L’objectif de cette conférence est de montrer, contrairement à ce qui est couramment admis en France, que Karl Polanyi a non seulement été influencé par Marx, mais à aussi produit une oeuvre qui peut s'articuler avec bon nombre d'idées marxiennes.
Karl Polanyi élabore en effet un marxisme à visage humaniste, promouvant une politique de contrôle de l’économie par la démocratie politique. Elle seule est en mesure de mettre fin à la détermination des règles politiques par les firmes. Et d’éviter que les populations, mécontentes de la gestion de la crise socio-économique et écologique, ne se tournent finalement vers les solutions autoritaristes.
D’un côté, 3 milliards de gens vivent dans des conditions indignes de l’humanité. Enseignement, santé, énergie, eau, alimentation, mobilité, logement : individuellement leurs besoins sont modestes mais, au total, ils sont énormes. Comment les satisfaire sans augmenter la production ? De l’autre, deux cents ans de productivisme ont mené le système climatique au bord de l’infarctus. La réalité nous impose de réduire radicalement les émissions de gaz à effet de serre. Donc la production matérielle. Comment stabiliser le climat tout en satisfaisant le droit légitime au développement de celles et ceux qui n’ont rien, ou si peu… et qui sont en même temps les principales victimes du réchauffement ? C’est le casse-tête du siècle.
Daniel Tanuro propose de réconcilier l’écologie et le projet socialiste, parce que le capitalisme ne saura rien résoudre. Si l’on n’est pas capable d’articuler lutte sociales et écologiques, le capitalisme causera des catastrophes humaines et environnementales de grande ampleur. Quelles erreurs ceux qui se réclament du socialisme ont-ils commises pour que cette articulation semble aujourd’hui si difficile ?
Nicolas Tertulian a abordé à plusieurs reprises le sujet d'une confrontation entre les pensées de Heidegger et de Lukacs. Il est parti de l'idée qu'il existe des motifs communs entre les deux pensées, par exemple le thème de l'aliénation et celui de la réification.
Cette conférence poursuit un objectif plus ambitieux, car il se propose de remonter aux fondements ontologiques des deux pensées et confronter Heidegger et Lukacs à partir de leur opposition sur pluseurs questions philosophiques cruciales : l'autonomie ontologique du monde extérieur, la définition du concept de "monde", la "subjectivité du sujet" et la humanitas de l'homo humanus, la critique lukacsienne du concept heideggérien d' "être-jeté..." (Geworfenheit), la problématique de la finitude et de l'infini, etc.
La thèse centrale est l'occultation par Heidegger du travail comme "phénomène originaire" de l'existence humaine et sa substitution par une catégorie affective : le "Souci" (die Sorge), tandis que Lukacs a construit son ontologie de l'être social, en suivant Hegel et Marx, sur l'idée du travail comme pivot de l'existence humaine.
Enfin, il désigne plusieurs motifs de la pensée heideggérienne (la critique de la pensée sécurisante, par ex.) qui préfigurent l'adhésion du philosophe à l'extrême-droite de l'époque, ce qui confirme la thèse de Lukacs formulée dans son livre La Destruction de la Raison sur le caractère "pré-fasciste" de certaines orientations de la philosophie heideggérienne à l'époque qui a succédé à son livre fameux Être et Temps.
L’impérialisme, stade suprême du capitalisme : toutes les époques de crise présentent les mêmes caractères économiques et politiques (mouvement de concentration du capital, impérialisme virulent, extrême violence dans les rapports politiques et sociaux, renforcement de la propagande, corruption exacerbée).
C'est à l'aune de ce postulat marxiste-léniniste qu'Annie Lacroix-Riz tente de comprendre les rivalités inter-impérialistes dans la première moitié du XXe siècle qui aura vu par deux fois les grandes puissances s'affronter dans un conflit mondial.
L’union européenne a été présentée aux Français sous le jour engageant du "Plan Marshall", ennemi de la misère et de la servitude des peuples européens. Son objectif aurait cadré avec le projet, pacifique des "pères de l’Europe", Jean Monnet, Robert Schuman, Konrad Adenauer, etc., appliqués à proscrire défnitivement les guerres qui avaient endeuillé et affaibli le Vieux Continent de 1914 à 1918 puis de 1939 à 1945. La paix serait garantie par la protection américaine, gage d’une liberté refusée aux peuples "de l’Est" soviétisés.
