C'est s'appuyant sur la pensée du philosophe René Girard que Benoît Girard, son petit-neveu, nous livre une réflexion sur le retour du tragique dans notre histoire.
Il s'agit d'ailleurs d'affirmer une "tragique espérance" qui se définit comme "tragique" précisément parce qu'elle sait que toute culture et toute philosophie résultent de la distinction d'un "nous" et d'un "eux", d'un "dedans" et d'un "dehors", mais que, pour des raisons qu'il convient d'élucider, cette opération première de la civilisation s'est retournée contre elle-même et ne produit plus, sous les apparences de son affirmation "identitaire" comme de sa négation "déconstructrice", qu'un impressionnant retour à la barbarie.
Contre toutes les mythologies dont nous vivons la résurrection désordonnée et carnavalesque, Benoît Girard cherche à présenter les différents récits que notre société a sécrétées et dont peut seule nous émanciper la volonté héroïque de ne pas "choisir".
Georges Sorel est un des penseurs politiques français les plus curieux, les plus inclassables et, ce faisant, les plus surprenants. Tout à tour conservateur, socialiste, nationaliste ou encore bolchévique, Sorel est tout cela à la fois, et aucune de ces étiquettes ne lui convient néanmoins tout à fait.
Un tel personnage méritait donc qu’on s'intéressât à nouveau à lui afin d'apporter un regard neuf sur son œuvre. C'est justement ce qu'a tenté de faire Rodolphe Cart dans son livre Georges Sorel, le révolutionnaire conservateur, qui examine en détails la vie et la pensée de Sorel ainsi que l'apport de ce dernier au combat politique de notre temps.
À l'occasion de sa première intervention télévisée, le Premier ministre Jean Castex s'est défini comme un "gaulliste social". Si cette expression a été remise au goût du jour par le chef du gouvernement le 3 juillet 2020, elle est pourtant loin d'être nouvelle. Apparu il y a un petit moins d'un siècle, le gaullisme social est en quelque sorte le yin et le yang de la politique : il est l'équilibre parfait entre l'héritage historique de la droite du général Charles de Gaulle et l'esprit politique et philosophique de la gauche.
Certes, le gaullisme – devenu une valeur-refuge de la vie politique française – incarne aujourd'hui encore le dépassement des clivages, unifiant la gauche et la droite autour d'une certaine vision du pays. Mais l'histoire et la vie politique de ce mouvement nous encouragent à le positionner à droite sur l'échiquier politique, alors même qu'une part non négligeable de ses thèses sont inspirées par le catholicisme social et l'héritage de la gauche.
A l'origine, le " gaullisme social " rassemblait les Français convaincus que seules les institutions de la Cinquième République permettraient la réalisation des objectifs de la gauche ; il réunissait les défenseurs d'une tendance humaniste, ouvrière et sociale au sein de la droite française. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Quel héritage ce mouvement a-t-il laissé dans les mandats qui ont suivi ceux du Général ? Quelles conséquences a-t-il eues sur le paysage politique français, et les acquis sociaux ?
Loin des clichés et d'une vision manichéenne de la politique française qui veut que la droite et la gauche ne se mêlent en aucun cas, Pierre Manenti brosse le portrait d'un courant méconnu de la vie politique française.
Émission du "Libre journal de la France libre", animée par Henri Fouquereau.
Le livre de Pierre Madelin Faut-il en finir avec la civilisation ? (Ecosociété) propose une analyse des courants de pensée "primitivistes" et hostiles à l'idée de "civilisation". Ce courant soutient l'idée que le désastre écologique global trouverait sa source au néolithique, lorsque les humains renoncent au mode de vie chasseur-cueilleur et mettent en place la domestication. Cette rupture serait à l'origine de la domination sous toute ses formes ; la domestication étant ainsi conçue comme la matrice de toutes les dominations.
Bien que ces sensibilités à proprement parler soient très peu répandues, on en retrouve certaines idées chez des auteurs tels que Yuval Noah Harari ou Jared Diamond, ainsi qu'au sein de mouvements écologistes, anarchistes et féministes, qui interrogent l'origine de la violence et de la domination, et l'imbrication entre la domination de la nature et les hiérarchies sociales (de classe, de genre et de race).
Pierre Madelin entreprend ainsi de démêler les faits et les mystifications quant aux sociétés de chasseurs-cueilleurs. Car, si elles n'étaient pas structurées autour de l'État ou de la productivité capitaliste, elles furent en réalité bien loin de sociétés idéales faites d'égalité, de non-violence et d'harmonie.
