Le surgissement de la conscience radicale du prolétariat a une histoire. Et nous devons l'étudier pour comprendre la dynamique de la lutte des classes et déceler dans le mouvement des Gilets Jaunes la ré-émergence d'une volonté claire et combattive visant à l'abolition de l'exploitation marchande et étatique.
La crise économique fait rage et l’on parle de plus en plus du retour de la lutte des classes. Celle-ci n'est pas seulement le conflit entre les classes propriétaires et le travail dépendant. C'est également "l'exploitation d'une nation par une autre", comme le dénonçait Marx. C'est aussi l'oppression "du sexe féminin par le masculin" comme l'écrivait Engels. Nous sommes donc en présence de trois formes différentes de lutte des classes, appelées à modifier radicalement la division du travail et les rapports d'exploitation et d'oppression.
La lutte des classes s'avère aujourd'hui plus vitale que jamais, à condition qu'elle ne devienne pas un populisme facile qui réduit tout entre humbles et puissants, ignorant la multiplicité des formes du conflit social.
Le XVIIIe siècle est marqué dans une large partie de l'Europe occidentale par l'enrichissement et la montée en puissance de la bourgeoisie, et le début d'un processus de mutation dans le mode de production qui va amener à la première révolution industrielle. En France, la bourgeoisie développe à certains endroits une production manufacturière et de nouvelles formes de travail mais se heurte aux structures socio-économiques de l'Ancien Régime reposant essentiellement sur la réglementation, et à la noblesse, ordre privilégiée et classe dominante de la société. Celle-ci voit ses revenus baisser face à la montée des prix, mais surtout ne réinvestit pas ou très peu sa richesse issue essentiellement de l’exploitation de la terre. Afin de conserver son prestige lié à son rang, elle se réfugie dans une attitude réactionnaire. Refusant tout changement, notamment les projets de réformes fiscales mais vains de la monarchie, elle exaspère le conflit de classe avec la bourgeoisie qui espère des réformes : égalité juridique, libertés individuelles, système politique fondé sur la séparation des pouvoirs, libertés économiques et unification du marché national. Par ailleurs, la noblesse s'attire de plus en plus dans les campagnes l'hostilité des paysans, nombreux à voir leurs conditions de vie se dégrader et qui espèrent la fin du système seigneurial.
Aux tensions entre bourgeois et nobles, entre nobles et paysans, mais aussi entre bourgeois et travailleurs dans les quelques pôles manufacturiers existants, se greffe une crise économique généralisée. Les mauvaises récoltes en 1787-1788 entraînent une forte montée des prix qui fragilise les conditions d'existence des travailleurs. Leurs revenus en grande partie accaparés par l'achat de denrées alimentaires, ne leur permettent plus d'acheter des produits manufacturés, la crise touche alors le secteur industriel naissant, ce qui entraîne un chômage important. Cette situation engendre un climat d'émeutes généralisé dans toute la France, au moment où la monarchie, en proie à une grave crise de surendettement, propose une solution ultime afin de résoudre celle-ci : la convocation des Etats Généraux. Cette réunion qui débute le 5 mai 1789 ne satisfait aucunement le désir de réformes des députés bourgeois. Disposant seulement de l'appui des travailleurs urbains et ruraux, tout autant opposés à la noblesse, ils réussissent le 17 juin 1789 un coup de force en se proclamant Assemblée nationale.
La monarchie se révèle impuissante à réprimer le processus révolutionnaire en marche. La bourgeoisie proclame que ses intérêts sont universels, notamment par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (août 1789), et s'empare dans tout le pays des pouvoirs locaux. Dans le même temps, en organisant une force armée, la Garde nationale, et par la loi martiale qui permet de réprimer toute réunion en place publique, elle tente de contenir les luttes des travailleurs qui aspirent à de meilleures conditions de vie. Dans les campagnes, dès l'été 1789, les paysans veulent en finir avec l'exploitation et le pouvoir des seigneurs nobles qui durent depuis des siècles et incendient les châteaux. La question de l'accès aux subsistances, dans une situation économique difficile, devient encore plus pressante et contribue à amplifier les luttes par des actions de taxation sur les denrées de première nécessité, des pillages et des grèves pour obtenir des augmentations de salaire.
Les faits montrent comment les travailleurs urbains et ruraux ont mené des luttes autonomes pour un monde meilleur dépassant ainsi le contenu bourgeois de la Révolution, et forgeant des expériences pour les combats à venir. Cette approche de la période révolutionnaire française entend rappeler que la lutte des classes n'est pas un concept construit de toute pièce. Aujourd'hui, face aux ravages du capitalisme, qui puise ses racines dans ce moment-charnière que constitue la fin du XVIIIe siècle, les prolétaires d'ici et d'ailleurs ne peuvent rien attendre d'un réformisme qui n'en finit pas de nous resservir les mêmes recettes miracles pour "humaniser" ce système.
