Arno Münster se penche sur la critique du progrès selon Walter Benjamin, la riposte d'Ernst Bloch et les apports de Günter Anders.
Il soutient la thèse que dans la philosophie du XXe siècle, le catastrophisme éclairé a remplacé la pensée progressiste traditionnelle et que l'émergence du mouvement écologique a renforcé le scepticisme par rapport au progrès. Cette évolution a eu des effets négatifs sur tous les partis qui s'engagent dans une politique d'émancipation, notamment en ce qui concerne le progrès social.
Une conférence prononcée dans le cadre du salon du livre "Les idées mènent le monde".
Alexandre Fernon, traducteur du livre d'Edward Palmer Thompson dont le sous-titre est Contre Althusser et le marxisme anti-humaniste, vient nous parler de cet ouvrage polémique et du penseur à qui il s'oppose, penseur qui a joué un grand rôle dans la formation des intellectuels critiques français qui sont aujourd’hui en vogue : Louis Althusser. Dans les années 1960 et 1970, ce philosophe marxiste, figure de proue du structuralisme, membre du Parti communiste mais adulé par les étudiants maoïstes, est considéré comme une référence par Alain Badiou, Jacques Rancière, Étienne Balibar, Manuel Castells ou Nicos Poulantzas.
Et c'est dans ce livre énergique et drôle, écrit en 1978, que l’historien britannique E. P. Thompson ridiculise la prétention des althussériens à hisser le marxisme au rang de science, le caractère réductionniste et mécanique de leur approche de l’histoire ou de la société, ainsi que le parfum de stalinisme qui entoure leurs positions. Pour lui, ce marxisme académique n’est rien d’autre que l’opium d’une bourgeoisie intellectuelle venue s’encanailler à l’extrême gauche.
En contrepoint, E. P. Thompson propose sa propre conception du marxisme nourrie de sa pratique d’historien, qui se fonde sur un dialogue avec les faits et accorde une place centrale à la capacité des hommes et femmes à faire leur propre histoire. Partisan de ce qu’il appelle un "communisme libertaire", il en appelle à relever le drapeau de l’humanisme pour élaborer une critique du capitalisme qui rejoigne les valeurs morales des classes populaires.
Baudelaire écrivait en 1855 : "Le monde va finir. Nouvel exemple et nouvelles victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons cru vivre. La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle que rien, parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou antinaturelles des utopistes ne pourra être comparé à ces résultats positifs." Le poète avait-il vu juste ?
De l'anglicisation du langage à la disparition de la poésie en passant par l'avènement du smartphone et l'arrivée du parler start-up au sommet de l'Etat, Alain Finkielkraut évoque ce que l'Amérique a fait de nous avec Régis Debray et Philippe Roger.
Héros préférés des Français, Napoléon Bonaparte et Charles de Gaulle incarnent la figure du sauveur. Si beaucoup les sépare, à commencer par le siècle où ils vécurent, ils ont en commun d'avoir élevé notre patrie au-dessus d'elle-même, dans une quête de la grandeur nourrie d'une certaine idée de sa mission et de sa vocation à éclairer le monde.
Dans cette conférence, Patrice Gueniffey croise leur existence et interroge leur destin, ouvrant des pistes fécondes sur leur personnalité et leur œuvre.
A travers les métamorphoses de leurs mémoires, il ausculte enfin la France, celle d'hier et surtout d'aujourd'hui, hantée comme jamais par son histoire dans l'espoir de répondre à ses doutes et exorciser son malheur.
Nous manquons d’une étude d’ensemble sur l’appropriation par Marx de la pensée de Spinoza.
Une double approche serait nécessaire : philologique et philosophique. La première recenserait les occurrences explicités de Spinoza dans le recherche en devenir de Marx et évaluerait leur portée ; la seconde interpréterait la présence implicite à l’état pratique la pensée spinozienne dans les problématiques marxiennes, par-delà les thèses générales concernant l’immanence, le matérialisme, la causalité, la critique de la métaphysique et de la théologie, l’anthropologie des affects et l’émancipation.
Engels est présent en contrepoint avec sa recherche du "dialectique" dans la nature.
