Qu'est ce que l'intelligence artificielle et en quoi se distingue-t-elle de l'intelligence humaine ? Peut-on refuser de vivre avec les derniers outils technologiques à la mode ? Et comment alors comprendre les enjeux de la société numérique en vivant dans le passé ?
Alain Finkielkraut tente de répondre à ces questions avec Laurent Alexandre, essayiste et chirurgien, et Olivier Rey, mathématicien et philosophe.
Paul Yonnet est mort le 19 août 2011. Il avait 62 ans. Son dernier livre Zone de mort qui relate l'épreuve ultime, vient de paraître aux éditions Stock.
Pour contribuer à faire connaître cet essayiste et sociologue atypique engagé dans le mouvement contestataire de mai 68, auteur notamment de Jeux, modes et masses et Voyage au centre du malaise français. L'antiracisme et le roman national, Alain Finkielkraut invite Jean-Pierre Le Goff et Philippe Raynaud qui retracent son itinéraire singulier au sein des sciences sociales françaises.
Le vingtième siècle aura été le siècle de la démesure. La démesure de la politique, la démesure de l'homme, ensuite, la démesure du monde et de sa représentation dans l'art, enfin.
Nietzsche avait clairement établi le diagnostic : "La mesure nous est étrangère, reconnaissons-le; notre démangeaison, c'est justement la démangeaison de l'infini, de l'immense." Le sens de la démesure semble être une fatalité...
Au travers de la tentation de la raison d'abolir toute limite, de remettre en cause la finitude humaine, la démesure témoigne du tragique de notre condition.
"Il y a quelques jours on fêtait les cinquante ans de la sortie du disque des Beatles Sergeant pepper lonely heart club band. J'ai pris conscience brusquement que j'étais jeune il y a un demi siècle. Et l'anniversaire de Mai 68 qui se prépare me laissera le même goût amer. Je fais partie des anciens combattants d'une guerre heureusement imaginaire. Cette mélancolie doit être partagée par tous les baby boomers. Notre génération en effet se reconnaît à un grand évènement fondateur et à une bande-son aisément identifiable.
En va-t-il de même pour ceux qui ont entre 18 et 30 ans ? Voilà ce que je voudrais demander à mes deux invités. Qu'en est-il de la nouvelle génération ? A-t-elle une identité propre ? Peut-elle se prévaloir d'un fait marquant, d'un moment de cristallisation, d'une ferveur ou d'une panique constitutive ? Ou bien vivons-nous l'âge d'une jeunesse éclatée entre visions du monde antagonistes et références contradictoires ?" Alain Finkielkraut
Baudelaire écrivait en 1855 : "Le monde va finir. Nouvel exemple et nouvelles victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons cru vivre. La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle que rien, parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou antinaturelles des utopistes ne pourra être comparé à ces résultats positifs." Le poète avait-il vu juste ?
De l'anglicisation du langage à la disparition de la poésie en passant par l'avènement du smartphone et l'arrivée du parler start-up au sommet de l'Etat, Alain Finkielkraut évoque ce que l'Amérique a fait de nous avec Régis Debray et Philippe Roger.
En 1891, Anatole France s'interrogeait sur le pessimisme qu'il percevait chez ses contemporains : "Pourquoi sommes-nous tristes ?" demandait-il.
Plus d'un siècle après, l'historien Christophe Charle et le professeur de sciences politiques Laurent Jeanpierre remettent cette question à l'honneur dans la conclusion du grand ouvrage collectif qu'ils ont dirigé sur La vie intellectuelle en France (Seuil) : "il n'est pas besoin d'aller très loin, écrivent-ils, pour retrouver des interrogations similaires sur la dépression française."
Avec, comme invités, Christophe Charle -justement- et André Perrin qui, après avoir enseigné la philosophie a été inspecteur d'académie et qui publie Scènes de la vie intellectuelle en France : l'intimidation contre le débat (L'Artilleur), Alain Finkielkraut a voulu en avoir le coeur net.
Comment vont les intellectuels ? Sont-ils déprimés ? Sont-ils unis par ce commun état d'âme ? Est-ce la tristesse qui caractérise leurs réflexions et qui imprègne leurs échanges ?
Sans discours ni trompettes, les ennemis de la République ont pris le pouvoir dans la société.
Au premier rang, l'Argent et l'Image. Leur alliance a remplacé celle du Trône et de l'Autel. Aggravant l'opulence par la notoriété, redoublant l'inégalité des revenus par celle de la considération publique, elle s'attaque aux fondements de l'orgueil républicain : le désintéressement et l'anonymat, qui subordonnent appétits et vanités à l'intérêt général.
La République n'est pas un régime politique parmi d'autres. C'est un idéal et un combat. Elle requiert non seulement des lois mais une foi, non seulement des services sociaux mais des institutions distinctes dont la première de toutes est l'Ecole, non seulement des usagers ou des consommateurs mais des citoyens... Et quand le ressort se casse, la chose publique bringuebale.
Le plaidoyer de Régis Debray se voudrait à la fois histoire d'un relâchement et appel au ressaisissement. Alain Finkielkraut lui donne la réplique.