La détection algorithmique des relations subtiles, évolutives en "temps réel" entre des données numériques disparates disponibles en quantité massive produit un tout nouveau type de modélisation, exploitable dans une multitude de domaines comme le marketing, la prévention des délits et des crimes, l'optimisation du déploiement des forces de l'ordre ou la détection anticipative des foyers épidémiques.
Ces nouvelles pratiques de détection, de classification et d'évaluation anticipative constituent de nouveaux modes de production du "savoir", de nouvelles modalités d'exercice du "pouvoir", et de nouveaux modes de "subjectivation", bref, une nouvelle gouvernementalité algorithmique, succédant, en quelque sorte, sans pour autant les remplacer complètement, aux régimes de pouvoir - souveraineté (droit de laisser vivre et de faire mourir), régime disciplinaire (réforme des psychismes individuels par intériorisation des normes, que les individus disciplines "incarnent" d'eux-même) et biopouvoir (droit de faire vivre ou de laisser mourir) - mis en lumière par Michel Foucault.
Le penseur inclassable qu'est Jacques Ellul nous laisse des réflexions qui éclairent la condition de l'homme moderne. Soumission à la technique, illusion politique, idéologie du progrès et du développement, subversion du christianisme : autant de thèmes qu'il aborde ici et qui laissent deviner la figure d'un Homme divisé à laquelle il oppose la figure de l'Homme entier.
Une parole forte qui résonne encore aujourd'hui.
Face à une convergence de crises écologiques, géopolitiques et culturelles, Laurent Ozon présente une analyse puissante de la nécessité impérieuse pour la France de repenser ses stratégies de coopération et de survie, en misant sur l'écologie profonde et le localisme. C'est à partir de ses diverses expériences en tant que pompier militaire, entrepreneur et penseur écologique qu'il dénonce les méthodes de gestion politique exacerbant le stress sociétal, éloignant l'humanité de ses racines naturelles et de sa capacité à innover de manière organique.
Partant d'une critique de l'uniformisation culturelle provoquée par des siècles de centralisation et de politiques d'assimilation, Laurent Ozon explique que face à la globalisation et à ses impacts homogénéisants, la sauvegarde des cultures locales devient un acte de résistance essentiel.
Un entretien crucial pour ceux qui cherchent à comprendre les enjeux de notre époque et à participer activement à la redéfinition de notre futur collectif.
- 0'00'00 : Introduction
- 0'01'01 : Critique de la politique actuelle
- 0'13'16 : Le stress vital et l'adaptation humaine
- 0'21'52 : L'homme augmenté et la technique
- 0'22'37 : La dépendance humaine aux prothèses
- 0'26'01 : Débats sur l'accélération technologique
- 0'32'00 : L'importance de l'intuition et de la culture
- 0'39'01 : Civilisation des Lumières et culture
- 0'44'10 : La collaboration face aux défis
- 0'45'02 : L'histoire de la nation française
- 0'47'30 : La destruction de la diversité culturelle
- 0'54'01 : Les enjeux actuels de la France et de l'Europe
- 1'05'56 : La coopération vs la nuisance réciproque
- 1'07'00 : Rôle de la culture et de l'histoire
- 1'10'02 : Localisme et responsabilité sociale
- 1'15'01 : Conservation et apprentissage du passé
- 1'18'18 : Économie et fiscalité
- 1'23'00 : Immigration et coopération sociale
- 1'27'33 : Coopération et civisme
- 1'30'05 : Remigration et développement
- 1'36'01 : Défis démographiques
- 1'39'43 : La guerre et ses conséquences
- 1'49'00 : Critique des élites
- 1'50'00 : Impact de l'immigration
- 1'51'14 : Conflit de civilisations
- 1'53'00 : Vision politique
Une émission menée par Nicolas Stoquer.
Les problèmes se multiplient à tous les degrés du système d’éducation : est-ce un hasard ? Cela révèle plutôt ce que Hannah Arendt aurait appelé une "crise de l'éduction".
La pensée du sociologue et philosophe québécois Michel Freitag nous permet de situer cette crise dans le contexte plus large d'une mutation des sociétés postmodernes et de la globalisation capitaliste. Surtout, elle nous permet de réfléchir à nouveaux frais à ce que devraient être les finalités et la nature de nos institutions d'enseignement pour la suite du monde.
Les Calanques, c'est fini. Du moins en saison, pour les téméraires qui, par une inspiration spontanée, auraient aimé se rendre à Sugiton. Durant l’été, il fallait cette année se munir d'un sésame digital (le QR Code) décroché en suivant des procédures numériques, afin d'accéder à la nature. En 2023, l'expérimentation sera pérennisée sur une période plus longue, selon l'administration du Parc, mettant à profit ses partenariats avec les start up marseillaises de la "French Tech". C'était inéluctable. Dans l'histoire des technologies, rares sont les moments où le provisoire ne s'est pas mué en permanent. Mais l'on s'habitue à tout. Et puis, "si c'est pour protéger", c'est une bonne idée, disent nombre de randonneurs. Notamment ceux qui, alléchés par la carte postale et l' "attractivité" de notre territoire, ont pris le TGV pour "descendre" à Marseille.
Oui, les habitudes ont été vite prises, qui font bon marché de la spontanéité et de l'aléa, tant que des dispositifs technologiques permettent d'assurer la "protection" et de neutraliser ces irresponsables qui, par leur licence, mettent en péril l'intérêt général. Tel est l'un des argumentaires qui ont déchiré notre société pendant les deux dernières années, d'autant plus à partir de l'obligation vaccinale (dans certaines professions pour sûr, et par défaut afin, pour chacun, de ne pas voir son rayon d'action réduit à presque rien).
