Une question revient inlassablement au sujet de l'esclavage dans le monde grec : comment peut-on imaginer que des penseurs comme Socrate ou Aristote n'aient jamais dénoncé, et aient même apporté leur caution, à ce crime contre l'humanité qu'est l’esclavage ?
Cette question est en réalité absurde. Gageons même qu'elle aurait été proprement inaudible aux hommes de l'Antiquité. Les auteurs antiques ont reconnu l'universalité de la raison humaine, en affirmant même la commune égalité et liberté de tous les hommes, certes, mais leur universalisme n'a jamais conduit à remettre en cause l'esclavage. Ils n'ont même jamais conçu que l'égalité "naturelle" entre les hommes puisse se traduire positivement dans le droit et, dès lors, dans la société de leur temps.
Et pourtant, on chercherait en vain un corps de doctrine ou un grand récit par lequel ces penseurs ont entrepris de légitimer l'esclavage. C'est que la domination esclavagiste en Grèce ancienne ne se justifiait pas d'un ordre de légitimité extérieur. Ni la prétendue supériorité d'une race ni l'autorité des dieux ne justifiaient en elles-mêmes l'existence de l'institution esclavagiste.
L'esclavage relevait d'une catégorie de choses déconcertantes pour le raisonnement historien : celle des institutions dont l'être ou le non-être ne prêtait pas au débat. Comment saisir dans ce cas la pensée grecque de l'esclavage ?
On connaît le célèbre titre d'Henry de Montherlant, Barrès s'éloigne publié chez Grasset en 1927 quatre ans après le décès du célèbre écrivain. Pourtant, un siècle après sa mort, l'auteur du Culte du moi et des Déracinés n'est pourtant pas oublié ayant vu certaines de ses œuvres rééditées et différents travaux universitaires lui être consacrés. L'ambition d'Olivier Dard est ici, en s'appuyant sur les écrits de Barrès (1862-1923) comme sur les études publiées récemment à son sujet, de dresser un portait de ce dernier qui met l'accent sur trois de ses principales facettes.
Il s'agirt d'abord d'évoquer l'écrivain lorrain et l'acteur politique que fut Barrès en soulignant notamment la précocité de son succès littéraire, son implication dans les crises nationalistes de la IIIe République (boulangisme, affaire Dreyfus) ou encore son engagement en faveur de la Revanche marqué par son cycle romanesque des Bastions de l'Est et son rôle au cœur du premier conflit mondial où il publie Les diverses familles spirituelles de la France. Un deuxième volet vise à montrer à quel point Barrès, loin d'être un auteur limité à la France, connut de son vivant un fort rayonnement à l'étranger, et d'abord en Europe.
Dans ce tour du continent qui nous conduit de la péninsule ibérique à l'Europe centrale mais aussi, au-delà des mers à ce qu'on appelait alors le Canada français, une place particulière est faite à la Belgique tant Barrès a pu y influencer des écrivains et des nationalistes francophones, à commencer par Pierre Nothomb.
En troisième lieu, il s'agit de s'attacher à la postérité de Barrès sur un siècle pour brosser un rapide panorama de l'influence qu'il a pu laisser après sa mort, en France bien sûr, mais aussi à l'étranger. Ou pour le dire autrement se demander que signifient la personne et l'œuvre de Barrès en 2023.
L'un des objectifs des pouvoirs totalitaires au XXe siècle fut de changer l'homme ; d'où le rôle central de la propagande et des intellectuels, ces "ingénieurs des âmes" (Staline).
Carl Schmitt, grand promoteur du droit d'exception dans l'entre-deux-guerres, s'est imposée comme le théoricien du droit le plus talentueux de sa génération. Obsédé par la "déjudaïsation" des sciences juridiques et des bibliothèques, il propose d'ajouter la mention "Jude" à chaque citation d'auteur juif dans un livre.
Retour sur la trajectoire intellectuelle de l'un des penseurs majeur du politique au XXe siècle, bien qu'actif compagnon de route de la machine nazie.
Le dandysme : une notion beaucoup plus profonde et articulée, tant sur le plan philosophique que littéraire, que ce qu’il y paraît à première vue. C’est cette thématique que Daniel Salvatore Schiffer va nous aider à mieux cerner tout au long de ces deux cours-conférences.
Ces leçons, aux confins de la philosophie, de l’art et de la littérature, se basent sur la réflexion, à travers quelques-uns de leurs concepts-clés, de deux des penseurs majeurs du XIXe siècle, Friedrich Nietzsche et Sören Kierkegaard, pour analyser, dans un deuxième temps, la manière dont deux des plus grands écrivains de ce même siècle, Charles Baudelaire et Oscar Wilde, ont appliqué, au sein de leur œuvre poético-littéraire, ces notions philosophiques.
La figure du "philosophe-artiste", tout d’abord. Elle jalonne l’œuvre de Nietzsche. De lui connaît-on surtout la critique des valeurs judéo-chrétiennes : ce qu’il appelle la "transmutation des valeurs". Avec, comme corollaire, l’avènement de ce qu’il qualifie le "surhomme". C’est ce type de "surhomme" qui se révèle être la préfiguration du "philosophe-artiste" : être à l’intelligence, comme à la sensibilité, évoluant constamment, en une sorte de synthèse existentielle, aux limites, justement, de la philosophie et de l’art.
