Comment comprendre les incessantes reculades de l'Etat français ?
Pierre-Yves Rougeyron explique le délitement de cette institution par un double mécanisme : de perte de prestige symbolique d'abord (suppresion du Commissariat général du Plan, Deuxième gauche, think tanks) et de perte de souveraineté ensuite (production d'un droit supranational à Bruxelles).
Une dynamique infernale qui tend à détruire l'instance garantissant la paix civile et l'exercice des droits sur le territoire français.
Jusqu'à une période récente, le Droit se présentait en Europe comme un pavage de Droits nationaux. Chacun d’eux constituait un système clos sur lui-même et possédait, avec le droit international privé, son propre outil (national) de communication avec tous les autres.
Ce tableau a beaucoup changé durant ces trente dernières années. Certes le tropisme national continue de dominer l’étude du Droit, mais il a perdu de sa force pour des raisons à la fois internes et externes à l’Europe. Internes avec l’emprise désormais considérable d’un droit élaboré hors des cadres nationaux (essentiellement par la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union et, dans une faible mesure, la Cour européenne des droits de l’Homme). Externes avec la fin des empires européens, l’effacement des frontières du commerce et la montée corrélative en puissance de droits individuels détachés de leurs cadres nationaux et de nouveaux juges internationaux (Cour pénale internationale, Organe d'appel de règlement des différends de l'Organisation Mondiale du Commerce).
Cette internationalisation du Droit soulève de nombreuses questions, concernant notamment le statut des droits de l'Homme, l'inscription territoriale des lois, la souveraineté nationale ou la nature du droit européen.
Ce sont ces questions qui font ici l'objet d'un dialogue entre Mireille Delmas-Marty et Alain Supiot, puis d'un débat ouvert avec les auditeurs présents.
La Révolution française fut une révolution des droits de l’homme et du citoyen.
Elle parvint à abolir le régime féodal et l’esclavage dans les colonies, deux des piliers de l’oppression des peuples. Elle entama encore une lutte contre l’expropriation de la paysannerie, le chômage et la vie chère et mit le droit à l’existence et aux moyens de la conserver à l’ordre du jour du contrat social. Elle fonda encore un droit des peuples à leur souveraineté et refusa toute "guerre offensive", y compris coloniale.
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen synthétisait un projet de République démocratique, qui fut expérimenté de 1792 à 94, créant un espace public démocratique allant en s’élargissant, et dont les racines théoriques remontent aux Humanistes de la Renaissance, au XVIe siècle.
Et pourtant, son évocation s’accompagne immédiatement de son contraire : la Terreur. Le mot laisse derrière lui des images de répression accompagnée de flots de sang.
Il convient de rappeler quels actes et quelles personnes ont été réprimées, mais aussi de comprendre comment un tel rapprochement entre "droits de l’homme" et Terreur a pu se faire, éclipsant les premiers au profit de la seconde.
En effet, une telle substitution ne date pas de l’après-révolution, mais précisément du tout début de celle-ci, et plus exactement, du moment même où la Déclaration des droits fut votée, le 26 août 1789.
La conférence est donnée dans le cadre de l'exposition "La grande Révolution de 2014" de Raphaël Julliard du 13 janvier au 3 mars 2007.
Philippe Nemo défend la thèse de l’existence continue en France, depuis la Révolution, de deux courants qui s’opposent et qui se disputent la légitimité de l’appellation « républicain » ainsi que la légitimité de l’héritage de la Révolution.
Le premier, qu’il appelle « 1789 », correspond à ceux qui sont restés attachés au contenu de la Déclaration Des Droits De L’Homme Et Du Citoyen de 1789 et au respect de l’expression du suffrage du peuple. Le second, qu’il intitule « 1793 », héritière du Jacobinisme, est dirigiste, ne rechigne pas à l’usage de la force, ne respecte guère le vote populaire, et use volontiers des organes de l’Etat pour imposer un vision unique de sa mission, mais aussi pour promouvoir une espèce de religion millénariste sans dieu, le laïcisme.
Comment se manifeste la recherche de consensus sur le plan politique ?
S’insérant dans une vision du monde, dans un ensemble global, le désir de consensus révèle une profonde métamorphose dans notre manière de comprendre et d’habiter le monde qui mène à une dépolitisation de nos sociétés.
En effet, la recherche du consensus ne met plus en jeu des valeurs mais des procédures qui visent à répondre à des problèmes concrets de façon pragmatique en négociant des intérêts.
La gouvernance contemporaine devient donc un autoritarisme soft qui rend caduque le débat traditionnel d'une démocratie vivante.