Une émission qui cherche, d'une part, à faire valoir les ressorts logiques et structuraux du texte de Freud tel que Lacan l'a donné à entendre au fil de son oeuvre. Il s'agit donc de montrer ce qu'a apporté Jacques Lacan dans sa fidélité au texte freudien, à la psychanalyse contemporaine. Les intervenants font apparaître les éléments cruciaux qui animent chacun d'entre nous dans sa relation au langage, au monde social et aux questions politiques contemporaines. Le fameux stade du miroir et les travaux de divers psychanalystes sur la petite enfance permettent-ils aujourd' hui de parler d'un progrès en matière de soins infanto-juvéniles ? Le discours de Lacan permet-il, quinze ans après sa mort, de penser et d'engendrer un nouveau discours capable de réaliser notre vie privée et notre vie sociale sur d'autres tourments que ceux d'un échec sans cesse ressassé ?
D'autre part, il s'agit de rendre compte de ce que fut la pratique de Jacques Lacan et, au-delà, de ce qu'est aujourd'hui une psychanalyse dite lacanienne. "Lacan était un homme pressé" dit Pierre Rey. Il était habité par l'impatience toujours à la limite du coup d'éclat. "Sa pratique était déconcertante car il mettait au principe de ses démarches que lorsqu'il dialoguait avec quelqu'un il ne comprenait pas" (M. Czemak). C'était un dialogue qui mettait en suspens toute connivence. Lacan posait l'incompréhension au principe de tout échange.
C'est dans cette ligne de fracture d'une pratique, d'une époque et d'une lecture des concepts freudiens que l'émission installe son propos. Ainsi "Lacan est venu faire une psychanalyse parce qu'il n'y a pas de rapport sexuel" affirme Charles Melman, là où Freud célébrait l'amour du père. Mais qu'attendre d'une psychanalyse ? "De cesser de vivre des passions inutiles. De s'engager en vrai" répondront certains intervenants.
L’apparition et le développement des medias numériques et audiovisuels dans nos environnements domestiques et urbains fait aujourd’hui l’objet de plusieurs inquiétudes auprès de la communauté scientifique et intellectuelle à propos des effets qu’ils engendrent sur nos capacités attentionnelles. Les études menées par Dimitri Christakis et Frederic Zimmerman sur la synaptogenèse mettent l’accent sur les liens entre la formation du cerveau et l’environnement multi-médiatique dans lequel il évolue aujourd’hui. Katherine Hayles, professeur à l’université de Duke, résume leur analyse : "La plasticité est une caractéristique biologique du cerveau ; les hommes naissent avec un système nerveux prêt à se reconfigurer en fonction de leur environnement. […] Le système cérébral d’un nouveau-né passe par un processus d’élagage par lequel les connexions neuronales qui sont activées dépérissent et disparaissent. […] La plasticité cérébrale se poursuit durant l’enfance et l’adolescence, et continue même à certains égards au cours de l’âge adulte. Dans les sociétés développées contemporaines, cette plasticité implique que les connexions synaptiques du cerveau co-évoluent avec des environnements dans lesquels la consommation de medias est un facteur dominant. Les enfants dont la croissance se produit dans des environnements dominés par les medias ont des cerveaux câblés et connectés différemment des humains qui n’atteignent pas dans de telles conditions la maturité." La mutation que constitue l’apparition des nouvelles technologies numériques a conduit à un changement cognitif majeur au niveau attentionnel, que Katherine Hayles décrit comme une mutation générationnelle posant de sérieux défis à tous les niveaux de l’éducation et de l’université. Cette mutation consiste dans le développement de ce qu’elle appelle une hyper-attention, qu’elle oppose à ce qu’elle nomme la deep attention. Elle caractérise cette-dernière comme une captation de l’attention par un seul objet pendant une longue durée, telle la lecture d’un livre. L’hyper-attention, au contraire "est caractérisée par les oscillations rapides entre différentes tâches, entre des flux d’informations multiples, recherchant un niveau élevé de stimulation, et ayant une faible tolérance pour l’ennui. Les sociétés développées ont longtemps été capables de créer le type d’environnement qui permet d’aboutir à l’attention profonde. […] Une mutation générationnelle a lieu, passant de l’attention profonde à l’hyper-attention." Au delà de cette transformation neurologique, Bernard Stiegler nous prévient des dangers psychosociologiques et culturels que représente l’organologie actuelle des objets numériques et audiovisuels. La réception de ces objets suscite et développe chez le sujet une autre attitude cognitive que celle de l’attention profonde mobilisée au cours de la lecture d’un livre. Une première distinction tient au fait que l’opération de la lecture est dirigée par le lecteur alors que celle de la vision audiovisuelle est asservie au temps de l’appareil de projection : il en résulte que le temps de la lecture est en droit un temps "souverain", il est le temps possible de l’examen et de l’observation, d’une certaine maîtrise attentionnelle de l’objet ; alors que le spectacle audiovisuel a d’abord pour effet de capter le temps de conscience du spectateur, et tendance à l’entraîner passivement dans son flux.
