Le gouvernement par les lois est-il en train de se retirer ? Comment se manifestent le renversement de la hiérarchie du public et du privé, l'effacement du système basé sur des lois reçues de l'extérieur et le retour de nouvelles formes d'allégeance ? Pourquoi chacun peut-il choisir la loi qui lui convient ? Et comment peut-on devenir son propre législateur ?
Il y a de nombreuses raisons de penser que la période qui s'est ouverte avec la montée en puissance des États souverains et du gouvernement par les lois, dans l'Europe des XIIe-XIIIe siècles, arrive à échéance. Sapé par la gouvernance par les nombres, le "rule of law" est en crise et le gouvernement par les hommes refait surface sous des formes inédites que le grand juriste Alain Supiot s'efforce d'identifier tout au long de cette série de cours.
C'est donc de l'apparition des nouvelles figures de l'allégeance dont il est ici question, où chacun doit pouvoir compter sur la protection de ceux dont il dépend et sur le dévouement de ceux qui dépendent de lui.
Bienvenue dans un monde purgé de l'hétéronomie de la loi.
Lucien Cerise, docteur en philosophie, spécialiste en linguistique et en épistémologie, nous introduit à la discipline de l'ingénierie sociale, méthode scientifique visant à la transformation des groupes sociaux. Car l'ingénierie sociale est l'une des techniques les plus utilisées pour déposséder les nations de leur souveraineté.
La deuxième partie de la conférence porte sur les usages géopolitiques de l'ingénierie sociale, aujourd'hui mise en oeuvre dans les révolutions de couleur.
C'est sous l'angle du management que nous devons comprendre les réformes récentes du travail en France. Et c'est le chercheur Thibault Le Texier qui vient nous parler de cette thématique après avoir signé aux éditions la découverte l'essai Le maniement des hommes : essai sur la rationalité managériale dans lequel il retrace l'évolution de la notion de management, du "management domestique" au management moderne, d'une logique de soin à une logique de contrôle.
Émission "La Grande table", animée par Caroline Broué et accompagné de Loïc Blondiaux.
C'est en lien avec le monde de l'art en particulier que Baptiste Rappin, dont vient d'être publié De l'exception permanente : Théologie de l'Organisation, deuxième volet d'une trilogie consacrée au rôle prépondérant du management dans notre monde contemporain, répond aux questions d'Anne de Kerros. Un dialogue fructueux qui permet de montrer l'étendue du "mouvement panorganisationnel".
Émission du "Libre Journal d’Aude de Kerros".
La prolifération des organisations sur la planète, telle que théorisée et encouragée par les gourous du management, semble être l’un des grands impensés de la condition de l'homme post-moderne. Depuis plusieurs années, Baptiste Rappin, Maître de Conférences à l'Université de Lorraine, mène sur le sujet une réflexion indispensable en s'attachant à en comprendre la dimension ontologique.
La sortie de son dernier livre De l'exception permanente : Théologie de l'Organisation, deuxième volet d'une trilogie monumentale dont le but n’est rien moins que de révéler notre configuration historiale, nous permet de revenir sur le sens de ses travaux.
Émission "Le monde de la philosophie", animée par Rémi Soulié.
Thibault Le Texier, chercheur en sciences humaines, déconstruit quelques poncifs contemporains liés au management : l'efficacité, le contrôle et l'organisation ne sont pas directement liés à la logique marchande, mais constituent le soubassement de la rationalité managériale, pivots du contrôle des hommes ou des femmes, de l'entreprise à la cuisine !
Et dire qu'à l'origine le verbe "manager" voulait dire "prendre soin, s'occuper de", s'agissant d'un enfant, d'un malade ou d'un animal de ferme. Mais Monsieur Taylor est passé par là avec son regard d'ingénieur. L'histoire en a été changée.
Faire de l’entreprise le cœur des sociétés : ce projet, claironné par M. Emmanuel Macron, est d’ordinaire identifié au néolibéralisme contemporain. Il marque en réalité l’aboutissement d’une longue histoire. Celle de la rationalisation du travail et du temps, qui commence dans les monastères au XIIIe siècle. Celle aussi de l’édification d’une croyance commune dans le salut par le progrès industriel.
Et c'est ce que nous raconte Pierre Musso, professeur à l'Université de Rennes et auteur du récent La Religion industrielle.
Une conférence prononcée dans le cadre de la journée "Tout le monde déteste le Travail".
Alain Supiot nous présente la manière dont les objectifs du développement durable s’inscrivent dans le mouvement plus général de substitution de la gouvernance par les nombres au "régime de droit" exigé par le Préambule de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme.
Car le droit est un objet familier et mystérieux, dont l’importance est souvent sous-estimée. Il a pourtant une place centrale dans la construction de nos sociétés. Il ne sert pas seulement à voir le monde tel qu’il est, mais tel qu’il pourrait être.
Chaque époque possède sa propre représentation du monde et donc ses propres "lois". L’État social est la grande invention institutionnelle occidentale issue de la révolution industrielle. Mais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous observons le passage progressif d’un "imaginaire industriel" à un "imaginaire cybernétique" qui porte avec lui l’idéal d’une gouvernance par les nombres : l’action de l’État ne serait plus pensée en termes de législation mais en termes de programmation, les individus répondant alors à des objectifs chiffrés suivant les orientations fixées par les gouvernements.
Aujourd’hui, cet État social est déstabilisé par le contexte de la mondialisation qui remet en question la façon occidentale de penser la société. À l’opposé, la globalisation propose l’idée d’un "marché total, peuplé de particules contractantes n’ayant entre elles de relations que fondées sur le calcul d’intérêt. Ce calcul tend ainsi à occuper la place jadis dévolue à la Loi comme référence normative sous l’égide duquel on contracte".