Dans la deuxième partie, il revient également sur son article consacré à l'écofascisme, pour tenter d'en donner des définitions, et en comprendre les origines idéologiques et les dangers.
Professeur de philosophie politique, Barbara Stiegler est spécialiste du rapport entre la politique et la biologie. Elle s'est particulièrement intéressée aux origines du néolibéralisme, portées notamment par une injonction à l'adaptation elle-même issue du lexique biologique de l'évolution.
Elle revient ici sur ce qui caractérise notre régime politique et en tire les conséquences pour ce qu'il est convenu de désigner comme "démocratie" : dans un monde néolibéral, le pouvoir (la souveraineté) ne peut pas appartenir au peuple. En ce sens, l'ère d'Emmanuel Macron se présente comme une forme archétypale de ce régime à bout de souffle entraînant une contestation plus que logique.
Le conflit en Ukraine illustre la faillite diplomatique du camp occidental, et tout particulièrement de la France d'Emmanuel Macron.
L'étiolement progressif de notre souveraineté explique cet état de fait, comme le montre Romain Bessonnet, secrétaire général du Cercle Aristote et spécialiste de la Russie et de l'espace post-soviétique.
En Allemagne, on est soit pour Jürgen Habermas ou soit pour Peter Sloterdijk, deux philosophes qui se partagent le devant de la scène intellectuelle allemande. Le premier développe une théorie de la démocratie, le second est beaucoup plus provocateur et beaucoup plus nietzschéen. Peter Sloterdijk, philosophe et essayiste, offre, à 71 ans, un regard acerbe sur l'actualité européenne.
Dans son dernier ouvrage Réflexes Primitifs, contre le cynisme généralisé, il livre une analyse singulière du moment politique européen actuel et une forme de retour d'expérience sur ses années d'observation de la politique allemande et européenne.
Peter Sloterdijk propose une lecture de l'histoire politique européenne dans le temps long. Il n'hésite pas à faire démarrer une partie de son analyse durant la Grèce antique et met en perspective évènements contemporains et histoire longue. C'est en cela qu'il se démarque de nombreux intellectuels. Pour Peter Sloterdijk, les évènements politiques sont toujours le fruit du passé et du présent : les peuples sont héritiers de leur histoire mais également responsables de leur futur.
La nature est un âpre "champ de bataille", où les classes sociales s'affrontent comme ailleurs, pour la bonne raison qu'elles n'y ont pas du tout les mêmes intérêts.
Les désastres environnementaux peuvent donner l'impression qu'il frappent aveuglément (c'est vrai) ; il n'en est pas moins vrai qu'il y a ceux qui trinquent et ceux qui profitent. Le côté qui profite est bien sûr celui du capitalisme. Car s'il est exposé au péril de sa propre destruction lorsqu'il aura épuisé toutes les ressources qu'il a déjà copieusement exploitées, sa spectaculaire résilience l'a déjà conduit à tirer de juteux revenus du risque environnemental : sur les marchés de titres circulent depuis des années des "dérivés climatiques" et autres "obligations catastrophes" qui offrent aux investisseurs de très rentables opportunités spéculatives.
L'incurie de la puissance publique, soigneusement organisée par la doctrine néolibérale qui a conduit l'Etat à confier aux marchés les responsabilités auxquelles il préférait renoncer, a ainsi ouvert au capital un vaste terrain de jeu, et a fait de la crise écologique une formidable opportunité financière.
Aussi faut-il aborder l'écologie en marxiste ; c'est la tâche à laquelle se livre Razmig Keucheyan dont les travaux documentent avec un soin méthodique trois aspects des conflits en cours : l'inégalité sociale devant le risque environnemental, la financiarisation de la nature, et la militarisation de l'écologie. Il vient rouvrir une source de réflexion que les théoriciens contemporains seraient avisés d'explorer à sa suite, s'ils veulent élaborer des propositions susceptibles de bâtir un autre avenir que celui que nous prépare le capital...
Cet autre avenir, selon Keucheyan, passe par une exigence démocratique considérablement accrue : c'est aux citoyens de s'emparer de la problématique environnementale, à tous les niveaux où le pouvoir doit leur être rendu. L'écologie, on ne le répétera jamais assez, est d'abord un problème politique.