A cette distinction s’y ajoute une autre : savoir lire c’est nécessairement savoir aussi bien écrire, et réciproquement, tandis que le spectateur audiovisuel classique est généralement réduit à une position de consommateur non producteur. Or, ce que Bernard Stiegler appelle "misère symbolique" tient notamment à cette dissociation entre des individus producteurs de symboles et la grande masse de ceux qui les reçoivent en ne pouvant que les consommer, sans en produire à leur tour.
Enfin, c’est le caractère singulier et singularisant de la transmission scolaire à travers l’écrit — et la médiation décisive du "maître" — qui doit être opposé à la dimension massivement industrielle de la diffusion des programmes audiovisuels : ceux-ci ont la plupart du temps pour effet et même pour fonction de produire une "synchronisation" des consciences — de leur perceptions, de leur souvenirs, bref de leur expérience, qui devient ainsi plus proche d’un conditionnement —, là où l’on peut soutenir que l’enseignement scolaire et livresque, au contraire, tel que l’école de Jules Ferry en généralise le principe à l’ensemble de la société, vise en principe à la formation d’individus singuliers, c’est à dire porteurs d’un rapport à chaque fois inédit au savoir dans son ensemble : ainsi, en droit et en fait, dans la plupart des cas et même lorsqu’elle est pratiquée en commun — comme dans une classe —, la lecture est une opération foncièrement individuelle, qui à la fois requiert et développe une attitude d’attention mono-centrée, continue et soutenue, appelée attention profonde.
Il ne s’agit évidemment pas de dire qu’un objet numérique et audiovisuel ne permet pas de créer une attention profonde, mais de dire qu’en tant que pharmakon, il présente des caractéristiques qui sont aujourd’hui mises au service, dans le contexte des industries de programmes, d’un dispositif de captation et de dissémination de l’attention qui est essentiellement destructeur —, alors même que, de toute évidence, le cinéma est un art, il sollicite et construit une attention profonde, et il est en cela le remède de ce poison.
La question décisive à laquelle nous devons est donc de savoir comment le nouveau milieu technologique dans lequel se développent désormais les cerveaux et les esprits des nouvelles générations ne leur soit pas "toxique" ? A quels enjeux le design numérique et audiovisuel devrait-il répondre pour ne pas faire obstacle à la formation de l’attention profonde, mais au contraire participer à son développement ?
La question n’est pas de rejeter les psychotechnologies numériques et audiovisuelles, ni les industries culturelles : elle est de transformer ces psychotechnologies en technologies de l’esprit, en nootechnologies ; elles est de révolutionner ces industries, qui sont devenues l’infrastructure organologique de la bataille de l’intelligence, qui est elle-même une guerre politique et économique, et dont elles sont l’arsenal — en proposant des normes de régulation adaptées à cette situation, mais aussi en les inspirant et les dotant de secteurs de recherche et de développement sur ces questions, dont elles sont de nos jours encore trop dépourvues.
Des années 1970 à nos jours, Paul-François Paoli a traversé tous les bouleversements intellectuels et politiques. Il a cru au communisme avant de devenir conservateur. Mêlant grande et petite histoire, il relate les lendemains de Mai 68, où chacun voulait vivre selon son désir ; les années 1970, où la société libérale-libertaire a supplanté celle de l'après-guerre ; les années 1980, où la sexualité s'est confrontée aux lois du marché ; les années 1990, celles de toutes les désillusions – et les années 2000, où une nostalgie conservatrice a saisi la France.
