La réflexion sur les enjeux de territoire et la récusation d'une unité politique du monde sont des motifs récurrents de l’œuvre de Carl Schmitt, malgré les ruptures apparentes ou réelles qu’elle comporte. Ils sont présents dans les écrits de la période décisionniste (1920-1933), où ils illustrent le fantasme d’un dépassement définitif du conflit politique.
Durant la période national-socialiste, Schmitt oppose sa théorie du "grand espace" et des Empires aux rêves mondialistes, d’autant plus dangereux qu’ils servent les intérêts d’une puissance aspirant à l’hégémonie, les États-Unis.
Mais c’est dans les écrits postérieurs à 1945 que cette approche devient centrale, en même temps que la réflexion désabusée sur "le nouveau nomos de la terre" qui pourrait succéder au jus publicum europaeum de l’époque moderne.
En fin de compte, le rejet constant du rêve d’une unification politique illustre à la fois la conviction étatiste de Schmitt et son refus d’une philosophie rationaliste de l’histoire.
A travers l'histoire du darwinisme, l'historien de la biologie André Pichot retrace les diverses idéologies et doctrines informes qui ont servit à justifier "scientifiquement" la compétition ou (plus rarement) la solidarité dans les sociétés humaines à partir des connaissances en biologie.
Un florilège de bêtises et de stupidités pourtant très sérieusement soutenues par nombre de scientifiques, encore aujourd'hui.
Une conférence donnée dans le cadre du colloque “Entretiens sur les avatars de la solidarité”.
Dans le cadre des travaux de l'Institut Charles Darwin international, Patrick Tort vient nous présenter les Volumes XXIII et XXIV des Oeuvres complètes de Charles Darwin en français, dont il dirige la publication. Car La filiation de l'homme et la sélection liée au sexe est tout simplement la publication de sciences humaines la plus importante, en français, depuis un bon quart de siècle...
Au fil de cette présentation, on peut découvrir pourquoi : c'est d'abord à une conception matérialiste de la morale et de la civilisation que nous avons droit, accompagnée d'explications particulièrement éclairantes.
Cette conférence se veut une introduction à l'oeuvre de Georg Lukács (1885-1971), dont la pensée esthétique et philosophique, dans le sillage de Karl Marx, est l'une des plus importantes du XXe siècle.
Nicolas Tertulian, qui aura dépensé beaucoup de temps et d'énergie à vulgariser, interpréter et diffuser l'oeuvre du grand penseur hongrois, s'emploie à la tâche dans cette conférence organisée par les Éditions Delga pour "Les ateliers de la praxis".
Tenir une position en épistémologie implique forcément de postuler une certaine anthropologie métaphysique. Pour l'épistémologie des vertus qui met l'accent sur la réalisation de notre nature humaine, l'anthropologie sous-jacente se revendique clairement des enseignements de saint Thomas.
C'est ce qu'entend montrer Roger Pouivet dans cette conférence qui nous invite à penser à nouveaux frais les liens entre l’épistémologie et la métaphysique !
Caroline Galactéros, Docteur en Science politique, Colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées et directrice du cabinet d'intelligence stratégique Planeting, nous parle de la nouvelle donne des relations internationales en développant les cinq points suivants :
- le retour de la puissance russe
- la montée en puissance de l'Asie comme tendance lourde
- la dynamique suicidaire de l'Europe
- le rôle amoindri de la France sur la scène internationale
- l'évolution nécessaire du droit international récent au regard de sa pratique actuelle
Alexandre Fernon, traducteur du livre d'Edward Palmer Thompson dont le sous-titre est Contre Althusser et le marxisme anti-humaniste, vient nous parler de cet ouvrage polémique et du penseur à qui il s'oppose, penseur qui a joué un grand rôle dans la formation des intellectuels critiques français qui sont aujourd’hui en vogue : Louis Althusser. Dans les années 1960 et 1970, ce philosophe marxiste, figure de proue du structuralisme, membre du Parti communiste mais adulé par les étudiants maoïstes, est considéré comme une référence par Alain Badiou, Jacques Rancière, Étienne Balibar, Manuel Castells ou Nicos Poulantzas.
Et c'est dans ce livre énergique et drôle, écrit en 1978, que l’historien britannique E. P. Thompson ridiculise la prétention des althussériens à hisser le marxisme au rang de science, le caractère réductionniste et mécanique de leur approche de l’histoire ou de la société, ainsi que le parfum de stalinisme qui entoure leurs positions. Pour lui, ce marxisme académique n’est rien d’autre que l’opium d’une bourgeoisie intellectuelle venue s’encanailler à l’extrême gauche.
En contrepoint, E. P. Thompson propose sa propre conception du marxisme nourrie de sa pratique d’historien, qui se fonde sur un dialogue avec les faits et accorde une place centrale à la capacité des hommes et femmes à faire leur propre histoire. Partisan de ce qu’il appelle un "communisme libertaire", il en appelle à relever le drapeau de l’humanisme pour élaborer une critique du capitalisme qui rejoigne les valeurs morales des classes populaires.
"Valeurs" : jamais ce terme n’a été aussi fréquemment invoqué, alors même qu’il est peu ou mal défini. Plutôt que de contourner ou de disqualifier la question, Nathalie Heinich l’aborde avec sérieux, au moyen des outils des sciences sociales, en adoptant une approche descriptive, compréhensive et résolument neutre.
Elle montre ainsi que les valeurs ne sont ni des réalités ni des illusions, mais des représentations collectives cohérentes et agissantes.
Contrairement à la philosophie morale, qui prétend dire ce que seraient de "vraies" valeurs, la "sociologie axiologique" s’attache à ce que sont les valeurs pour les acteurs : comment ils évaluent, opinent, pétitionnent, expertisent ; comment ils attribuent de "la" valeur, en un premier sens, par le prix, le jugement ou l’attachement ; comment les différents objets valorisés (choses, personnes, actions, états du monde) deviennent des "valeurs" en un deuxième sens (la paix, le travail, la famille) ; et comment ces processus d’attribution de valeur reposent sur des "valeurs" en un troisième sens, c’est-à-dire des principes largement partagés (la vérité, la bonté, la beauté), mais diversement mis en œuvre en fonction des sujets qui évaluent, des objets évalués et des contextes de l’évaluation.
L’analyse pragmatique des jugements produits en situation réelle de controverse, de différend impossible à clore permet à Nathalie Heinich de mettre en évidence la culture des valeurs que partagent les membres d’une même société. On découvre ainsi que, contrairement à quelques idées reçues, l’opinion n’est pas réductible à l’opinion publique, pas plus que la valeur ne l’est au prix, ni les valeurs à la morale ; que les valeurs ne sont ni de droite ni de gauche ; et qu’elles ne sont ni des entités métaphysiques existant "en soi", ni des constructions arbitraires ou des dissimulations d’intérêts cachés.