Cette union fondée sur la "libre concurrence" entre égaux, en lieu et place des puissants cartels, se débarrasserait du Comité des Forges des sidérurgistes et marchands de canons enrichis par les guerres mondiales : mettant fin aux crises et aux guerres, elle vaudrait à tous la prospérité et "le pain blanc", bref, l’Eldorado. Seule la récente crise, née d’une "épidémie" financière, aurait fait "dériver" ce noble projet, au risque de compromettre ses objectifs initiaux.
"Dérive" récente d’une "Europe sociale" ou "alibi européen" indispensable, à l’ère impérialiste, à la maximisation du profit monopoliste et à la guerre aux salaires ?
Annie-Lacroix Riz et Antonin Cohen reviennent dans cette conférence sur les origines idéologique et économique de cette étrange institution qu'est l'Union européenne.
Une peur hante (ce qui reste de) la gauche actuelle : la peur de s’affronter directement au pouvoir d’État.
Ceux qui insistent encore sur la nécessité de combattre le pouvoir d’État, et à plus forte raison de l’objectif de le conquérir, sont immédiatement accusés d’être restés accrochés à l’ "ancien paradigme" : la tâche, de nos jours, consisterait à résister au pouvoir d’État en se retirant de son rayon d’action, en se soustrayant à celui-ci et en créant des espaces nouveaux qui échappent à son contrôle. Le dogme de la gauche universitaire actuelle est résumé de la façon la plus claire par le titre du livre d’entretiens de Toni Negri, "Goodbye Mister Socialism".
L’idée est que le temps de la vieille gauche, dans ses deux versions, réformiste et révolutionnaire, qui visent toutes deux la conquête du pouvoir d’État et la protection des intérêts corporatistes de la classe ouvrière, que cette époque donc est terminée. Aujourd’hui, la forme dominante de l’exploitation serait l’exploitation de la connaissance, du travail immatériel, etc. Il y aurait donc un développement culturel "postmoderne" en cours que la vieille gauche se refuserait de prendre en compte. Pour se rénover elle-même, la gauche doit donc… lire Deleuze et la théorie de l’hégémonie, etc.
Et si toutefois cette façon de définir le problème faisait elle-même partie du problème ?
Les aventures de la petite phrase, droit naturel, demeurent encore largement méconnues, bien qu’elles suscitent un intérêt réel et récent.
Le travail de Brian Tierney (1997) a permis de mieux situer sa réapparition dans des formes toutes nouvelles, à l’époque tumultueuse des XIIe, XIIIe et XIVe siècles, et d’en suivre la renaissance à la lumière de l’Ecole de Salamanque jusqu’aux débuts du XVIIe siècle.
Florence Gauthier nous propose de revenir sur l’histoire de ce concept de droit, et sur ses potentialités révolutionnaires.
"Nouvel esclavage", "anéantissement des races décadentes", "anéantissement de millions de ratés" : ces mots d’ordre effrayants, formulés de manière séduisante sous la plume de Nietzsche, ont longtemps été interprétés comme autant de métaphores.
La reconstruction historique de Domenico Losurdo montre au contraire qu’il s’agit de la radicalisation de tendances bien présentes dans l’Occident de la seconde moitié du XIXe siècle : aboli aux États-Unis en 1865, l’esclavage prend des formes nouvelles dans les colonies ; les indiens d’Amérique et les "indigènes" sont décimés ou exterminés ; l’eugénisme se répand et l’on exige la stérilisation forcée des "non aptes".
À partir de la Commune de Paris, Nietzsche prône des mesures énergiques contre les "esclaves" rebelles et appelle à en finir avec non seulement le socialisme, mais aussi la démocratie et l’idée même de progrès, à laquelle il oppose le mythe de l’ "éternel retour" : les esclaves doivent se résigner, leur condition doit rester intangible.
Domenico Losurdo nous présente là une vision politique renouvelée de l'oeuvre de Nietzche.