N’en déplaise à quelques esprits chagrins ou irréductiblement sceptiques, il est loisible de considérer que l’efflorescence des drapeaux tricolores un peu partout après le drame du 13 novembre dernier est d’importance sur la longue durée, tout comme l’est aussi cette Marseillaise qui a jailli spontanément à l’Assemblée Nationale ou au Congrès de Versailles, et aussi parmi la foule place de la République et dans bien d’autres lieux. Nous parlons de longue durée et c’est bien sous sa lumière qu’il convient de replacer, pour en prendre mieux la mesure, le phénomène collectif dont il s’agit.
Serons donc abordés les emblèmes que la France et la République se sont choisies pour elles-mêmes au long des âges, du mystère de leurs origines, de leur prégnance dans les esprits et dans les cœurs, des turbulences qu’ont connues leurs usages, de leur efficacité pour unir, comme de leur force symbolique, en sens inverse, pour entretenir des déchirements parmi la nation.
Nous n’allons pas parler seulement de vexillologie - la science des drapeaux, des étendards et des pavillons -, pas seulement de couleurs, triomphant seules ou rassemblées, mais aussi de divers animaux, le coq, l’aigle, l’éléphant ou l’abeille, mais aussi de Marianne, mais aussi de bonnet phrygien…
Et c’est naturellement de Michel Pastoureau que nous allonrs solliciter les lumières, la science, la subtilité et de la sagacité !
Émission "Concordance des temps", animée par Jean-Noël Jeanneney.
À travers une oeuvre consacrée en partie à la situation de l'homme-culture face a la barbarie, George Steiner suscite une interrogation fondamentale : quel sens peut-il émerger du champ de ruines laissées par l'histoire de ce XXe siècle ?
De cette barbarie-là à ce qu'il appelle l'espéranto technocratique et technologique ; il est question de la place de la culture et de l'intellectuel dans notre société. Deux siècles après les Lumières - quand Jefferson proclamait "plus, jamais on ne brûlera de livres parmi les hommes civilisés".
Pourtant le bilan est lourd...
Les entretiens sont menés par Antoine Spire.
Nous avons abandonné l’économie du salut en cherchant notre salut dans l’économie. Mine de rien et sans prévenir, l’ère chrétienne a pris fin avec le remplacement par la cité de la réussite des grands récits de l'émancipation. Inutile donc de courir plus longtemps après l'Histoire, elle a tiré sa révérence.
Mais est-ce l’Histoire qui nous a quitté, ou bien la chimère que nous adorions sous ce nom ? Et après les attentats que nous venons de vivre, l’Histoire avec une grande hache fait-elle son grand retour dans notre pays et notre continent qui se croyaient tirés d’affaire ?
François Angelier vient de publier Bloy ou la fureur du juste (Points, 2015), essai dans lequel il revient sur la trajectoire de cet écrivain qui ne cessa, entre la défaite de 1870 et la Première Guerre mondiale, de clamer la gloire du Christ pauvre et de harceler sans trêve la médiocrité convenue de la société bourgeoise, ses élites et sa culture.
Catholique absolu, disciple de Barbey d'Aurevilly, frère spirituel d'Hello et de Huysmans, dévot de la Notre-Dame en larmes apparue à La Salette, hanté par la Fin des temps et l'avènement de l'Esprit saint, Léon Bloy, écrivain et pamphlétaire, théologien de l'histoire, fut un paria des Lettres, un "mystique de la douleur" et le plus furieux invocateur de la justice au coeur d'une époque dont il dénonça la misère sociale, l'hypocrisie bien-pensante et l'antisémitisme.
Bloy ou le feu roulant de la charité, une voix plus que présente - nécessaire.
Émission "Les Racines du ciel", animée par Leili Anvar.
Alors que la devise, les symboles et les valeurs de la République ont largement été invoqués ces derniers temps en France, à travers le drapeau et la Marseillaise, et que nous sommes à quelques jours des élections régionales, qui rythment notre vie républicaine, nous posons aujourd'hui la question de ce que signifie ce terme utilisé et revendiqué par (presque) tous : la République. Quel est son sens historique, politique et juridique ?
La République est-elle une référence obligée du discours publique ? Est-ce qu'à trop invoquer cette notion, on la vide de son sens ? A-t-on affaire à un concept vide dont n'importe qui peut se prévaloir ?
C'est la thèse de Frédéric Rouvillois dans son ouvrage "Être (ou ne pas être) républicain", que questionne aujourd'hui le philosophe Serge Audier pour qui la République est plutôt complexe que vide. Définir le républicanisme est en effet essentiel puisque la construction d'une unité et les valeurs défendues semblent s'y jouer.
Quelles sont les différences idéologiques entre l'invocation de la République, de la Nation, de la Démocratie ou de la Patrie ?
C'est la question que pose Alain Finkielkraut en empruntant l'expression à son invité Marc Fumaroli qui publiait à "La bibliothèque des histoires" chez Gallimard en février de la même année l'ouvrage "La République des lettres" où il écrit ceci :
"Extérieurement j’ai vécu à l’époque où l’expression République des Lettres désigne, plus ou moins ironiquement, le petit échiquier étroitement parisien ou festivalier, plus que jamais agité, dont les pièces du jeu annuel sont des centaines de romans, et la récompense des parties gagnées, des dizaines de prix littéraires. Intérieurement, pendant plus d’un demi-siècle, j’ai malgré tout vécu, privément avec quelques amis et, depuis moins longtemps, dans l’actuelle Académie des Inscriptions, au sein d’une République européenne des Lettres d’un tout autre genre et d’une tout autre époque. Tel aura été mon "engagement". Me dégageant de l’actualité présente sans pour autant l’ignorer, j’ai cherché à comprendre l’actualité disparue d’une société de savants lettrés solidaires où je me plaisais et qui évoluait étrangement avec une jalouse liberté de mouvement et d’esprit dans des régimes politiques et religieux qui, selon nos critères actuels, passent pour despotiques."