Supposons un instant que le dirigeant de la Banque de France, le directeur de la police et celui des Archives nationales soient des esclaves, propriétés à titre collectif du peuple français. Imaginons, en somme, une République dans laquelle certains des plus grands serviteurs de l'État seraient des esclaves. Ils étaient archivistes, policiers ou vérificateurs de la monnaie : tous esclaves, quoique jouissant d'une condition privilégiée, ils furent les premiers fonctionnaires des cités grecques.
En confiant à des esclaves de telles fonctions, qui requéraient une expertise dont les citoyens étaient bien souvent dénués, il s'agissait pour la cité de placer hors du champ politique un certain nombre de savoirs spécialisés, dont la maîtrise ne devait légitimer la détention d'aucun pouvoir. Surtout, la démocratie directe, telle que la concevaient les Grecs, impliquait que l'ensemble des prérogatives politiques soit entre les mains des citoyens. Le recours aux esclaves assurait ainsi que nul appareil administratif ne pouvait faire obstacle à la volonté du peuple. En rendant invisibles ceux qui avaient la charge de son administration, la cité conjurait l'apparition d'un État qui puisse se constituer en instance autonome et, le cas échéant, se retourner contre elle.
Que la démocratie se soit construite en son origine contre la figure de l'expert gouvernant, mais aussi selon une conception de l'État qui nous est radicalement étrangère, voilà qui devrait nous intriguer.
Un entretien mené par Maurice Sartre.
Il y a 2'500 ans, dans une Athènes où la démocratie, encore en devenir, est contestée par ceux qui ont tout mais n'ont pourtant jamais assez, un homme contribue à l'enraciner tout en devenant l'âme de la Résistance à l'invasion perse. Il s’appelle Thémistocle.
Clairvoyant et provocateur, maître dans l'art de la ruse, stratège d'exception et premier des "grands hommes" athéniens à sortir d'une famille obscure, il est à la fois l'artisan de la décisive victoire navale de Salamine, le promoteur de réformes démocratiques et celui qui va donner à Athènes, face à la militariste Sparte, les instruments de sa puissance et de son rayonnement pour le siècle qui suit.
Mais les peuples se fatiguent de ceux qui veulent les mener trop haut et ceux qui, à Athènes, entendent rétablir le pouvoir des "bien nés et bien nantis" n'auront de cesse de l'abattre. Ostracisé, proscrit, Thémistocle termine sa vie en exil… sans avoir jamais renoncé à prendre sa revanche.
À partir de textes antiques lacunaires, Olivier Delorme nous entraîne dans une Athènes où l'on ne recule devant aucun moyen pour assouvir ses passions et ses haines. De l'Assemblée du peuple au stade, du champ de bataille à Olympie, de l'antre de la Pythie de Delphes au banquet ou au théâtre, c'est toute une époque qui revit, celle où s'élabore le classicisme grec qui a donné ses fondements à notre civilisation.
Émission "Vendredi c'est PYR !", animée par Pierre-Yves Rougeyron.
Par le courant philosophique appelé "Idéalisme allemand" et les idées des penseurs comme Hegel, Fichte ou Kant, les Allemands depuis le XVIIIe jusqu'au début du XIXe siècle se voyaient symboliquement les descendants des anciens Grecs.
L'œuvre théâtrale de Wagner magnifie cette vision d'une façon si absolue qu'on ne peut en saisir toute la profondeur qu'en la considérant avec toutes ses implications philosophiques. Son art est une réponse éloquente à la question : "Qu'est-ce qui est allemand ?"
Une conférence organisée par le Cercle Richard Wagner-Lyon.
La grande helléniste française Jacqueline de Romilly nous présente ici la façon dont Platon, dans le Phèdre, décrit métaphoriquement les divisions et luttes intérieures de l'âme.
Elle montre notamment en quoi ce texte de Platon diffère à la fois des textes qui l'ont précédé bien qu'utilisant la même métaphore d'un attelage ailé pour décrire l'âme, mais aussi de la tragédie grecque dans la façon dont elle envisage les divisions de l'âme.
Aujourd'hui, les théâtres continuent d'afficher régulièrement des tragédies grecques. Pourquoi des textes, écrits il y a 2'500 ans, qui marquent l'invention du théâtre, fascinent-ils encore aujourd'hui ?
Jean-Pierre Vernant, spécialiste de l'homme grec ancien dont il a considérablement renouvelé l'approche, nous expliquer en quoi la tragédie grecque reste d'actualité en tant que phénomène social, esthétique et psychologique nous permettant de plonger aux sources de nos racines culturelles.
"La pensée grecque" s'efforce de définir à la fois un parcours intellectuel et les catégories avec lesquelles Jean-Pierre Vernant pense le monde grec.
Car c'est sous la double influence de Louis Gernet, helléniste et sociologue, et d'Ignace Meyerson, fondateur de la psychologie historique que Jean-Pierre Vernant s'est efforcé de montrer quelles sont les catégories psychologiques dont on peut dégager la présence dans les textes et les images du monde grec archaïque et classique.
Un échange avec Françoise Frontisi, François Hartog et Pierre Vidal-Naquet.
Depuis les années 1970, l'œuvre de Cornélius Castoriadis apparaît de plus en plus comme une référence majeure pour tous ceux qui s'efforcent d'analyser la dynamique des sociétés contemporaines, d'élucider le sens du projet démocratique, ou de mettre en lumière les conditions auxquelles on peut penser l'histoire et la liberté.
Ce colloque a pour but de montrer et de discuter les principaux apports de cette pensée exigeante à la philosophie et à la théorie politique, mais aussi à la compréhension du présent et à l'épistémologie du savoir contemporain.
Cinq thèmes ont été retenus qui donnent lieu à des exposés et à des débats entre Cornélius Castoriadis et des intellectuels de divers pays :
- ontologie et épistémologie
- la théorie de la démocratie et l'expérience grecque
- le social-historique et l'imaginaire social des sociétés modernes
- les conflits politiques et les perspectives contemporaines
- l'inconscient et la psychanalyse
La République est un idéal, gorgé du désir d'un monde meilleur, plus juste, plus démocratique et plus égalitaire. En ce sens, elle est aussi une promesse.
Pourtant, le concept de "République" apparaît aujourd'hui vidé de son sens pour bon nombre de nos concitoyens : à force d'entendre les mêmes grandes déclarations faites d'un assemblage d'éléments de langage désincarnés, tout ceci apparaît comme de la comédie.
Il faut, pour revitaliser la République, procéder à un travail de resignification. Dire d'où elle vient, quelle est sa spécificité, ce qu'elle engage et qu'elle exige.
C'est ce à quoi s'emploie l'historien du droit Thomas Branthôme, afin que la République retrouve son sens perdu et que ceux qui s'en réclament participent à une transformation réelle du monde.