En ce sens, nous ne serons jamais quittes du Covid-19. Le prétendu "retour à la normale" peine à masquer le basculement dont la pandémie a été l’occasion : l'emballement de la société de contrainte. Laquelle ne se limite pas au contrôle ou à la surveillance, mais constitue un système de pilotage automatisé enserrant l'individu de telle sorte qu'il ne puisse que réagir, après coup, au fait accompli technologique. Demandez, pour des exemples ordinaires, aux usagers de la SNCF et de la Poste confrontés à la fermeture des guichets ou des bureaux, aux patients sommés de réserver leur "rendez-vous" médical par Doctolib, ou à tous ceux qui n'ont pas su comment s'opposer à la constitution de leur Espace Numérique de Santé.
Avant de penser, nous arpentons le monde vécu, théâtre de nos expériences familières. Le particulier d'abord, le général ensuite. Chacun peut enquêter là où il vit, autour de ce à quoi il tient, pour élucider en définitive la trajectoire globale de notre société. Ainsi, pour les amoureux de la nature et de la liberté, ce qui se révèle à travers l'accès machinal aux Calanques, c’est la logique du techno-capitalisme pour laquelle rien ne doit excéder la procédure autorisée. Cette logique s'oriente vers un état que certains bons esprits avaient pressenti dès avant la Seconde Guerre mondiale : le monde fini. C’est-à-dire achevé, totalement administré, semblable à une cage d'acier où nous autres, animaux imprévisibles, fonctionnerions comme des rouages. Chacun tournant à vide dans une aire délimitée, en échange de la sécurité du dispositif.
On n'en est pas là, diront les optimistes d'un ton railleur. Mais si nous avions interrogé les promeneurs calanquais il y a trois ou quatre ans, peut-être se seraient-ils récrié contre une atteinte insupportable à leur liberté. Se pourrait-il, une pandémie plus tard, que la liberté pèse trop lourd à beaucoup ? Dans un monde entraîné par la fuite en avant, on n'en est bientôt plus là.
S'ils devaient revenir parmi nous, les philosophes qui, à travers l’histoire, ont soutenu que l'homme est né libre et jaloux de sa "franchise", s'expliqueraient sans doute avec peine le moment malencontreux que nous traversons. Ils ne laisseraient pas de s’étonner que, sous les cryptogrammes des QR Codes, le goût de la liberté soit devenu obsolète. C'est à le sauver de l'oubli que la réflexion de Renaud Garcia est consacrée.
Qu'ont en commun une chaudière, une voiture, un panneau de signalétique, un smartphone, une cathédrale, une œuvre d'art, un satellite, un lave-linge, un pont, une horloge, un serveur informatique, le corps d'un illustre homme d'État, un tracteur ? Presque rien, si ce n'est qu'aucune de ces choses, petite ou grande, précieuse ou banale, ne perdure sans une forme d'entretien. Tout objet s'use, se dégrade, finit par se casser, voire par disparaître.
Pour autant, mesure-t-on bien l'importance de la maintenance ? Contrepoint de l'obsession contemporaine pour l'innovation, moins spectaculaire que l'acte singulier de la réparation, cet art délicat de faire durer les choses n'est que très rarement porté à notre attention.
Le travail de David Pontille et Jérôme Denis est une invitation à décentrer le regard en mettant au premier plan la maintenance et celles et ceux qui l'accomplissent. Ils décrivent les subtilités du "soin des choses" pour en souligner les enjeux éthiques et la portée politique. Parce que s'y cultive une attention sensible à la fragilité et que s'y invente au jour le jour une diplomatie matérielle qui résiste au rythme effréné de l'obsolescence programmée et de la surconsommation, la maintenance dessine les contours d'un monde à l'écart des prétentions de la toute-puissance des humains et de l'autonomie technologique. Un monde où se déploient des formes d'attachement aux choses bien moins triviales que l'on pourrait l'imaginer.
Pour le sens commun, le progrès technique est indiscutable : ses bienfaits s'étendent à tous les domaines et ne font pas question. Pourtant, depuis au moins deux siècles, l'accélération, la sophistication et la généralisation des techniques se sont accompagnées de fortes critiques décrivant une dépossession croissante de l'existence par une innovation technologique que plus personne ne contrôle. Elle prétend régler les problèmes qu'elle a elle-même provoqués, nous entraînant dans un emballement qui semble sans limite et dont la face obscure et grandissante est déniée, accusant toute interrogation d'arriération et d'obscurantisme.
C'est en philosophe de la technique que Daniel Cérézuelle, dans la lignée des penseurs technocritiques comme Jaques Ellul ou Bernard Charbonneau, produit des travaux cherchant à cerner cette idéologie omniprésente qui voudrait faire croire que l'histoire des sociétés obéit à un "développement" sur lequel les humains n'auraient aucune prise.
Qu'est-ce que l'ectogenèse ? Les questions à son propos, d'ordres technologique, médical et sociétal, sont multiples : où en sommes-nous de la procréation artificielle, intégralement réalisée en laboratoire ? Assistons-nous à une "révolution anthropologique", à une rupture civilisationnelle avec la démocratisation de telles pratiques de procréation ? Quel est le lien entre logique industrielle de la bio-économie et acceptation sociale de ces pratiques scientifiques ?
Des questions auxquelles tentent de répondre René Frydman, gynécologue obstétricien et Céline Lafontaine, sociologue.
Émission "Le Meilleur des mondes", animée par François Saltiel.