Il est de fait que la référence à Spinoza est effective dans les marxismes de la Seconde Internationale (le russe Georgi Plekhanov et la conception matérialiste moniste de l’histoire, proche d’Engels, l’italien Antonio Labriola et l’immanence des pratiques, qui suit la voie non engelsienne d’une philosophie "travailliste" de la praxis). À chaque fois il s’agit du débat sur ce qu’est on n’est pas la philosophie de Marx.
Mais il faut attendre l’intervention de Louis Althusser qui coïncide avec le renouveau des études spinoziennes en France (Gueroult, Matheron et surtout Deleuze) pour que la référence à Spinoza devienne constitutive de ce qui a été l’ultime réélaboration d’ensemble de la pensée marxiste, dans la perspective d’une relance du mouvement révolutionnaire en occident après celle de Gramsci (dont la pensée n’agit qu’après les années cinquante).
Là encore rien n’est simple parce que la recherche inachevée et tourmentée d’Althusser, en syntonie avec celle de certains de ses anciens élèves, fins connaisseurs de Spinoza (Macherey, Balibar), s’articule en plusieurs moments.
André Tosel se concentre sur Althusser chez qui la référence à Spinoza est à la fois permanente et relativement développée : quelle fonction à la théorie de la connaissance spinozienne dans l’épistémologie de Pour Marx et de Lire Le Capital ? Quel Spinoza insiste dans les textes des années 1968-1978 où Althusser critique son théoricisme antérieur et cherche à purifier Marx de son téléologisme messianique et à produire le concept de pratiques insuffisamment analysées, la politique et l’idéologie ? Quel Spinoza fait encore retour au sein du matérialisme de la rencontre qu’Althusser propose dans la phase ultime de sa parabole comme expression adéquate du seul matérialisme effectif ? En quoi Spinoza peut-il aider à penser une conjoncture inédite où l’histoire a fait le vide des certitudes du mouvement ouvrier et liquidé les marxismes ?
Dans quelle civilisation sommes-nous ? Et que signifie le mot 'civilisation' ? Doit-on parler d'une civilisation occidentale, américaine ? On disait européenne autrefois...
Quand on se tourne vers Arnold J. Toynby, Oswald Spengler, ou Fernand Braudel, on voit que le nombre de civilisations répertoriées est à peu près le même, entre 8 et 10, est-ce vrai encore aujourd'hui ? Y'a-t-il plusieurs civilisations sur la Terre ou bien n'y a-t-il qu'une seule civilisation planétaire ? Quelle différence peut-on faire entre civilisation et culture ?
Un débat modéré par Jean-Pierre Chevènement.
Dans sa préface à la Phénoménologie de l’esprit, Hegel signale qu' "À la facilité avec laquelle l’esprit se satisfait, on peut mesurer l’étendue de sa perte." Il vise ainsi le poématisme absolu de Schelling, troquant la richesse du poème contre la palette d’un peintre limitée à deux couleurs : "le rouge pour la scène historique et le vert pour les paysages selon la demande". Réduisant encore cette binarité, notre temps ("Chaque philosophie ne fait que résumer son temps dans la pensée"), censure le rouge au profit du seul vert ; la couleur, très "völkisch", des "Forêts teutonnes" qui dominent Fribourg ; un vert désencombré de l’histoire : celui de l'écologie politique, qui "en a marre du gaullo-communisme" (D. Cohn-Bendit), ou du Medef qui dit vouloir "en finir avec le C.N.R." (D. Kessler).
En entreprenant cette discussion sur Hegel, Dominique Pagani s’est efforcé, par pur souci esthétique, d'y restituer une légère touche de rose ; celle qui nous embaume "dans la croix de la souffrance présente" : on l’aura compris nous sommes ici en représentation, au théâtre. Partant, le problème de la connaissance, n’y paraît qu’à la lumière qui achève toute dramatique ; à commencer par celle que notre Ulysse de l’esprit nomme "la religion esthétique" : la Reconnaissance.
Dans cet entretien, Claude Lefort est interpellé par des amis - Claude Habib, Pierre Manent, Claude Mouchard et Pierre Pachet - dont l'enseignement et les travaux se situent dans le champs de la philosophie et de la pensée politique.
Il revient d'abord sur son parcours, parcours qui éclaire ensuite bon nombre de réflexions -sur le totalitarisme notamment- qu'il developpera ensuite et qui feront son originalité et sa renommée dans le champ des sciences politiques.