L’esthétique de Kierkegaard, ensuite. Elle constitue le premier des trois stades, au sein de sa "dialectique qualitative", du développement humain : les stades esthétique, éthique et religieux. Il est fait également allusion du thème de la séduction, pivot existentiel et conceptuel de son "stade esthétique".
Ainsi examinenons-nous, ensuite, la manière dont deux des plus grands écrivains du XIXe siècle - Charles Baudelaire, en France, et Oscar Wilde, en Angleterre -, chantres du dandysme, ont appliqué, consciemment ou non, ces importants concepts nietzschéen et kierkegaardien au sein de ces deux chefs-d’œuvre de la littérature universelle que sont Le Peintre de la vie moderne de Baudelaire, et Le Portrait de Dorian Gray de Wilde. Car c’est dans ces deux œuvres, principalement, que l’on voit apparaître le plus clairement la figure du "dandy", dont le philosophe-artiste nietzschéen ainsi que le "séducteur" kierkegaardien sont les archétypes philosophiques.
George Gordon Byron (1788-1824), plus connu sous le nom de Lord Byron, est un des plus grands écrivains, poètes et dramaturges anglais, à cheval sur les 18e et 19e siècles. Son nom est resté, au sein de l'histoire de la littérature mondiale, un mythe. Sa vie, terriblement aventureuse et prodigieusement romanesque, réceptacle de tous les paradoxes philosophiques comme de toutes les contradictions psychologiques, entretient, par ailleurs, sa légende.
Byron, l'un des principaux précurseurs du romantisme, fut aussi un des plus grands dandys de son temps : un dandysme flamboyant, sublime par moments, mais également tragique sur le plan existentiel. C'est dire si ce seul nom de Byron brille au firmament de la culture universelle. Et, pourtant, son œuvre, aussi diversifiée qu'importante, reste largement méconnue du grand public. Peu de gens la lisent encore de nos jours, excepté, peut-être, son chef d'œuvre, Don Juan, long poème épique resté inachevé après sa mort aussi soudaine que prématurée. C'est cette œuvre que Daniel Salvatore Schiffer tente de ressusciter. Et ce, en l'insérant, également, dans son contexte philosophique, politique, social, artistique, littéraire et esthétique.
La liberté d’expression figure au Panthéon des grandes libertés. Elle constitue aussi le socle de la démocratie, au point d’en constituer aujourd’hui le critère prépondérant.
Or, force est de constater que cet acquis fait l’objet de contestations ou d’interprétations différenciées : religion, racisme, identité, réchauffement climatique, dérapages sur les réseaux sociaux : il ne se passe plus une journée sans que la question sur ce qui est légitime de dire ou de laisser dire ne soit posée.
Menacée, menaçante ? La liberté d’expression ne laisse pas d’interroger notre modernité.
L'ouvrage de Paul Jorion Comment la vérité et la réalité furent inventées est l'un des rares ouvrage en anthropologie des savoirs consacré à l'émergence au sein de notre propre culture des notions de "vérité" (au IVe siècle av JC en Grèce ancienne) et de "réalité" (au XVIIe siècle en Europe).
La mise au point de la logique par Aristote et l'invention du calcul différentiel par Leibniz et Newton jouent un rôle décisif dans ces évolutions.
Paul Jorion se concentre ici plus particulièrement sur la naissance des concepts de "vérité" et de "réalité" au sens où nous entendons aujourd'hui ces expressions.
La démonstration de l' "incomplétude de l'arithmétique" par Kurt Gödel servira d'illustration à l'usage de la logique et des mathématiques dans ce qui se présente, de nos jours, comme une description "vraie" de la "réalité".
Les religions - et singulièrement ce que nous nommons les "monothéismes" - sont redevenus un objet d’attention des sciences humaines et sociales, contrairement à une prévision trop généraliste qui les regardait comme des objets ancestraux, archaïques, incapables de résister à ce que seraient les nouvelles catégories a priori du paradigme de la modernité : le siècle, la raison et le monde.
Pierre Magnard, en philosophe des religions mais aussi philologue réputé, tient en réalité, quant à la notion de "monothéisme" des hypothèses singulières : il prend d’emblée le concept dans une acception historique et positive, pour en montrer les effectuations pratiques dans une analyse qui s’inspirant moins du principe de différenciation s’articule autour d’une méthodologie ouvrant vers une métaphysique du religieux.
On verra ainsi, et de manière différenciée, ce que veut dire un Dieu nommé "un" et quelles sont les représentations du monde et de la nature qui en découlent, singulièrement au regard des représentations historiques de Dieu lui-même et, par exemple, de la loi qu’il donne.
Pierre Magnard expliquera enfin pourquoi, selon lui, le mot "religion" n’admet pas de pluriel, pour autant bien sûr qu’il tente de désigner l’effectivité historique d’une union capable d’embrasser l’humanité entière, selon une logique de l’harmonie, allant contre ce qui divise, individualise et particularise.