Philosophe dont l'esprit s'est construit en dehors du parcours académique entre le PCF, le jazz, la littérature et la prison, Bernard Stiegler a produit une pensée qui nous éclaire et nous alerte.
Ses expériences de vie, ses épreuves et ses études lui font approcher la philosophie de façon tout à fait originale. S'inspirant de Joseph Schumpeter et Marx, ou encore Alfred Lotka et Rudolf Clausius, il analyse les mécanismes de ce qu'il nomme le pharmakon : la technique comme remède et comme poison, l'entropie et la destruction créatrice.
C'est dans le cadre d'expérimentations conrètes avec plusieurs institutions que Bernard Stiegler tente de restaurer la société de manière locale et collaborative. Plus que jamais, son désir est de prendre soin, de panser la société, notre environnement.
Une série d'émission conduite par Céline Loozen.
On l'appelle "corde du diable", "écharde du souvenir" ou "frontière brûlante" : comment le fil de fer barbelé, outil agricole ingénieux, est-il devenu cet outil politique, symbole universel de l'oppression ?
En évoquant le rôle décisif du barbelé dans trois des plus grandes catastrophes de la modernité -la conquête de l'Ouest et le génocide des Indiens d'Amérique, la boucherie de 14-18 et les exterminations nazies-, mais aussi en dressant une cartographie de ses usages actuels (propriétés privées, prisons, frontières "chaudes" du globe), Olivier Razac analyse, dans la lignée de Foucault, la violence croissante à l'œuvre dans la gestion politique des espaces et des populations.
Il révèle ainsi un principe paradoxal : le succès persistant du barbelé vient précisément de ce qu'il ne tient qu'à un fil -de son austérité et de sa simplicité. La plus grande violence n'est pas forcément impressionnante, bien au contraire : les meilleurs outils d'exercice du pouvoir sont ceux qui dépensent le moins d'énergie possible pour produire le plus d'effets de domination.
Le barbelé, lui-même "mur virtualisé", a ainsi ouvert la voie à des dispositifs de contrôle de plus en plus immatériels, dont la vidéosurveillance et le bracelet électronique sont les derniers avatars…
L'intelligence artificielle connaît son heure de gloire. Aux déboires des commencements ont succédé, au tournant du XXIe siècle, des avancées spectaculaires mais qui ne sont pas parfaitement comprises : l'intelligence artificielle reste en partie opaque. Pis : elle a beau progresser, la distance qui la sépare de son objectif proclamé -reproduire l'intelligence humaine- ne diminue pas.
Pour dissiper cette énigme, il faut en affronter une deuxième : celle de l'intelligence humaine. Celle-ci ne se réduit pas à la capacité de résoudre toute espèce de problème. Elle qualifie par un jugement la manière dont nous faisons face aux situations, quelles qu'elles soient, dans lesquelles nous sommes. L'intelligence est une notion irréductiblement normative, à l'image du jugement éthique ou esthétique, et c'est pourquoi elle est réputée insaisissable.
Un système artificiel "intelligent" connaît non pas les situations, mais seulement les problèmes que lui soumettent les agents humains. C'est sur ce point uniquement que l'intelligence artificielle peut nous épauler. De fait elle résout une variété toujours plus grande de problèmes pressants.
Ce devrait demeurer là son objectif, plutôt que celui, incohérent, de chercher à égaler, voire surpasser, l'intelligence humaine. L'humanité a besoin d'outils dociles, puissants et versatiles, et non de pseudo-personnes munies d'une forme inhumaine de cognition.
Alors que sommes embarqués dans la grande accélération, qui menace aujourd'hui l'existence de la population humaine globale, Pablo Jensen tente un parallèle entre les logiques des révolutions scientifique et industrielle, qui mettent en place des circuits longs pour, respectivement, expliquer ou métaboliser le monde. La grande accélération serait alors produite par la synergie entre sciences expérimentales et industrie, menant à la création de boucles de rétroaction positive stables permettant d'aspirer et contrôler le monde.
Dans un premier temps, c'est la logique des premières étapes de la révolution scientifique qui est analysée en les reliant à celles de la révolution industrielle, grâce notamment à l'idée de "Engine Science" (Caroll-Burke, 2001).
Ensuite, et de manière plus générale, on se demande ce qu'on gagne et ce qu'on perd lorsqu'on passe d'un circuit court à un circuit long : quand on fait un détour par un laboratoire ou un centre de calcul pour maîtriser un phénomène ou quand on bâtit une usine de production de masse au lieu d'engendrer ses ressources localement.
Finalement, la conclusion est consacrée à l'exploration de ce parallèle entre sciences et machines en s'interrogeant sur la nécessité de refonder les sciences expérimentales pour les rendre "Terrestres".
Depuis quelques années, le concept de smart city ou ville intelligente s'est fortement popularisé dans différentes sphères de la société et semble faire consensus dans le champ politique, autant à droite qu'à gauche. Mais que recouvre ce concept ? La smart city fait-elle réellement partie intégrante des solutions vers un avenir plus durable ?
Historien contemporain spécialiste de la pensée technocritique et des pollutions environnementales, François Jarrige s'intéresse particulièrement à l'idéologie du "progrès" qui tend à légitimer toutes les externalités négatives de notre modernité industrielle.
Il propose ici de revenir sur l'histoire de la smart city, ses enjeux économiques, sociaux et idéologiques.
Autrefois sources de nuisances locales circonscrites, les effets des activités humaines sur l'environnement se sont transformés en pollutions globales. Rendre compte de l'histoire des pollutions à l'échelle planétaire permet de ne pas sombrer dans la sidération ni dans le découragement face à un processus qui semble devenu inéluctable.
Car le grand mouvement de contamination du monde qui s'ouvre avec l'industrialisation est avant tout un fait social et politique, marqué par des cycles successifs, des rapports de force, des inerties, des transformations culturelles.
L'historien François Jarrige analyse les conflits et l'organisation des pouvoirs à l'âge industriel, mais aussi les dynamiques qui ont modelé la modernité capitaliste et ses imaginaires du progrès.
L'intelligence artificielle est un outil dont la puissance croît de manière exponentielle. Plusieurs experts, parmi lesquels Elon Musk, demandent l'arrêt du développement de l'intelligence artificielle, pensant sont développement hors de contrôle.
En quoi les applications concrètes de ce cerveau numérique vont-elles révolutionner nos modes de vie ? L'organisation du travail va-t-elle s'en trouver bouleversée ? La course à la puissance condamne-t-elle les nations à surenchérir dans le déploiement de solutions basées sur l'intelligence artificielle ?
Autant de questions que l'intellectuel Laurent Ozon, ancien homme politique et chef d'entreprise, aborde dans une perspective écologiste de souverainisme intégral.