectuelle de ce pays et dont les soubassement philosophiques résonnent beaucoup avec notre époque contemporaine.
Émission du "Libre Journal d'Aude de Kerros".
Il ne fait aujourd'hui plus aucun doute que l’art contemporain, depuis les débuts de la Guerre froide, participe à l'hégémonie du soft power américain. Initialement voulu comme une réponse à l'Internationale communiste, les Américains ont forgé un art planétaire ayant réussi le prodige d'accueillir dans son giron les avant-gardes européenne et russe.
Le conceptualisme d'un Duchamp a été le socle à partir duquel va s'ériger un art contemporain international qui serait le pendant d'une dématérialisation de la valeur propre à l'économie capitaliste : "L'art et la monnaie vont devenir progressivement des valeurs strictement scripturales, financières, conceptuelles."
À la globalisation économique correspondrait une globalisation culturelle ; la géographie de l’art contemporain correspondant en grande partie à celle du pétrole et des grandes places financières.
Mais contrairement à sa consœur, Aude de Kerros parie davantage sur l’échec de cet art global dont le journalisme d'art ferait la promotion, pour miser sur le renouveau d'arts plus locaux ou civilisationnels tels que ceux de la Chine ou du Japon.
Émission du "Libre Journal de la crise", animée par Laurent Artur du Plessis.
"On ne rit pas de l'Art Contemporain !" Le public le sait bien. Cela ne se fait pas. On passerait pour un beauf, ou pire : pour un nazi ! Depuis plus de trente ans, on est respectueux
de l'AC, on est plein de componction, d'admiration ébahie. On s'incline devant sa haute moralité politique, sa "mission critique", son dérangement salvateur.
Eh bien non ! Nicole Esterolle n'est pas dupe. Ses travaux, pleins d'informations rares et précises, arrivent à point nommé pour parachever la levée de l'omerta sur cette anomalie historique qu'est l'art dit contemporain et pour favoriser le retour au sens élémentaire et au droit commun, dans un domaine ou Père Ubu était devenu le roi, entouré de ses innombrables bouffons du financial art.
Oui, l'art dit contemporain est une gigantesque bouffonnerie, dont les malheureuses victimes sont les artistes de l'intériorité et du contenu sensible, et dont les heureux bénéficiaires
sont les artistes de l'extériorité spectaculaire, du paraître, du contenant, de la posture et de l'imposture. Sans compter les financiers qui en profitent !
Émission "Artracaille", animée par Gaillot.
"Je juge à partir de mes valeurs !" Dire cela, ce n'est pas nécessairement énoncer un programme critique héroïque. Toute morale mise à part, cette formule peut aussi bien livrer une description tautologique de soi, tirée de l'observation minutieuse de notre vie quotidienne : nos valeurs, qu'on les exhibe ou qu'on les cache, sont l'une de nos principales raisons d'agir et de juger, jusque dans les circonstances les plus banales de la vie.
Ces valeurs, qui organisent notre expérience du monde, des êtres et des choses, subissent aussi leur influence en retour. Enracinées au plus profond de l'individu, elles sont en même temps des représentations essentiellement collectives, au point d'être l'un des principaux ciments des sociétés et comme la matière du commun. Elles sont donc un objet de sciences sociales, dont Nathalie Heinich, directrice de recherche au CNRS, s'emploie à renouveler l'approche en en explicitant les fondements, en partant notamment du problème de la critique dans l'art contemporain.
L'ère contemporaine est celle d'un paradoxe : tandis que triomphe l'esthétique, jusque dans les objets les plus quotidiens et les plus triviaux, le monde de l'art se détourne des œuvres pour proposer des démarches, des installations, des performances.
Appuyant sa démonstration sur une connaissance approfondie de l'art contemporain, Yves Michaud scrute dans nos modes de vie les effets d'une esthétisation de l'existence, dont il voit la trace dans la mode, le culte du corps ou le tourisme.
L'art se réfugie désormais dans une expérience qui n'est plus celle d'objets entourés d'une aura, mais d'une aura qui ne se rattache à rien ou quasiment rien. Cette aura, cette auréole, ce parfum, ce gaz, comme on voudra l'appeler, dit à travers la mode l'identité de l'époque.