6 juillet 1535, Thomas More monte sur l'échafaud. Décapité pour sa fidélité à la papauté, le conseiller d'Henri VIII reste un personnage énigmatique, à la confluence de la religion et de la politique, de la raison et du sentiment, de la critique sociale et du conservatisme. D'où le caractère déconcertant de l'individu.
Ce bourgeois de Londres mena en parallèle plusieurs carrières. Juriste d'affaires et défenseur des intérêts commerciaux de son pays, il se mit au service de son roi, dont il devint le lord chancelier, avant d'être disgracié, emprisonné et mis à mort. Ami d'Érasme et homme de lettres, il rédigea, en 1515-1516, l'Utopie, chef-d'œuvre de la renaissance. Homme d'État et homme d'étude, canonisé au XXe siècle, Thomas More fut un saint laïc, vivant "dans le monde" - un homme de son temps, celui de l'Angleterre du XVIe siècle, dont il contribua au rayonnement intellectuel.
Comment a-t-on pu se révéler persécuteur et persécuté, pour finir saint et martyr ? L'historien Bernard Cottret explore minutieusement les mille facettes de ce personnage complexe, en restituant les grandeurs et les ambigüités de cet homme attaché à sa famille et à son roi, Henri VIII, dont on découvre ici la face cachée...
Émission "Les mardis de la mémoire", animée par Dominique Paoli.
Malgré quelques vers toujours inscrits dans la mémoire collective, ou l'image de sa tombe au cimetière marin de Sète, la figure de Paul Valéry semble se tenir au bord de l'oubli. La faute, peut-être, à une œuvre et à une biographie rétives aux opérations visant à les résumer.
Au cours de sa vie, Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry s'est beaucoup employé à brouiller les pistes de sa biographie, refusant d'une main les démarches qui se vouaient explicitement à la retracer, tandis que de l'autre il nourrissait son œuvre d'authentiques détails de son existence. De la même façon, sa prédilection pour le fragment et l'aspect quasi-préparatoire, intermédiaire, de certains de ses textes rendent son travail difficile à envisager comme un ensemble unifié.
Tâcher de comprendre l'écrivain, qui fut aussi bien philosophe que poète, cela consiste donc à se conformer à la part éparse des chemins empruntés par Paul Valéry. Et peut-être saisir les contours de la grande entreprise dont son œuvre, aussi consistante soit-elle, ne fit que tracer le projet.
Émission "Sans oser le demander", animée par Matthieu Garrigou-Lagrange.
On ne manque jamais de rendre hommage aux ouvrages de Paul Bénichou quand on s'aventure sur son terrain, celui de la religiosité romantique et de la sacralisation de l'écrivain. Cependant, cet intérêt semble plus thématique que scientifique. On mentionne Bénichou comme par réflexe, car il constitue la référence incontournable sur ce type de sujets, mais on commente rarement la teneur exacte de ses livres, ses prises de position, comme si quelque chose dans la manière de procéder du célèbre critique embarrassait la recherche actuelle.
Il n'est pas si aisé de formuler les raisons de cette réticence, la méthode de Bénichou pouvant elle-même difficilement se définir de manière univoque. Alexandre de Vitry part donc de ce flou de départ, inhérent au travail de Bénichou, pour mieux comprendre ce qui a pu faire la spécificité de sa critique-fleuve, tant dans sa méthode que dans ses implications idéologiques.
On connaît le célèbre titre d'Henry de Montherlant, Barrès s'éloigne publié chez Grasset en 1927 quatre ans après le décès du célèbre écrivain. Pourtant, un siècle après sa mort, l'auteur du Culte du moi et des Déracinés n'est pourtant pas oublié ayant vu certaines de ses œuvres rééditées et différents travaux universitaires lui être consacrés. L'ambition d'Olivier Dard est ici, en s'appuyant sur les écrits de Barrès (1862-1923) comme sur les études publiées récemment à son sujet, de dresser un portait de ce dernier qui met l'accent sur trois de ses principales facettes.
Il s'agirt d'abord d'évoquer l'écrivain lorrain et l'acteur politique que fut Barrès en soulignant notamment la précocité de son succès littéraire, son implication dans les crises nationalistes de la IIIe République (boulangisme, affaire Dreyfus) ou encore son engagement en faveur de la Revanche marqué par son cycle romanesque des Bastions de l'Est et son rôle au cœur du premier conflit mondial où il publie Les diverses familles spirituelles de la France. Un deuxième volet vise à montrer à quel point Barrès, loin d'être un auteur limité à la France, connut de son vivant un fort rayonnement à l'étranger, et d'abord en Europe.
Dans ce tour du continent qui nous conduit de la péninsule ibérique à l'Europe centrale mais aussi, au-delà des mers à ce qu'on appelait alors le Canada français, une place particulière est faite à la Belgique tant Barrès a pu y influencer des écrivains et des nationalistes francophones, à commencer par Pierre Nothomb.
En troisième lieu, il s'agit de s'attacher à la postérité de Barrès sur un siècle pour brosser un rapide panorama de l'influence qu'il a pu laisser après sa mort, en France bien sûr, mais aussi à l'étranger. Ou pour le dire autrement se demander que signifient la personne et l'œuvre de Barrès en 2023.
Barthes est-il antimoderne ? Non pas les conservateurs, les académiques, les frileux, les pompiers, les réactionnaires, mais au sens qu'Antoine Compagnon a donné à ce terme : être moderne à contre-cœur, malgré soi, à son corps défendant.
Barthes a-t-il avancé en regardant dans le rétroviseur, comme Sartre disait de Baudelaire ?
Émission "Les Chemins de la philosophie", animée par Raphaël Enthoven.
La traduction, par essence, est nécessairement imparfaite. Mais il existe des solutions qui sont moins insatisfaisantes que d'autres !
André Markowicz, accompagné de sa compagne Françoise Morvan, est le traducteur infatiguable de Dostoïevski, Pouchkine, Gogol on encore Shakespeare.
Il nous ouvre les portes de leur appartement, ainsi que celles de son ordinateur, un bruyant Macintosh, et raconte les projets en cours et leur manière de travailler, souvent à quatre mains...
Surtout connu du grand public comme un écrivain pour enfants, Pierre Gripari est pourtant un auteur accompli qui publia beaucoup à la maison d'édition L'Âge d'Homme. C'est en tant que rédacteur régulier d'Éléments et compagnon de route du GRECE qu'il croisa régulièrement Alain de Benoist.
L'occasion de revenir avec ce dernier sur leur amitié et la carrière de ce "martien en exil" qu'était Pierre Gripari.
Octave Mirbeau, né en 1849 et mort en 1917, était un écrivain, critique d'art et journaliste au caractère impétueux et à la sensibilité exacerbée. Animé par la rage de rattraper ses erreurs du passé et d'assouvir son sens aigüe de la justice, il défendit sans relâche les opprimés et n'hésita pas à dénoncer, parfois seul et contre tous, l'hypocrisie des institutions politiques et religieuses.
Auteur d'une œuvre monumentale que cachent certains de ses succès tels que le roman Le Journal d'une femme de chambre ou la pièce de théâtre Les affaires sont les affaires, Octave Mirbeau était un écrivain visionnaire qui donna la parole à ceux qui en étaient privés et qui fut reconnu par les auteurs de son temps, tels que Léon Tolstoï ou Guy de Maupassant.
Passée sous silence pendant près d'un demi-siècle, son œuvre est d'une brûlante modernité. Et c'est Pierre Glaudes, professeur de littérature française et spécialiste des romanciers et essayistes du XIXe siècle, qui vient nous y introduire.