Comprendre le sens profond de notre histoire et s'approprier la critique radicale de l'ordre marchand aliénant requiert un effort : celui de se plonger dans le récit des expériences des mouvements radicaux en recherche d'émancipation et dans les textes de ses principaux témoins et théoriciens (présocratiques, Hegel, Marx).
Alors que le spectacle de la marchandise nous pousse au narcissisme, à l'inculture et au zapping, comment pouvons-nous nous approprier ce savoir critique et plus encore, le transmettre autour de nous ?
Selon le cognitivisme littéraire il y a des vérités littéraires et la littérature, y compris la fiction, apporte une forme de connaissance. Cette thèse se heurte à des objections familières, qui ont conduit ses défenseurs à l’affaiblir ou à la rendre triviale. L’autre option consiste à soutenir que la connaissance littéraire est une connaissance pratique, d’un type fondamentalement différent de la connaissance propositionnelle de vérités.
C’est la thèse que défend Pascal Engel, en la modifiant quelque peu : la connaissance littéraire est une connaissance pratique, mais propositionnelle. La thèse de Stanley et de Williamson (2001), qui réduit le savoir pratique au savoir propositionnel, bien qu’elle se heurte, dans les cas usuels, à des difficultés majeures, pourrait être cependant correcte dans le cas de la connaissance littéraire, parce que la littérature ne véhicule pas des savoirs pratiques directement, mais indirectement, par descriptions ou modes de présentation pratiques.
Paul Jorion analyse ici la naissance des notions de "vérité" et de "réalité (objective)", notions qui nous semblent aller de soi, mais qui sont en réalité apparues à un moment précis de l'histoire de notre culture occidentale et qui sont totalement absentes du bagage conceptuel d'autres cultures, et de la culture chinoise traditionnelle en particulier.
Les moments de leur émergence sont datés et relativement récents. Mieux : leur apparition a donné lieu à des débats houleux et bien documentés entre partisans et adversaires de thèses antagonistes.
La vérité est née dans la Grèce du IVe siècle avant Jésus-Christ, la réalité (objective), au XVIe siècle. L'une découle de l'autre : à partir du moment où s'est imposée l'idée d'une vérité, dire la vérité revenait à décrire la réalité telle qu'elle est.
Charles Robin, proche des pensées de Michéa et de Clouscard, s'entretient avec Francis Cousin, héritier des groupes radicaux se revendiquant de l'insurrection de la communauté de l'être, des présocratiques à Marx.
Cet échange est plus particulièrement orienté sur la question du sens historique du devenir : comment prenons-nous conscience de notre aliénation marchande, et, ce constat posé et admis, que devons-nous faire ?
Les religions ? Elles sont censées nous raconter des blagues : elles recouvrent de rudes vérités. Et si l’opium du peuple n’était pas là où l’on pensait ? Et si il y avait, dans ce qui s’appelle histoire des vérités-mirages, et dans ce qui s’appelle religion, un mentir-vrai ?
Régis Debray résume et clarifie des travaux engagés depuis maintes années et nous offre un retour sur l'origine et l'histoire de quelques maîtres mots en forme de chausse-trappes.
Sa façon à lui d'apporter sa petite pierre à l'édifice des Lumières, sous l'égide de la devise : "Rendre la Raison populaire". Un vaste programme, dérangeant comme un réveille-matin, et qui renverse quelques vétustes perspectives !
Notre histoire contemporaine ressemble à une suite ininterrompue de crises qui ne cessent d'éroder nos puissances de vivre et nos communautés enracinées. Y-a-t-il une logique à l'oeuvre derrière ce chaos apparent ?
En revenant aux enseignements de Karl Marx, Francis Cousin nous révèle le sens de l'histoire, dont le Capital est aujourd'hui l'acteur -immanent et impersonnel- central. Saurons-nous le comprendre ?
Jacques Bouveresse sintéresse ici au rapport conflictuel de Nietzsche avec Michel Foucault (qui fut son prédécesseur au Collège de France après avoir été son condisciple sur les bancs de Jules Vuillemin).
L'occasion de se demander dans quelle mesure on pourrait relativiser le jugement "sévère mais juste" de Jean-Marc Mandosio quand il affirme, avec quelques solides arguments que : "Foucault applique la recette traditionnelle de l’essayisme dans le goût français : revisiter de façon "brillante" des lieux communs en faisant primer la rhétorique sur l’exactitude." Une problématique qui pourrait passer pour corporatiste et qui ne serait qu'anecdotique si ce "goût gentrifié" de nos générations successives de clercs hexagonaux n'avait produit le désert intellectuel, social et politique que doivent affronter aujourd'hui les "générations post-mitterand"...
Sur la vérité, l’objectivité, la connaissance et la science, il est trop facilement admis aujourd’hui – le plus souvent sans discussion – que Foucault aurait changé la pensée et nos catégories. Mais il y a dans ses cours trop de confusions conceptuelles entre vérité, connaissance et pouvoir, trop de questions élémentaires laissées en blanc et, tout simplement, trop de non-sens pour qu’on doive se rallier à pareille opinion.
Quant au nietzschéisme professé par Foucault, il repose sur une lecture trop étroite, qui ne résiste pas à une confrontation attentive avec les textes, notamment ceux du Nietzsche de la maturité.
Une conférence introduite par Jean-Jacques Rosat.