Constatant chaque jour un peu plus la dérive de notre société vers un totalitarisme orwellien, Jean-Michel Vernochet, Pierre Hillard, Youssef Hindi, et Hervé Ryssen nous dressent le portrait de ce que fut réellement la révolution bolchevique, afin de nous aider à réfléchir à la question cruciale : ce cauchemar est-il notre avenir ?
Pour ce 87e numéro de "L’Heure la plus sombre", Vincent Lapierre reçoit Francis Cousin afin d’analyser le film Le Jeune Karl Marx réalisé par Raoul Peck.
00'00 : Introduction
01'08 : Marx connu et méconnu
05'23 : Aborder Marx
11'20 : Premières impressions sur le film
15'04 : La radicalité de Marx
24'00 : L’opposition Marx/Proudhon
30'00 : La relation entre Engels et Marx
36'22 : Marx et Engels dans l'auto-mouvement historique
43'15 : Marx gauchisé
47'50 : Connaître le vrai Marx
Il est toujours très stimulant de discuter avec Francis Cousin ! Indépendamment de la validité de certaines de ses positions et analyses, l'homme est objectivement impressionnant au niveau de l'énergie intellectuelle déployée : on ne s'ennuie jamais !
Contenu détaillé de l'entretien :
0'00'00 : Un entretien communiste et non marxien / Critique de la démocratie / Les élections présidentielles françaises / Libre-échange et protectionnisme / Critique du Front National / Macron et la banque Rothschild / La classe politique française / Critique de l’antifascisme / Critique de la social-démocratie / Critique du parti "communiste" français / Critique de la gauche du Capital / Le terrorisme comme phénomène capitaliste et étatique / La 8eme section du livre I du Capital / Le capitalisme comme révolution agricole / Critique de Trotski / Terrorisme et Communisme / Eugène Varlin contre le blanquisme / L'importance de la baisse tendancielle du taux de profit / Sanguinetti : du terrorisme et de l’État / Retour sur l’œuvre de Guy Debord / La place du situationnisme dans l'histoire de la pensée critique / Critique de la société de l'indistinction / Le travail de Francis Cousin
0:51:00 : Questionnement sur les derniers attentats / Critique des vérités officielles / Le monde de la réalité renversée / L'importance du chapitre inédit : domination réelle et domination formelle du Capital / L'œuvre critique de Marx et sa profonde cohérence / L'inachèvement de l'œuvre de Marx / La disparition de la politique / Histoire de la philosophie : des présocratiques jusqu'à Kant / Hegel / La falsification léniniste de Marx / Marx contre Lénine / Marx critique du marxisme / L'importance de la Critique du programme de Gotha / Marx contre le capitalisme d’État / Marx critique du bolchevisme / La révolte de Kronstadt / La phase de transition / La falsification du concept de dictature du prolétariat / Critique de l’État / Les différentes phases du communisme / La révolution et l'auto-émancipation prolétarienne universelle / Critique de Proudhon / Critique du survivalisme / Mai 68 / Perspectives sur la crise terminale / Critique du narcissisme contemporain / L'autonomie de la pensée et le déterminisme historique / Héraclite
1'34'00 : Le détournement situationniste comme pratique de l'anti-idéologie / Le vrai comme moment du faux / L'importance de la distinction entre domination formelle et domination réelle / Dépasser dialectiquement Debord avec Marx / L'importance de la baisse tendancielle du taux de profit / L'importance de Hegel / Apparence, Essence et Concept / La méthode dialectique hégélienne / Travail vivant et travail mort / Valorisation et dévalorisation / Smith et Ricardo / La plus-value en domination formelle et réelle / La saturation des marchés / Révolution prolétarienne ou 3eme guerre mondiale ? / Commentaires sur l'extrême radicalité des temps derniers / Le déterminisme historique / Bordiga / Critique de la science / Les présocratiques / Critique de Heidegger / Jacques Ellul / Bernanos / René Guenon / Critique de l'Université / Spinoza dans l'histoire de la philosophie / Spinoza vs Descartes / Spinoza et Hegel / Bordiga et le déterminisme historique / Éros et Thanatos / Freud / Castoriadis / Critique de Clouscard / Sade / Critique de la pathologie du pouvoir / Mai 68 / Les réseaux pédocriminels / L'affaire Pizzagate : la marchandisation des enfants / Maximilien Rubel et la question des traductions de Marx / Pierre Clastres et la chronique des Indiens Guayaki
Conclusion : la merde de l'économie politique et l'abolition de la société spectaculaire-marchande.
Alors que les luttes sociales reprennent de plus belle (Nuit Debout, lutte contre la loi travail), le militant Léon de Mattis nous en propose une interprétation en lien avec des mouvements passés (Mai 68, mouvement des chômeurs de 1998, mouvement anti-CPE de 2006, mouvement anti-réforme des retraites de 2010), complétée d'une analyse des changements structurels du capitalisme depuis 40 ans et ses effets sur "l’identité ouvrière".
Dans une deuxième partie, la communisation comme théorie et comme pratique nous est présentée en tant qu'actualisation de la pensée révolutionnaire, avec un exposé des "mesures communistes".
Émission "Sortir du capitalisme", animée par Armel Campagne.