Bernard Stiegler développe l’idée que nous sommes entrés dans l’époque de l’hypercontrôle, rendue possible par les technologies numériques, les systèmes de big data, de traces et autres automatismes, omniprésents dans les développements et applications technologiques "hyperindustriels".
Dispositifs qui nous suivent autant qu’ils nous guident dans nos comportements, et qui constituent selon lui un processus de désintégration sociale.
Selon un fil historique et conceptuel, nous serons amenés à comprendre les éléments du contrôle et de la surveillance : tels qu’ils ont été pensés et utilisés depuis William Burroughs, l’écrivain américain chez qui Gilles Deleuze avait trouvé la récurrence du terme de contrôle, et à partir duquel il conceptualisa la formule de "société de contrôle", cela en passant par les écrits de Foucault et sa description des dispositifs de surveillance. Bernard Stiegler décrira les "sociétés de l’hypercontrôle" et l’automatisation généralisée, tout en posant le défi d’un "art de l’hypercontrôle" comme thérapeutique, ou "pharmacologie positive".
La conscience naissante de l'humanité du XXIe siècle est en train de devenir celle de ses propres limites. C'est ce qu'annonçait déjà René Passet dans "L'économique et le vivant".
Crises écologiques, mutations industrielles majeures, ruptures géopolitiques, émergence des biotechnologies, c'est-à-dire technicisation du vivant et de la reproduction, avènement des nanotechnologies et de la "métaconvergence NBIC" (nano, bio, info and cognitive technologies) : dans le langage de Gilbert Simondon, le processus psychosocial d'individuation qui se forme au cours de l'histoire de l'humanité paraît devoir se clore, s'incurver ou radicalement se réinitialiser dans les prochaines décennies.
Or, la pensée d'un tel devenir et de l'avenir qu'il pourrait receler n'est possible qu'à considérer l'ensemble du processus dans la très longue durée que seule peut donner l'archéologie – et précisément comme un tel processus.
Alors que la révolution numérique bouleverse la notion de publication, Bernard Stiegler s'attache à comprendre l'évolution du concept et de la pratique de la République.
L'Internet et le Web sont porteurs de potentialités inouïes, qui ne sont pas encore mesurées. Ce processus pharmacologique fait pour l'instant l'objet d'une capture par de grandes compagnies internationales qui mettent en péril nos sociétés démocratiques.
C'est en convoquant les mythes grecs et leur historien Jean-Pierre Vernant que Bernard Stiegler tente de clarifier les enjeux de cette nouvelle écriture numérique qui vient bouleverser les équilibres fragiles de notre cité.
Conférence prononcée dans le cadre de l'exposition Res Publica.
Dans un texte intitulé "Être de la bonne taille", le biologiste anglais J.B.S. Haldane a montré qu’il est impossible de dissocier la forme d’un être vivant de sa taille : chaque type de forme vivante, en effet, n’est viable qu’à une certaine échelle. Il est entendu que l’analogie entre sociétés humaines et organismes est à manier avec précaution. Pour autant, l’importance déterminante de la taille pour les organismes devrait nous rendre beaucoup plus attentifs que nous ne le sommes aux questions d’échelle dans l’organisation de nos sociétés.
Selon le penseur austro-américain Leopold Kohr : "À chaque fois que quelque chose ne va pas, quelque chose est trop gros."
Le constat pèche peut-être par sa généralité, mais touche juste quant à la situation présente car, à bien y regarder, la plupart des crises contemporaines (politiques, économiques, écologiques, culturelles) sont liées à des dépassements d’échelle. De ce fait, il paraît plus urgent que jamais de s’interroger sur les causes du dédain affiché par la modernité pour les questions de taille, et sur les moyens d’y remédier, si la chose est possible.
La télécratie qui règne désormais en France comme dans la plupart des pays industriels ruine la démocratie : elle remplace l’opinion publique par les audiences, court-circuite les appareils politiques et détruit la citoyenneté. La télévision et l’appareillage technologique qui la prolonge à travers les réseaux numériques de télécommunication sont en cela devenus le premier enjeu politique.
De ces effets ruineux de la télécratie, qui transforment la vie quotidienne dans ses aspects les plus intimes, les candidats au scrutin présidentiel de 2007 ne disent pas un mot : ils ont été produits par ce système. Car à travers ce que l’on appelle les industries de programmes, c’est la relation politique elle-même qui est devenue un nouveau marché, et ce marketing confine aujourd’hui à la misère politique : au cours de la dernière décennie, l’appareil télécratique a développé un populisme industriel qui engendre à droite comme à gauche une politique pulsionnelle, et qui semble conduire inéluctablement au pire.
Ce devenir infernal n’est pourtant pas une fatalité. La philosophie se constitua à son origine même contre la sophistique : celle-ci, par une appropriation abusive de l’écriture, développait une gangrène qui menaçait de guerre civile la cité athénienne. De cette lutte contre les tendances démagogiques de la démocratie grecque résultèrent les formes de savoirs qui caractérisent l’Occident.
Prônant un nouveau modèle de civilisation industrielle, Bernard Stiegler affirme qu’un sursaut démocratique contre les abus de la télécratie est possible, et appelle l’opinion publique française et européenne à se mobiliser contre la dictature des audiences.
Emission "La bande à Bonnaud".
Un retour sur un an d'actualités politiques françaises et européennes sur Internet, avec le double regard de FDN (French Data Network, le fournisseur d'accès Internet français le plus ancien encore en activité) et de La Quadrature du Net.
Sujets abordé :
- Projet de loi contre le terrorisme
- Monopole d'Orange en fibre optique et aménagement du territoire
- Travaux de la Quadrature du Net
- Chiffrement des communications
- Sujets convergents entre associations
- Commissaires européens et neutralité du net
- Droit à l'oubli, censure et réécriture de l'histoire
Avec la numérisation totale qui installe la société automatique et l’automatisation intégrale et généralisée (c’est à dire la destruction de l’emploi dans tous les secteurs de l’économie), il y a désintégration des sociétés industrielles issues de l’Aufklärung par les sociétés hyperindustrielles parce que celle-ci constituent le troisième stade de la prolétarisation. Après la perte des savoir-faire au XIXe siècle, puis des savoir-vivre au XXe siècle, le temps vient au XXIe siècle de la perte des savoirs théoriques comme si la sidération était provoquée par un devenir absolument impensable.
La fin de l’emploi, qui est promise par l'automatisation intégrale, nécessite de généraliser le statut des intermittents du spectacle sous la forme d’un revenu contributif soutenant un vaste processus de déprolétarisation de la société. Cela permettra à tout un chacun de profiter des automates en ayant acquis des capacités de les désautomatiser, de produire de la néguentropie contre l’entropie qu’autrement ils généraliseraient - et en fin de compte, de réinventer le travail libéré de l'emploi.
Evocation des concepts de reprogrammation humaine, de guerre cognitive, de cybernétique, d'ingénierie sociale et des techniques de désinformations qui visent tous, in fine, au gouvernernement par le chaos.
Un voyage merveilleux dans la technoscience au service des projets d'asservissement de l'espèce humaine, en vue de la création du Nouvel Ordre Mondial.
L'émission est menée par Maurice Gendre.