Son récit est aussi l'occasion d'établir et de commenter la bibliothèque emblématique de ces décennies : de René Girard à Jean-Claude Michéa, en passant par Jean-Paul Sartre, Raymond Aron, Michel Foucault, Marcel Gauchet, Alexandre Soljenitsyne, Bernard-Henri Lévy, Michel Houellebecq ou encore Michel Onfray, Pierre Boutang et bien d'autres.
Entre chaos et fracas, passions et résignations, exaltations et désillusions, voici les confessions vraies d'un homme qui peut dire, avec Musset, que "l'espérance est restée en route, et le bonheur a manqué de parole".
Émission "Le monde de la philosophie", animée par Rémi Soulié.
Depuis l'ouverture de la consultation pour les cyberaddicts sexuels à Marmottan, dans le début des années 2000, une évolution importante s'est opérée tant au niveau quantitatif que qualitatif : de quelques dizaines en 2006, ils sont maintenant plus d'une centaine par an à se présenter dans ce pôle et dans les autres lieux de soins franciliens et provinciaux.
Le lien entre cyberdépendance et dépendance dans la réalité se complexifie en partie en raison des développements technologiques. Un trait d'union s'opère entre toxicomanie et dépendance sexuelle, l'usage de certaines substances injectées dans un but sexuel (slam) s'observant également de plus en plus parmi les consultants, chez les homosexuels notamment.
Mais cette évolution clinique semble s'inscrire dans une trajectoire plus large remontant au 17ème siècle et s'inscrivant dans le développement socio-économique du capitalisme libéral "pornographique" dans lequel nous baignons actuellement.
Le philosophe Dany-Robert Dufour nous éclaire sur le devenir pervers de notre cité libérale.
Nous avons perdu les deux repères qui permettaient autrefois de nous définir entre les dieux et les bêtes. Nous ne savons plus qui nous sommes, nous autres humains. De nouvelles utopies en naissent. D'un côté, le post-humanisme prétend nier notre animalité et faire de nous des dieux promis à l'immortalité par les vertus de la technique. D'un autre côté, l'animalisme veut faire de nous des animaux comme les autres et inviter les autres animaux à faire partie de notre communauté morale.
Le philosophe Francis Wolff se penche plus particulièrement sur la première de ces utopies contemporaines, le post-humanisme, qui nous fait la promesse d'un dépassement de la condition humaine par le recours à la technique.
Le capitalisme hyperindustriel a développé ses techniques au point que, chaque jour, des millions de personnes sont connectées simultanément aux mêmes programmes de télévision, de radio ou de consoles de jeu.
La consommation culturelle, méthodiquement massifiée, n’est pas sans conséquences sur le désir et les consciences.
L'illusion du triomphe de l'individu s'estompe, alors que les menaces se précisent contre les capacités intellectuelles, affectives et esthétiques de l'humanité.
Donatien Alphonse François de Sade (1740-1814) a bouleversé l'histoire de la littérature comme celle des arts, de manière clandestine d'abord puis en devenant un véritable mythe.
L'oeuvre du "Divin Marquis" remet en cause de manière radicale les questions de limite, proportion, débordement, les notions de beauté, de laideur, de sublime et l'image du corps. Il débarrasse de manière radicale le regard de tous ses présupposés religieux, idéologiques, moraux, sociaux.
Anie Le Brun, commissaire invitée de l'exposition Sade : attaquer le soleil tenue au Musée d'Orsay, met en lumière la révolution de la représentation ouverte par les textes de l'écrivain. Car avant d'avoir une importance majeure dans la pensée du XXe siècle, l'oeuvre du Marquis de Sade a induit une part de la sensibilité du XIXe siècle.
Émission "Les Nuits de France Culture", animée par Christine Goémé.
En ce début de 21ème siècle, la mode est à la honte d'être humain. Le siècle dernier, du haut de sa civilisation, l'homme a commis les guerres les plus meurtrières de son histoire. Du haut de son piédestal, il domine si bien les animaux qu'il est le plus stupide d'entre eux, à détruire lentement et sûrement son propre environnement !
L'homme, le plus indigne des animaux ? Et pourtant, avons-nous le choix de ne pas croire en lui ?
Malgré ce constat, Francis Wolff livre un vibrant plaidoyer pour l'humanisme.
Émission "Qui vive ?", animée par Raphaël Enthoven.